LeSoir - 2019-08-02

(Michael S) #1
belgique 7

ANALYSE
DAVID COPPI

A

J+68 jours des élections du 26
mai, on n’imagine pas un gouver-
nement fédéral sans la N-VA et
sans le PS, on n’imagine pas non plus un
gouvernement fédéral avec la N-VA et
avec le PS... Il n’y a pas de solution, ce qui
laisse toute sa place à l’imagination. Qui
court à la moindre occasion. Voir l’enga-
gement du SP.A de John Crombez (avec
dissensions internes) dans les négocia-
tions pour la formation du gouverne-
ment flamand (Le Soir de jeudi) auprès
de Bart De Wever : le choix des socia-
listes flamands, par effet d’entraîne-
ment, annonce-t-il celui, à terme, des so-
cialistes francophones? Tous s’inter-
rogent sur l’hypothétique futur dégel des
relations entre partis dominants, N-VA
et PS. C’est la question du jour, ce pour-
rait être celle de l’été. Du moins si N-VA
et SP.A devaient tomber d’accord au
nord, et former, avec le VLD ou le CD&V,
une tripartite. Laquelle pourrait préfi-
gurer la possible future coalition fédé-
rale.

« Pas insurmontable »
Pour ce qui concerne l’avènement de la
tripartite flamande où cohabiteraient
socialistes et nationalistes, plusieurs ob-
servateurs y croient, ou n’excluent rien.
Journaliste à la VRT, expert en paysage
politique flamand, Johny Vansevenant
analyse : « Le SP.A a placé la barre très
haut pour les négociations, ils veulent
des résultats dans les domaines social, de
la mobilité et dans la lutte contre le ré-
chauffement climatique, mais ce n’est
peut-être pas insurmontable. Le SP.A a
besoin de visibilité après cinq années
dans l’opposition dont le parti n’a tiré au-
cun bénéfice électoralement. En face, la
N-VA pourrait estimer qu’elle a intérêt à
partager le pouvoir avec un parti plus
“social” après avoir perdu beaucoup de
voix au profit du Vlaams Belang, celles
d’électeurs non seulement sensibles à la
propagande sur l’immigration mais aus-
si, en partie – les enquêtes le montrent –,
en quête de justice sociale. » De là à voir

advenir une tripartite N-VA-SP.A-VLD,
une bourguignonne à la sauce anver-
soise : « Ce pourrait être une façon, pour
la N-VA, de marginaliser le CD&V, ainsi
que d’occuper toute la place au centre de
l’échiquier et réaliser le grand projet de
grand “parti populaire flamand.” »
Politologue au Crisp (Centre de re-
cherche et d’information socio-poli-
tiques), Benjamin Biard recoupe :
« SP.A et N-VA ont gouverné ensemble
entre 2009 et 2014 en Flandre. Et jadis,
entre 1988 et 1991, les socialistes ont tra-
vaillé main dans la main avec les natio-
nalistes de la Volksunie, ancêtre de la N-
VA. Bref, il n’y aurait rien de surprenant
à voir les partis prolonger à l’échelle fla-
mande leur alliance anversoise. »

« Gros risques de tensions »
Voilà pour le côté flamando-flamand. Ça
se corse (si possible) pour ce qui

concerne l’hypothétique futur dégel
entre N-VA et PS. Benjamin Biard pour-
suit : « Il est vrai que si le SP.A devait s’al-
lier à la N-VA en Flandre, cela augmen-
terait la pression sur le “parti frère”, le
PS, mais il n’y a là rien d’automatique,
car les “familles” politiques en Belgique
ont désormais une existence très rela-
tive, voyez par exemple comment le
CD&V a participé à la suédoise en lais-
sant le CDH dans l’opposition. J’ajoute
qu’en chiffres absolus, le PS a réalisé son
plus mauvais score depuis plusieurs di-
zaines d’années, il a eu beaucoup de mal
à contenir le PTB sur sa gauche, et que le
risque est grand de voir les tensions in-
ternes, je pense notamment aux mili-
tants, se déchaîner en cas de tentative de
rapprochement avec la N-VA, laquelle
suivrait, ne l’oublions pas, l’entente, pro-
bable, avec le MR en Wallonie... Ce qui
fait beaucoup pour les rouges. » Qui

