LeSoir - 2019-08-02

(Michael S) #1
Max Verstappen est, dans tous
les cas, l’un des plus sérieux
adversaires de Lewis Hamilton.
© ZAK MAUGER/PHOTONEWS.

sports 19

ERIC CLOVIO

S

amedi à San Sebastian, à deux
pas de la célébrissime plage de la
Concha, sur la ligne de départ
d’une Clasica que Philippe Gilbert
(2011) et Claudy Criquielion (1983)
sont les seuls Belges à avoir remportée,
il sera le plus jeune coureur à parapher
la feuille de route. Dix-neuf ans et 190
jours précisément, soit plus d’un an
d’écart avec un autre prodige de la nou-
velle génération, le Slovène Tadej Poga-
car (20 ans et 316 jours). Cette précoci-
té est tout sauf une info originale à sou-
mettre à l’analyse de Remco Evenepoel,
habitué à battre ce type de record de-
puis que le Brabançon, champion de
Belgique, d’Europe et du monde chez
les juniors, a carrément zappé la caté-
gorie « espoirs » pour se frotter sans dé-
lai aux réalités du cyclisme de haut ni-
veau.
En lui proposant de devenir pro avant
même de souffler ses 19 bougies, Pa-
trick Lefevere, né malin, a agi tel un
« accélérateur de particules ». Si le ma-
nager de l’équipe Deceuninck – Quick-
Step reste prudent et cohérent lorsqu’il
élabore le programme de compétition
de son « rookie » (pas de grand Tour
avant 2021, pas de Tour de France avant
2022), il connaît ses classiques et a fait
confiance à une formule emplie de bon
sens, pas écornée par le temps qui
passe : la valeur n’attend point le
nombre des années.
En ces premiers souffles d’août, Rem-
co Evenepoel compte déjà 48 jours de
compétition (6.615 km), dans des
épreuves à sa mesure (maximum 6-
jours d’affilée). Son talent, évident dès

le premier coup de pédale ou mouve-
ment de course, lui a déjà permis de
glaner trois victoires (une étape et le
classement final du Tour de Belgique +
une étape de l’Adriatica Ionica Race, sa-
medi dernier au Monte Quarin, devant
son équipier Philippe Gilbert). Bref, ces
premiers mois au sein du peloton pro
sont une vraie réussite, le fiston de Pa-
trick Evenepoel (pro entre 1991 et 1994)
apprend vite et bien.

« Très vite, très bien », corrige en sou-
riant Wilfried Peeters. Le directeur
sportif du Team Deceuninck en a côtoyé
et dirigé, des champions hors norme,
lui qui était l’équipier de référence de
Johan Museeuw et a longtemps guidé
Tom Boonen. Mais le Campinois est
éberlué par l’aisance avec laquelle Eve-
nepoel gère les réalités d’un cyclisme
d’adultes, forcément très concurrentiel

au top niveau. « J’étais dans son sillage
lorsqu’il a filé à vingt kilomètres du but
pour s’imposer en solitaire, avec plus de
deux minutes d’avance sur le peloton de
favoris. Ongelooflijk !(incroyable) »
Ce samedi, le coureur de Schepdaal
va ouvrir un nouveau chapitre de son
« assimil ». Place à la première clas-
sique de niveau WorldTour, sans com-
mune mesure avec la Nokere Koerse ou
la Bredene Koksijde Classic qu’il avait
disputées en mars, dans une efferves-
cence médiatique tout aussi bien gérée
que son apprentissage sportif.
A l’abri au cœur du terrible « Wolf-
pack », délesté de toute pression sur le
très exigeant parcours basque (encore
plus difficile que l’an dernier puisque la
finale propose une double ascension du
col de 2ecatégorie, le Murgil Tortora,
1,9 km d’ascension à 10,8 % de déclivité
moyenne), Remco Evenepoel bénéficie-
ra d’une carte blanche. « Julian Alaphi-
lippe défendra son titre et Enric Mas
sera évidemment à ses côtés, comme au
Tour, pour l’y aider », résume Fitte Pee-
ters. « Ce que nous attendons de Rem-
co? La même chose que lui (sourire).
Qu’il continue à montrer ce qu’il sait

faire, qu’il regarde, observe quelques-
uns des meilleurs mondiaux sortant de
la Grande Boucle pour encore se rap-
procher d’eux. Le test pour lui sera
d’être bien placé, si possible dans les dix
premiers, au pied de chacune des diffi-
cultés de la finale, ces routes sinueuses
et étroites qui serpentent dans la mon-
tagne. »
Chez Deceuninck, on est avant tout
curieux de voir comment la pépite du
groupe va « lire » la course. « Une clas-
sique est par nature plus difficile à ap-
préhender et contrôler qu’un tour, mais
Remco dispose déjà d’un jugement très
sûr, d’un feeling que certains coureurs
n’auront jamais en eux. »
A 19 ans et 190 jours, il est à peine
plus âgé que Frank Vandenbroucke
lorsque le Ploegsteertois avait épinglé
son dossard au départ de Gand Wevel-
gem (à 19 ans et 5 mois tout pile). Une
précocité que partagent également les
deux Rik, Van Steenbergen et Van Looy,
qui n’avaient pas 20 ans lors de leurs
premiers exploits. Après tout, Egan
Bernal ne vient-il pas de remporter la
Grande Boucle à 22 ans à peine? Aux
âmes bien nées...

Remco Evenepoel aussi pressé

que Frank Vandenbroucke

CYCLISME


Après des premiers

tours d’une semaine et

trois succès chez les

pros, le prodige belge

poursuit son

apprentissage

à vitesse supersonique.

Il disputera sa première

« grande classique »

ce samedi,

à San Sebastian.

