80 MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022
que je suis bien entouré, bien traité, que le Canada est un pays
développé et que les gens là-bas peuvent se remettre d’un
cancer. Finalement, malgré tout, nous parvenons à passer une fin
de séjour relativement agréable à Marrakech avant de vivre un
véritable cauchemar avec la police judiciaire et les services secrets
marocains, vraisemblablement pour me pousser à cesser mes
activités et mes rencontres médiatiques avec des intellectuels qui
critiquent le régime politique marocain.
La rupture
Le retour à mon quotidien montréalais est brutal, ponctué
d’éprouvantes séances de chimiothérapie, alors que j’essaye de
me remettre de mes émotions après avoir pris la décision de ne
plus jamais retourner au Maroc, et pas seulement de mon propre
chef. C’est ma mère elle-même, lorsque nous nous faisons nos
adieux, qui m’a enjoint de ne pas revenir, elle qui, je l’ai compris
plus tard, avait à ce moment-là déjà fait le lien entre les tentatives
d’intimidation qu’elle recevait et mes démêlés avec la police.
Quelle relation me reste-t-il aujourd’hui avec le Maroc? Certes,
ce sera toujours le pays de mon enfance, de mon adolescence,
où j’ai grandi, où je garde de beaux souvenirs et où bien sûr j’ai
encore ma famille ; ça, personne ne pourra me l’enlever. Mais
cet incident restera pour moi une rupture profonde où je me
couperai de mes racines.
MÉMOIRES D’UN COMBATTANT • OCTOBRE 2022 81Chapitre 11 :