paieraient cash en cas d’échec des dis-
cussions au fédéral et d’élections antici-
pées dans la foulée – un scénario que les
états-majors des partis n’écartent pas.
De fait, à ce stade, les socialistes fran-
cophones prennent soin de n’envoyer au-
cun message qui pourrait être interprété
comme un signe de détente (faiblesse).
Au siège du PS, on ne varie pas, en sub-
stance : le confédéralisme, c’est non, et
pour le reste, les partis sont aux anti-
podes. Le SP.A? « Ce qui se passe en
Flandre n’a rien à voir avec le fédéral, de
même que Bruxelles a suivi sa propre
voie, ou que la Wallonie suivra la
sienne. » Retour au vœu formulé par
Elio Di Rupo le lundi 27 mai, en plateau
à la RTBF : voir SP.A, Groen, VLD et
CD&V se hisser au fédéral et composer
une majorité avec les francophones, sans
la N-VA. A J+68 jours, le rêve rouge est
toujours permis.

Le SP.A plus près de la N-VA,

le PS très loin de là

NÉGOCIATIONS GOUVERNEMENTALES


Les socialistes flamands

négocient avec De

Wever en Flandre. Vers

un dégel des relations

entre PS et N-VA?

Les socialistes

francophones

ne tiédissent pas.

John Crombez, président du SP.A,
négocie avec la N-VA. © BELGA.

Bart De Wever discute avec
les socialistes flamands. © BELGA.

Elio Di Rupo et la N-VA sont « aux
antipodes ». © BELGA.

Ce 1eraoût, les militants
d’Ecolo ont reçu un cour-
rier de leurs coprési-
dents, Zakia Khattabi et
Jean-Marc Nollet, sur
« l’état d’avancement des
travaux dans les diffé-
rentes entités ».
La situation étant claire à
Bruxelles, voyons ce
qu’ils en disent ailleurs.
Au fédéral, les coprési-
dents réaffirment leur
refus de toute discussion
avec la N-VA, ce qu’ils ont
dit et répété aux infor-
mateurs royaux et qui
justifie, disent-ils, leur
absence à la réunion de
sept partis dimanche.
Mais, assurent-ils encore,
cela ne remet en rien en
cause leur lien avec
Groen, présent, lui, à
cette rencontre. « Cette
vision différente de l’op-
portunité de participer à
la rencontre ne remet pas
en question notre travail
en commun et (...) nous
serons ensemble dans
l’opposition ou ensemble
dans la majorité, et le
groupe parlementaire
commun restera un et
indivisible. » Autre préci-
sion : Ecolo reste « dispo-
nible pour répondre à
toute autre sollicitation
des informateurs », donc
pour discuter d’une
coalition sans la N-VA. Et
si la crise durait? « Nous
ne pouvons exclure un
scénario d’élections
fédérales anticipées. »
Qu’en est-il en Wallonie?
L’objectif des discussions
avec le PS et le MR, après
l’échec du « coquelicot »,
reste pour les verts d’éla-
borer des accords qui
traduisent « notre volon-
té d’une transition écolo-
gique, solidaire et démo-
cratique ». Et ils ajoutent :
« Ce travail est en cours.
Il est trop tôt pour savoir
quel en sera le résultat. »
MA.D.

Négociations :
Ecolo écrit
à ses militants

ÉRIC RENETTE

L

es statistiques vont à l’encontre de
l’impression générale. Le prix des
billets d’avion est souvent cité comme
contre-exemple du syndrome « tout
augmente », qui voudrait que depuis le
passage à l’euro (au moins), tout dans la
vie s’avère plus cher. Pourtant, le tarif aé-
rien s’envole bel et bien. C’est l’Observa-
toire des prix de Belgique qui l’affirme
dans son deuxième rapport trimestriel
2019 : en moyenne, en Belgique, les
billets d’avion ont augmenté de 29,4 %
depuis 2010 (sans préciser le montant de
ce prix moyen) tandis que l’inflation cu-
mulée n’atteint « que » 15,6 %. Malgré

