L’homme en rose - MÉMOIRES D’UN COMBATTANT

(mbarhone) #1

52 MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022


être « ne pas déranger ». À mon arrivée, je considère qu’il faut
changer ça de toute urgence! À cette époque, le président de
la commission démissionne justement. Je cherche alors à lui
succéder, mais je suis écarté au profit d’un autre, supposément au
nom de la représentativité régionale de la commission (je suis trop
Montréalais). Mais ce n’est que partie remise, et entretemps je
m’implique à fond au sein de la commission jusqu’à ma prochaine
chance. Elle se présentera un an plus tard, en novembre 2017, lors
du Congrès des membres du Parti libéral à Québec. Je décide
de briguer officiellement la présidence et je parviens à rallier des
soutiens autour de ma candidature à la suite d’un discours, plutôt
bon, dois-je dire, dans lequel je réaffirme les valeurs libérales de
diversité et d’inclusion et l’importance qui doit leur revenir au cœur
du programme et de l’action de notre parti. Et devinez quoi : je
gagne! À la surprise générale, d’ailleurs. Je me souviens d’avoir
aperçu depuis le podium quelques élus, mâchoires pendantes, et
quelque peu mécontents, mais qu’importe, les membres m’avaient
donné leur appui, c’était la consécration.
Dès le début de mon mandat, mes soupçons quant à la
Commission des communautés culturelles sont confirmés : il
s’agit bien d’une coquille vide. Je me lance alors dans un travail
de fond, pour réactiver cette commission, à la mission pourtant
importante, en commençant par produire un plan d’action avec
mon professionnalisme habituel.


Une présidence pas comme les autres


Mon passage à la Commission n’est cependant pas de
tout repos! Je fais ma première grande sortie en faveur du
multiculturalisme canadien lors d’un événement du parti. Je
considère que l’interculturalisme se veut une doctrine spécifiquement
québécoise concernant l’aménagement politique, social et culturel
de la diversité au Québec, posant comme principes l’égalité
de tous les citoyens (rien à reprocher à cet égard), mais aussi la
reconnaissance de la primauté de la culture majoritaire québécoise,


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c’est-à-dire la culture canadienne-française catholique qui formerait
le substrat essentiel de la nation québécoise. L’articulation implicite
de ce projet porte les germes d’une assimilation des personnes
d’origine immigrante à la culture majoritaire, ouvrant à mes yeux
la porte à des politiques discriminatoires comme l’a été le projet
avorté de la Charte des valeurs.
De ce point de vue, le décalage avec le multiculturalisme
canadien, qui ne reconnaît pas de culture « dominante » et qui
célèbre, plutôt, l’ensemble des cultures présentes au pays – la
fameuse mosaïque canadienne par opposition au brassage
américain ou encore à l’unité et l’indivisibilité à la française – est
frappant. D’autant plus que nous sommes censés être un parti
fédéraliste et que la constitution canadienne énonce clairement le
multiculturalisme comme principe d’interprétation de l’intégralité
de la Charte canadienne.

Quoi qu’il en soit, cette spécificité québécoise exprimée
dans le projet d’interculturalisme fait hélas! l’objet d’un consensus
national jugé fort sans jamais avoir fait l’objet de véritables débats
de fond, et notamment au sein du Parti libéral.

Malgré tout, je continue à œuvrer pour faire évoluer l’idée
qu’il faut aller au-delà du débat politique sur le multiculturalisme
ou l’interculturalisme et sur les nuances qu’il faut passer au
peigne fin avant d’agir au prix d’interminables discussions. Ce
qui compte pour moi, c’est de mobiliser les forces vives du parti
pour développer la capacité d’agir des communautés issues de
l’immigration pour parvenir à occuper l’espace politique à tous
les niveaux – montréalais, québécois et canadien – et participer
d’égal à égal à l’élaboration des Lois et à l’exercice du pouvoir
dans tous les domaines : culture, économie, social, politique, etc.
La voie pour y arriver, c’est la prise de conscience, l’apprentissage
et l’exercice de la citoyenneté pleine et entière pour les personnes
et les communautés issues de l’immigration. Cette idée ne m’est
pas tombée du ciel. Elle est forgée dans l’expérience acquise sur le
terrain communautaire et social qui m’a convaincu de la nécessité
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