MondeLe - 2019-07-30

(Sean Pound) #1

MARDI 30 JUILLET 2019 économie & entreprise| 11


Rome donne son feu vert au tunnel Lyon-Turin


Opposé au projet, mais affaibli, le M5S a dû accepter cette décision qui crée de fortes tensions politiques


rome - correspondant

L’

accord est arrivé à la
dernière minute, dans
la soirée du vendredi
26 juillet, et de la façon
la plus discrète possible. Par un
simple courrier à l’INEA – l’agence
bruxelloise gérant les program-
mes d’investissements euro-
péens dans les transports – signé
par un responsable technique,
sans même le paraphe du minis-
tre italien des transports et des in-
frastructures Danilo Toninelli
(Mouvement 5 étoiles, M5S, anti-
système), depuis toujours hostile
à ce chantier, Rome s’est résolue à
donner officiellement son feu
vert à la poursuite des travaux sur
le projet de liaison à grande vi-
tesse (TAV) reliant Turin à Lyon.
Grâce à cet accord in extremis,
qui devait intervenir avant ven-
dredi soir sous peine de remettre
en cause une partie des finance-
ments européens, les appels d’of-
fres concernant la part italienne
du chantier pourront donc sui-
vre leur cours.
Depuis son entrée en fonctions,
en juin 2018, le gouvernement ita-
lien, profondément divisé sur la
question, avait tout mis en œuvre
pour gagner du temps. Il a succes-

sivement prétendu que tout de-
vait être remis à plat, puis com-
mandé une « analyse coûts-béné-
fices » très défavorable au projet,
et enfin proposé à la France – sans
succès – une nouvelle concerta-
tion, assurant qu’en l’état, le tun-
nel Lyon-Turin ne se ferait pas.
Mais cette fois, il était à court
d’expédients.

Désastre électoral du 26 mai
Le président du conseil italien,
Giuseppe Conte, avait préparé le
terrain à cette volte-face, mardi
23 juillet, en déclarant qu’il fallait
renoncer au blocage du chantier,
parce que « ne pas le faire coûte-
rait beaucoup plus cher que le ter-
miner ». Selon lui, la décision
européenne de porter son sou-

d’accepter ce nouveau reniement.
Au risque de perdre encore un
peu plus leur âme.
Pour la Ligue de Matteo Salvini
(extrême droite), l’autre compo-
sante du gouvernement, le tunnel
Lyon-Turin n’a jamais été une
préoccupation centrale. Depuis
l’origine, le parti s’est déclaré en
faveur du chantier, comme de
tous les grands équipements,
mais jusqu’en mai, il n’était pas
aux commandes de la région, et
considérait ce projet comme
moins stratégique que d’autres,
notamment ceux concernant ses
deux principaux fiefs électoraux,
la Lombardie et la Vénétie. C’est
pourquoi il avait accepté, comme
un mal nécessaire, que la remise à
plat du chantier figure noir sur
blanc dans le « contrat de gouver-
nement » conclu entre les deux
partis, en mai 2018.
Mais au fil des mois, la mauvaise
humeur des milieux d’affaires du
nord du pays, ulcérés de l’alliance
de la Ligue avec le M5S et inquiets
de la ligne économique défendue
par le gouvernement, l’a con-
vaincu d’augmenter la pression
sur son partenaire de coalition.
Mercredi soir dans un direct Face-
book, Matteo Salvini lançait à ses
partisans : « Je ne comprends pas

pourquoi les amis du M5S conti-
nuent à dire non à tout... »
Du côté du M5S, en revanche, le
projet de tunnel Lyon-Turin est
beaucoup plus qu’un simple
chantier. C’est le symbole même
de ces grands travaux inutiles, qui
ne servent qu’à enrichir les bu-
reaux d’études et les partis politi-
ques, à coups de dessous-de-table.

Le souvenir de Beppe Grillo
De plus, cette formation antisys-
tème défendait encore, il y a peu,
une écologie intransigeante, et re-
vendiquait pour horizon une
« décroissance heureuse » parfai-
tement inconciliable avec ce
genre de travaux d’infrastructu-

Responsabilité sociale : Berlin envisage


de mettre au pas les groupes allemands


Une loi pourrait contraindre les entreprises à davantage de responsabilité éthique à l’étranger