l’impression générale, le transport aé-
rien a donc, statistiquement, augmenté
deux fois plus que l’indice des prix. Pa-
rallèlement, l’offre générale (et la capaci-
té qui va avec) a augmenté : la demande
de billets d’avion a augmenté de 50 % en
Belgique comme au niveau mondial
(+62,3 %).
« Ce sont essentiellement les prix des
voyages aériens vers des destinations eu-
ropéennes qui ont augmenté ces der-
nières années, alors que les voyages loin-
tains ont diminué de prix », précise l’Ob-
servatoire. L’analyse porte surtout sur
les dernières années : les vols intra-eu-
ropéens ont augmenté (en moyenne
+3,8 %) entre 2015 et 2018, alors que le
coût des vols extra-européens a diminué
en moyenne de 12,5 %. « On constate
cette augmentation globale des billets
d’avion depuis 2010 non seulement en
Belgique mais aussi dans les pays voisins
et les pays de la zone euro où l’augmenta-
tion moyenne est de 22 %, avec des va-
riations selon les pays », complète Peter
Van Herreweghe, le directeur de l’Ob-
servatoire des prix. « Il n’y a qu’en
France que les prix ont légèrement dimi-

nué (-0,1 %), sans qu’on explique pour-
quoi. Aux Pays-Bas, c’est l’inverse, les
prix ont beaucoup plus augmenté
qu’ailleurs : +38%!» Un constat de
grande diversité des prix d’autant plus
surprenant qu’Air France et KLM, les
deux compagnies leaders dans ces deux
pays, font partie du même groupe.

Pas de lien avec le carburant
L’analyse montre aussi que, au-delà des
grandes tendances de mode, de l’absence
de lien avec les prix du carburant (« Se-
lon nos statistiques, il n’y a pas de corré-
lation directe entre le cours du brent et le
prix moyen des billets d’avion », poursuit
Peter Van Herreweghe) qui avait pour-
tant atteint des sommets en 2011, les prix
des billets d’avion augmentent systéma-
tiquement pour les transhumances esti-
vales de juillet et août, en moyenne 20 %
plus chers que le restant de l’année, ré-
pondant ainsi à une stratégie tarifaire
propre au secteur.
Dernière piste étudiée par l’Observa-
toire, les taxes et autres pressions mises
sur les émissions de CO 2 et autres pollu-
tions atmosphériques, les nuisances so-

nores... Le système de compensation
(ETS) mis en place par l’Europe reste
très limité, il ne pèse que « 0,3 % des
coûts opérationnels des compagnies aé-
riennes en 2017 ». Certains pays y ont
ajouté des taxes sur les billets d’avion (six
dans l’Union européenne) et certains aé-
roports (dont Bruxelles) font varier leurs
tarifs selon certains critères écologiques
(nuit/jour, bruit).
« L’analyse de l’Observatoire nous sur-
prend un peu », analyse Jean-Philippe
Ducart de l’association de défense des
consommateurs Test-Achats. « Même si
les prix des low cost ont également aug-
menté, on n’a jamais eu autant de choix
et de moyens de comparer les prix des
billets. Il reste beaucoup de possibilités
de voyager à bon marché. On note aussi
un nouveau type de consommation où
c’est le prix disponible qui justifie le
choix des destinations. »
Plutôt que de confirmer une impres-
sion, les statistiques relayées par l’Ob-
servatoire ne manqueront pas d’interro-
ger les professionnels du secteur et de ré-
clamer une analyse plus fine et suivie ces
prochaines années.

Les billets d’avion ont augmenté de 30 % depuis 2010

TRANSPORTS


Analyse de l’Observatoire

des prix : les tarifs aériens

ont augmenté deux fois

plus que l’inflation. Les

critères environnementaux

les influencent peu.

L’Observatoire des prix
relève également que la
part des vols low cost n’a
cessé d’augmenter : elle
représentait 13,4 % des
vols en 2005 pour passer
à près de 32 % en 2017.
Or, les prix des billets low
cost ont également aug-
menté, participant donc
de plus en plus à l’aug-
mentation générale.
Pourtant, encore cette
semaine, les géants du
ciel, Ryanair comme
Lufthansa, se plaignaient
de la pression perma-
nente qui pèse sur les
tarifs et, conséquence,
d’un manque de rentabi-
lité.

32 %
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