2 AOÛT 2019
ELLE LIVRES
FRANCESCA MANTOVANI/OPALE/LEEMAGE
« Petite, je me réfugiais dans cette autre réalité
qu’offrait la littérature, tellement plus passionnante, belle et
riche que la vie. À 12 ans, j’ai découvert Balzac, à 13 ans Zola, à
14 ans Dostoïevski, à 15 ans Proust. Je vivais dans un monde de
phrases et de sentiments analysés au scalpel, il était naturel que je
souhaite à mon tour écrire des livres qui procureraient la joie intense
que m’offrait la lecture. En lisant, je ne me sentais jamais seule. Il y
avait là un autre dont j’entendais la voix, vivante même après des
siècles, me livrant sa vision du monde, capable de me faire rire ou
de m’emporter. Après le bac, les études ont étouffé en moi toute
capacité de créer : je lisais chez les théoriciens de la littérature que
le roman était mort. Il a fallu un immense chagrin d’amour, à 26 ans,
pour que je retrouve l’accès à l’écriture ; transformer ma blessure en
roman m’a permis de survivre. J’ai commencé par rédiger des textes
autobiographiques, puis des autofictions, car le réel me paraissait si
complexe que je ne voyais pas l’intérêt d’inventer. Écrire était une
sorte d’exercice de voyance consistant à ressusciter le passé pour
en ex traire une vérité émotionnelle passée par le filtre subjectif de la
mémoire. C’est l’autofiction, paradoxalement, qui m’a ramenée au
roman. Le désir de me voir par-derrière m’a fait imaginer le point de
vue de l’autre, qui nous reste étranger sauf dans l’empathie.
Aujourd’hui, c’est de plus en plus la vie des autres qui m’intéresse,
réussir à écrire leur vie comme si c’était la mienne. » n
CATHERINE CUSSET
COMMENT ÊTES -VOUS DEVENU ÉCRIVAIN?
« IL A FALLU UN IMMENSE
C H AG R I N D ’A M O U R »
TOUT L’ÉTÉ, DES AUTEURS NOUS RACONTENT COMMENT
ILS EN SONT VENUS À PRENDRE LA PLUME. ON FINIT
LA SÉRIE EN BEAUTÉ AVEC L’AUTEURE DE « VIE DE DAVID
HOCKNEY » (GALLIMARD). PAR AVRIL VENTURA