18 MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022
j’étais fort d’un vocabulaire arabe étendu et très doué à l’écriture.
Des qualités dont j’ai perdu l’habitude, hélas!
À l’école primaire, presque l’ensemble des élèves et des
instituteurs étaient du quartier. Il nous arrivait de les croiser dans la
rue, au marché, n’importe où. Je redoutais ces rencontres surtout
quand j’étais en compagnie de ma mère, car si mes instituteurs
me surprenaient, même un jour de week-end, ils n’hésitaient pas
à me faire les réprimandes les plus sévères et à encourager même
ma mère à s’y mettre. Ce qu’elle faisait allègrement, alors qu’elle
n’avait aucune idée de la bêtise pour laquelle j’étais sermonné. De
toute façon, qu’elle fût là ou pas, j’étais quand même achalé par
l’un ou l’autre instituteur croisé par hasard sur mon chemin! Le tissu
social était tellement serré qu’on ne pouvait pas vraiment parler
d’une distinction stricte entre vie privée et vie scolaire. Ce n’était
pas forcément pour le pire, d’ailleurs. Ces enseignants étaient des
gens engagés dans leur communauté, avec le sentiment profond
d’avoir le devoir d’accompagnement et d’encadrement de leurs
élèves tout au long et dans tous les aspects de la vie, en classe
comme dans la rue.
En bref, malgré les difficultés que traversait ma propre famille,
je dois dire que je n’ai jamais eu l’impression de manquer de quoi
que ce soit dans la vie : toit, vêtements, nourriture, fournitures
scolaires, etc. Ma mère travaillait constamment pour notre bien-
être. À titre d’aîné, je l’aidais naturellement là où elle avait besoin
de moi, notamment pour tout ce qui exigeait une connaissance
de la langue, de l’écriture, de l’administration. Je me devais aussi
d’être le protecteur de mon frère et de ma sœur plus jeunes.
Bref, il m’incombait de les soutenir dans à peu près tout. J’ai
donc eu, oui, une enfance heureuse, mais très tôt marquée par
l’impératif de la responsabilité et de l’autoresponsabilité qui ont
forgé ma maturité.
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