L’homme en rose - MÉMOIRES D’UN COMBATTANT

(mbarhone) #1

34 MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022


Une mention toute spéciale doit être faite pour le père de
Caterina. S’il ne parle pas assez bien le français ou l’anglais, nous
nous entendons toutefois très vite. Oh! on se débrouille bien
pour communiquer entre nous à coup de signes, de mimiques
et de baragouinages trilingues, empreints d’amitié, autour
d’innombrables séances à regarder des émissions de cuisine
italienne ou des matches de football (soccer) en provenance du
Vieux Continent. Il a la tête dure, un véritable Italien de la vieille
école. C’est parfois un défaut, comme lorsque, diabétique,
il refuse de se faire traiter pour des petits bobos de rien qui
finissent par empirer. En vérité, c’est un véritable père de
substitution que je trouve en lui, constatant pour la première fois
avec profondeur le trou béant laissé par l’absence de mon père
biologique dans ma vie. Et je sais que c’est avec impatience
qu’il attend lui aussi ma visite habituelle du dimanche où nous
soupons en famille. C’est donc avec beaucoup d’inquiétude
que je suis, avec les autres, la dégradation de son état de santé
qui déclinera, allant jusqu’à l’amputation d’une jambe. Et c’est
avec un chagrin énorme que je verrai son décès, alors que
Caterina est enceinte. C’est arrivé juste avant la naissance de
notre première fille. La douleur de sa disparition reste à ce jour
très vive dans ma vie.


Le mariage


Mais revenons à un événement marquant avant tout ça,
le mariage! Je le propose à Caterina deux ans après le début
de notre relation. Familles immigrantes éparpillées aux quatre
coins du monde obligent, nous devons nous marier plusieurs
fois. Il y a d’abord l’acte de mariage lui-même. Je tenais à ce
qu’il soit effectué au Canada par souci de sécurité juridique et
de facilité administrative. Il y a ensuite une première cérémonie
à Rabat, que nous souhaitons intime. Mais la notion d’intimité
n’a pas le même sens au Maroc. Rapidement, ma famille
m’enlève tout contrôle de l’organisation des réjouissances. Le


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nombre d’invités gonfle, le budget explose. Un jour, ma sœur
part en ville avec ma fiancée pour acheter des robes. La tradition
veut que la mariée porte durant la soirée de noces jusqu’à sept
habits différents, représentant sept régions du Maroc. Elles
reviennent avec une facture exorbitante à laquelle Caterina
aurait apparemment essayé de résister, mais ma sœur lui aurait
répondu : « Ah, mais ne t’inquiète pas, c’est lui qui payera ». Notre
budget est pourtant partagé... Dans le plus pur style marocain,
notre « petit » mariage est donc une immense fête de quartier
où tout le monde se retrouve, et où je ne contrôle rien. Mais
au moins, ma famille s’entend bien avec ma belle-famille. Une
affinité méditerranéenne évidente. De retour à Montréal, nous
enchaînons avec une seconde cérémonie, celle-là avec la famille
de ma femme. Trois cent cinquante invités autour d’un menu
de treize services, nous festoyons là aussi, jusqu’au petit matin.
Comme je vous le dis, deux cultures qui vont bien ensemble...
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