L’homme en rose - MÉMOIRES D’UN COMBATTANT

(mbarhone) #1

40 MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022


Repère


Installé dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, Repère
offre un accompagnement sociolégal aux pères en difficulté. Repère
cherchait à l’époque un candidat aux connaissances juridiques et
sociales pour un projet pilote, et c’est donc tout naturellement que
j’ai déposé ma candidature. Mon entretien d’embauche a eu lieu
avec Lucien Therrien, directeur de l’organisme. C’est grâce à lui et
à sa famille qui m’ont accueilli gracieusement chez eux à plusieurs
reprises que je découvre la Belle Province et sa spécificité toute à
elle. Pour me mettre à l’aise, Lucien, complètement irrévérencieux,
et grande gueule débridée dans son humour, me lance sa première
blague durant l’entretien. La blague tourne autour d’un Arabe qui
veut épouser une jeune fille en lui offrant trois chameaux en guise
de cadeau de mariage...


C’est mon premier test, que je réussis avec brio, à mon
humble avis, en souriant poliment et en ne disant rien qui puisse
trahir une surprise quelconque face à cette forte personnalité qui
me donne l’impression de ne pas tolérer les vierges offensées. Je
me débrouille plutôt bien. L’entretien glisse ensuite vers la culture
générale et l’actualité, en particulier sur un sommet important de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Montréal qui se
tient à ce moment-là. « Tu es au courant? » m’interroge-t-il avec un
sourire narquois. Eh bien, quelle fut sa surprise quand je lui ai dit
que non seulement je connaissais ce grand événement, mais que je
savais aussi qu’il s’inscrivait dans le cadre du cycle de négociation,
dit (Uruguay Round) entre les États membres de l’OMC, et que
l’acte fondateur de cette organisation internationale multilatérale
avait été signé à Marrakech, au Maroc, en 1994. « Tu commences
lundi » a été promptement sa réponse.


À mon premier jour de travail – nous sommes en août 2003
–, Lucien, toujours plein de surprises, m’a posé un autre défi. Il
n’était pas là. Parti en vacances alors qu’il était censé me former,
Lucien m’a laissé tout apprendre tout seul. J’ai donc passé mes


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deux premières semaines à Repère plongé dans les archives à
assimiler tout ce que je pouvais sur l’histoire et le fonctionnement
de l’organisation. J’avais la ferme intention de pleinement profiter
de cette opportunité.

Le sociocommunautaire, une passion!


Tout au long de mon travail à Repère, c’est une véritable
passion pour l’action sociocommunautaire que je me suis
découverte. J’œuvre pour le bien des familles avec passion et
empressement. Je soutiens des pères traversant d’importantes
difficultés familiales, conjugales, psychologiques, sociales,
financières, etc. Je rencontre des gens engagés en participant
à des événements partout dans la province. Et j’apprends à
connaître en profondeur la réalité de mes concitoyens, surtout les
plus démunis, ainsi que les grands défis liés au développement
social qui se posent au Québec. Je suis souvent le seul immigré
dans la pièce, mais je n’ai au fond jamais l’impression d’être
étranger, encore moins étrange! Lucien me dit un jour que
l’intégration commence chez soi. Quelqu’un qui n’était pas
impliqué dans son pays d’origine, qui ne s’intéressait pas à sa
communauté, aux gens qui l’entouraient, à leurs vies et leurs
intérêts, ne saura jamais s’intégrer pleinement dans son pays
d’accueil, nonobstant sa réussite professionnelle ou matérielle.
Idem pour le natif qui n’a jamais migré et qui peut tout aussi bien
faire preuve du même désengagement citoyen. C’est une leçon
que je garde à ce jour, et qui explique bien la grande amitié qui
m’a lié à Lucien pendant toutes ces années.

C’était parfois mal perçu d’exprimer mes appuis aux luttes
des femmes, dont les besoins sont si criants, surtout venant de
quelqu’un comme moi, un homme arabe et musulman, impliqué
à la tête d’un organisme consacré exclusivement aux hommes.
Dans certaines situations, et en raison du rôle proactif que
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