L’homme en rose - MÉMOIRES D’UN COMBATTANT

(mbarhone) #1

58 MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022


serait-ce que pour avoir su préserver mon intégrité bafouée sur la
place publique au prix de mettre en jeu la sienne. Pourtant, le parti
en souffre. Le lendemain, M. Couillard m’appelle à sept heures du
matin, et me dit : « je sais ce que tu traverses en ce moment. Reste
fort, continue ta campagne! ». Ce à quoi je réponds avec un simple
« Merci, monsieur le Premier ministre ».


Ce que les gens ne savent pas, car cela n’a pas été rapporté
dans les journaux, c’est que la semaine qui a suivi a été l’enfer
pour mon équipe et moi-même. Je peux donc en témoigner, la
vague de harcèlement et d’intimidation que vivent présentement
certains responsables politiques n’est ni un phénomène nouveau
ni un changement récent. C’est en gestation depuis longtemps
sans que personne dans l’espace public ne se préoccupe des
impacts jusqu’à la pandémie de COVID-19. Ce dont se sont plaints
Marwa Rizqy (PLQ), Sylvain Lévesque (CAQ), et toute une myriade
d’élus au cours de la campagne électorale de 2022, l’intimidation,
le harcèlement ou les menaces, cette violence politique
personnalisée et haineuse, j’en ai moi-même fait l’expérience dans
l’indifférence générale. Cette violence est devenue une pratique
politique courante et généralisée, que ce soit au niveau municipal,
provincial ou même fédéral. L’irresponsabilité de certains organes
de presse quant au traitement de divers débats de société et la
victimologie du groupe culturel majoritaire pour justifier cette
violence dirigée contre les minorités a abouti à la création d’un
monstre qui dépasse tel ou tel courant politique.


Dans mon cas, c’était les groupes néo-fascistes et néonazis
qui ont pu déverser leur haine, mais le dentifrice est maintenant
sorti du tube et toutes les tendances ont aujourd’hui en leur sein
des franges préconisant ce type d’approche.


En toute sincérité, j’avais tellement peur de ceux qui m’en
voulaient que j’ai demandé à mes enfants de ne pas aller à l’école,
un sentiment dont le caquiste Sylvain Lévesque a malheureusement
fait l’expérience en 2022.


MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022 59

À trois reprises, la Meute, un groupuscule ultranationaliste,
raciste et violent, s’est présentée à mon bureau de campagne,
m’obligeant à appeler la police. Les deux premières fois, je n’étais
pas là. Ce sont mes bénévoles qui en ont pâti en s’imposant toutes
sortes de précautions pour rejoindre leur voiture. Elles et ils ne
quittaient plus le bureau ; elles et ils le fuyaient! La troisième fois,
un membre de la Meute monte à mon bureau. Celui-ci tombant
nez à nez avec moi, je l’invite calmement à entrer. Ne perdant
pas une seule seconde, il m’accuse d’être un traître pour avoir
critiqué la CAQ. Je lui réponds qu’en pleine élection, la critique
fait partie d’un débat démocratique normal. Il me répond que non,
que « la CAQ, c’est nous. Quand tu attaques la CAQ, tu attaques
tout le Québec et les Québécois ». Je lui réponds : « et moi,
alors, je ne suis pas Québécois, moi aussi? » Il s’arrête net dans
son élan, ne trouvant rien à dire. Visiblement, les rouages de son
cerveau tournaient péniblement pour saisir le sens de ce constat
désarçonnant. J’apprendrai que cet individu a par la suite adhéré
au Parti populaire du Canada de Maxime Bernier, un microparti
ouvertement xénophobe.

Dans cette atmosphère de débâcle, je dois continuer à
sourire, serrer des mains, prendre des photos et mettre mes
émotions au congélateur. Pis encore, je suis suivi toute la journée
par des journalistes, jouant au chat et à la souris dans un édifice de
l’Université McGill qui nous accueille dans le cadre d’un colloque.
Je suis rattrapé par un journaliste de TVA, qui m’apprendra par la
suite que c’est en fait quelqu’un de ma propre communauté qui a
livré la vidéo, même avec la traduction. Qui a pu faire ça? J’ai des
doutes, mais pas de preuves!
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