L’homme en rose - MÉMOIRES D’UN COMBATTANT

(mbarhone) #1

48 MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022


Je plonge dans la politique partisane


Je me suis toujours intéressé à la politique. Mais depuis
mon arrivée au Québec, ma conscience politique s’est aiguisée.
Jusqu’alors, elle s’exprimait de façon non partisane, au sein du
milieu sociocommunautaire montréalais, notamment dans tout
ce qui relève de la politique de la famille au Québec. Néanmoins,
graduellement, commence à se former dans mon esprit un projet
politicien, mû par les mêmes valeurs que j’ai toujours su défendre.
J’ai fini par prendre conscience de la nécessité d’une implication
partisane pour changer les choses.


Tout commence en 2012, avec l’arrivée au pouvoir à
Québec du Parti québécois (PQ). Mû par son nationalisme, le
PQ et son gouvernement s’attellent très tôt à un projet de loi
qui va marquer profondément le paysage politique québécois
pendant des années, celui de la Charte des valeurs québécoises.
Ce projet de loi, censé porter sur la laïcité de l’État, est piloté
par le ministre responsable des institutions démocratiques,
Bernard Drainville. La Charte des valeurs contient des
dispositions discriminatoires, notamment celle qui interdit le
port de signes religieux dits « ostentatoires », ce qui conduit
carrément à l’exclusion des personnes portant ces signes de
certains postes dans la fonction publique. Cette « patente », un
non-sens qui ne répond à aucun problème social réel et avéré,
affecte de fait les femmes musulmanes portant le hijab et, dans
une moindre mesure, car elles sont moins nombreuses, les
personnes juives et sikhs portant la kippa ou le turban. Quant
à elles, les personnes agnostiques et athées ne souffrent pas
du tout des effets de l’interdiction. C’est dans ce contexte de
clientélisme ethnoculturel que je décide de plonger dans la
politique partisane.


MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022 49

Ma frustration face au projet péquiste
de Charte des valeurs

La frustration, elle est énorme! Je cherche avec acharnement
la voie qui répond le mieux possible à ma vision du vivre-ensemble
tout en m’éloignant des extrémismes, qu’ils soient religieux,
identitaires ou autres. Je filtre mes relations et je me dissocie
des groupes qui utilisent la religion à des fins politiques. Je me
dissocie aussi de celles et de ceux qui se présentent au nom
des « communautés culturelles » pour tenter de se donner une
carrière politique. Je reste en fait vigilant envers les doctrinaires
qui s’enferment dans leurs convictions, qui rejettent le dialogue
et qui s’enferment dans leurs ghettos idéologiques. Les luttes
contre le projet mort-né de Charte des valeurs m’ont donc
ouvert les yeux sur les partenaires sur lesquels je peux compter
pour travailler sans détour et sans compromission pour la justice
sociale et la démocratie.

Malgré la mobilisation populaire massive qui ultimement
fera dérailler en 2014 la Charte des valeurs et chassera du
pouvoir les péquistes avec, je ressens néanmoins un profond
sentiment d’impuissance. À l’avenir, il me faudrait être là où les
décisions sont prises, me suis-je dit, plutôt que de continuer à
protester dans les rues pour les contester et à passer mon temps
à faire des constats passifs. Si j’ai tâché de rester jusqu’alors
discret quant à mes orientations politiques, la contestation contre
la Charte des valeurs m’amène à me rapprocher de quelques
amis péquistes. Après quelques réunions et mobilisations, je
me rends vite compte que je ne peux partager leurs visions, à
commencer par l’indépendance du Québec. Québec solidaire
(QS) peut-être? Mais j’avais l’impression qu’il portait un idéal
théorique notamment sur le plan économique et il s’agit là aussi
d’un parti indépendantiste. Alors, que reste-t-il? Le Parti libéral
du Québec (PLQ), le parti qui accueille le plus de Québécois issus
de l’immigration post-révolution tranquille.
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