Remco Evenepoel est
occupé à entrer comme
une météorite dans le
paysage cycliste.
© DAVID STOCKMAN/BELGA.

Ils ne sont à ce jour que
trois coureurs belges à
s’être lancés dans le
grand bain des classiques
à l’âge de 19 ans. Ce
week-end, Remco Evene-
poel rejoindra ainsi Rik
Van Steenbergen, qui
s’était aligné (et qui
avait... gagné) le Tour
des Flandres en 1944, Rik
Van Looy, 7ede Paris-
Tours 1953, et Frank
Vandenbroucke, qui avait
disputé Gand-Wevelgem
(60e) puis la Flèche wal-
lonne (22e) en 1994.
Même Eddy Merckx avait
attendu d’avoir 20 ans
pour prendre le départ
de Milan-Sanremo en
1966 (vainqueur lui aussi
dès son coup d’essai).

3

DOMINIQUE DRICOT

D

ans le monde truffé d’incertitudes
et de remises en question qu’est la
Formule 1, il existe quelques valeurs

sûres. La carrière de Max Verstappen
en est une. Du haut de son arrogance
post-acnéenne, le poil à gratter du pad-
dock fait l’objet de toutes les convoi-
tises. Même s’il possède un contrat en
béton armé avec Red Bull jusqu’à la fin
de la saison prochaine, même si Chris-
tian Horner, le patron de ce team,
clame haut et fort que le Néerlandais
restera dans son giron, ce jeune
homme de 21 ans, 92 Grands Prix et 7
victoires, pourrait bien aller voir
ailleurs si le dollar y est plus vert.
Les nostalgiques de l’époque Senna-
Prost le disent en partance pour Ferra-
ri où Vettel serait prié de prendre sa
pension. Si on veut relancer l’atelier
carrosserie de la Scuderia, le duo ex-
plosif Leclerc-Verstappen, des surdoués
du pilotage qui se donnent des coups
de roues depuis la maternelle, aurait de
la gueule. La rivalité des deux jeunes
gens confinant parfois à la haine corse,
voilà qui nous assurerait de plaisants
après-midis dominicaux. Jusqu’à 15h
du moins.
Mais s’il reste un gramme de lucidité
aux patrons de la prestigieuse écurie
italienne, cette collaboration entre
frères ennemis est à proscrire. Mara-
nello 2020 aurait vite des allures de
Verdun 1918!
Une autre rumeur voit Max-la-Me-
nace décrocher la lune à l’ombre de
l’étoile. Un contrat avec une poignée de

zéros, rendant son salaire actuel de 11,
millions tout juste plaisant, pour aller
chatouiller l’ego de Lewis Hamilton
dans sa zone de confort.
Bigre, voilà qui n’amuserait certaine-
ment pas le (futur) sextuple champion
du monde. Comme tout caïd qui se res-
pecte, l’Anglais n’aime pas trop être
contesté. Souvenez-vous de la rivalité
avec Nico Rosberg et, à ses tout débuts,
de la tension avec Fernando Alonso.
Sauf qu’à l’époque (2007), Hamilton
débarquait en F1 et c’était lui le caillou
dans la godasse ignifugée de l’Espagnol

qui, fort de ses deux titres mondiaux,
était arrivé en terrain conquis. Moche
pour lui, Hamilton s’était révélé un ad-
versaire particulièrement coriace. Ce
qui avait quelque peu irrité Alonso qui
avait fini par claquer la porte de l’écu-
rie McLaren.
Mais pourquoi donc Toto Wolff, un
patron avisé s’il en est, veut-il lancer le
chien au milieu des poules?
« Je dois penser à l’avenir de l’écu-
rie », lance-t-il. « Il est évident que
nous disposons, pour l’instant, de l’un

des meilleurs pilotes de l’histoire de la
F1, mais Lewis aura 35 ans avant d’en-
tamer la saison 2020. »
L’Autrichien sous-entend que
l’homme aux 80 victoires et 87 pole
positions ne tiendra pas ce statut éter-
nellement. Il a malheureusement rai-
son. Il balaie d’un trait Valtteri Bottas,
ce gentil équipier diaphane, dont les
épaules ne sont pas assez larges pour
endosser le costard de patron. Il faut
donc penser à engager un gros calibre
pour le remplacer maintenant et s’as-
surer, à moyen terme, qu’il devienne
numéro 1. Dans le paddock des Grands
Prix, il n’y a qu’un Néerlandais taillé
dans le roc des stars qui puisse assu-
mer un tel rôle.
Et tant pis si Max détrône le roi Le-
wis. En attendant ce jour, l’empêcheur
de tourner en rond mettra un malin
plaisir à semer le trouble, une fois de
plus et dès ce week-end, au sein d’une
écurie Mercedes qui s’est pris une
claque sur ses terres de Hockenheim.
Au Hungaroring, l’agile cannette à mo-
teur pourrait bien devancer la flèche
d’argent et grignoter quelques points à
l’autoritaire leader du championnat.
Histoire de rappeler à Hamilton que
Verstappen n’est pas du genre à s’en
laisser conter même avec une F1 moins
performante. Qu’est-ce que ce sera
quand il disposera du même matériel!

Verstappen-Hamilton : un duo explosif chez Mercedes?

FORMULE 1


Le Néerlandais fait l’objet de toutes les

convoitises et pourrait rejoindre l’écurie

allemande. Lewis Hamilton serait ainsi

« épaulé » par un équipier de choc l’an

prochain.

Dans le paddock des Grands
Prix, il n’y a qu’un Néerlandais
taillé dans le roc des stars
qui puisse assumer un tel rôle

Chez Deceuninck, on est
avant tout curieux de voir
comment la pépite du groupe
va « lire » la course
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