berlin - correspondance

C


ela aura été laborieux,
mais le gouvernement al-
lemand vient de franchir
une nouvelle étape dans son pro-
jet visant à inciter les entreprises à
plus de vigilance en matière de
droits humains, voire à les y con-
traindre si nécessaire. Mandaté
par Berlin, un consortium privé
dirigé par le cabinet d’audit EY a
commencé, lundi 29 juillet, à en-
voyer des questionnaires à
1 800 entreprises allemandes de
plus de 500 salariés, à propos des
contrôles qu’elles ont mis en
œuvre pour garantir le respect des
droits de l’homme chez leurs four-
nisseurs, sous-traitants et filiales
à l’étranger. Les destinataires du
questionnaire, long de 30 pages,
ont été choisis de manière à bâtir
un échantillon représentatif des
quelque 7 100 sociétés allemandes
répondant à ce critère de taille.
En fonction des résultats de l’en-
quête, attendus au plus tard pour
l’été 2020, le gouvernement avi-
sera. Si plus de la moitié des entre-
prises sondées se montrent suffi-
samment attentives en matière de
droits sociaux et environnemen-
taux chez leurs partenaires com-
merciaux dans les pays en déve-
loppement, alors Berlin ne chan-
gera pas la législation actuelle.
Mais, dans le cas contraire, le gou-
vernement d’Angela Merkel s’est
d’ores et déjà engagé à présenter
un projet de loi contraignant,

s’inspirant de dispositifs récem-
ment introduits en France et au
Royaume-Uni. « Si les engage-
ments volontaires ne suffisent pas,
alors le gouvernement allemand
introduira des mesures législati-
ves », a prévenu Gerd Müller, le mi-
nistre du développement.

Colère du patron des patrons
Alors qu’en France, l’Assemblée
nationale adoptait dès fé-
vrier 2017 une loi sur le devoir de
vigilance des sociétés mères, l’Al-
lemagne continue de privilégier
jusqu’à présent la voie de l’auto-
discipline. Lancé par le gouverne-
ment en décembre 2016, le Plan
d’action national pour l’écono-
mie et les droits de l’homme, dont
font partie les questionnaires, en
est encore à la phase exploratoire.
Mais une succession d’enquêtes
a mis en lumière la passivité, en
l’absence de contrôles des autori-
tés publiques, des multinationa-
les allemandes face à de graves
violations de droits de l’homme à
l’étranger. En juin 2017, un rap-
port des organisations non gou-
vernementales Germanwatch et
Misereor épinglait, entre autres,
Siemens, l’énergéticien EnBW ou
encore KfW, une banque publique
d’investissement, pour leur man-
que de responsabilité sociale et
environnementale dans divers
projets au Honduras, en Colom-
bie, au Mexique ou au Kenya.
Début juillet, c’était au tour de
l’ONG britannique Oxfam de dé-

noncer l’inaction des plus gran-
des chaînes allemandes de super-
marchés – les Aldi, Lidl et autres
Rewe – en matière de droits des
travailleurs, des femmes ou des
petits fournisseurs dans leurs
chaînes d’approvisionnement
mondialisées. « La souffrance,
l’exploitation et la discrimination
font partie du quotidien dans les
chaînes logistiques des supermar-
chés allemands », avait dénoncé
Oxfam.
Il est encore trop tôt pour dire si
le tour de vis envisagé par le gou-
vernement deviendra réalité.
Mais le patronat est déjà monté
au créneau. « Les chefs d’entreprise
doivent être personnellement res-
ponsables de quelque chose qu’ils
ne peuvent pas influencer dans no-
tre monde globalisé », tempêtait
en avril Ingo Kramer, président
du BDA, l’association fédérale des

employeurs. Dans la foulée, le pa-
tron des patrons appelait Berlin à
« renoncer à ces absurdités ».
Et Ingo Kramer s’est trouvé des
alliés de poids au gouvernement.
Des mois durant, la chancellerie
et le ministère de l’économie ont
cherché à assouplir les critères de
responsabilité sociale et environ-
nementale définis dans le Plan
d’action national, afin de permet-
tre à un plus grand nombre d’en-
treprises de réussir le test – et
d’éviter ainsi de voter une nou-
velle loi en 2020. Le bras de fer en-
tre les différents ministères im-
pliqués dans le projet a retardé de
plusieurs mois l’envoi des ques-
tionnaires.
La méthodologie de compromis
finalement adoptée à la mi-juillet
par le gouvernement reconnaît
une catégorie intermédiaire d’en-
treprises qui se sont dotées d’un
« plan concret » de mise en con-
formité d’ici à fin 2020. Les orga-
nisations de défense, très criti-
ques, ont aussitôt estimé que le
projet était « édulcoré ».
Pourtant, après plusieurs mois
de débat, certaines sociétés ont
fini par se convertir aux vertus
d’une loi. C’est le cas de Daimler,
notamment. « Pour les entrepri-
ses, la clarté juridique est toujours
avantageuse, indiquait en mai le
constructeur automobile. Une ré-
glementation pourrait créer des
normes acceptées uniformément
à l’échelle internationale. »p
jean-michel hauteville

tien au projet de 40 % à 55 % chan-
geait en effet les termes de l’équa-
tion, et justifiait ce revirement.
Cette prise de position a aussitôt
provoqué la fureur du M5S, viscé-
ralement opposé au projet, qui a
même boycotté l’intervention du
président du conseil au Sénat,
jeudi après-midi. Mais au-delà des
protestations, des happenings et
des hauts cris, la formation pro-
testataire dirigée par Luigi Di
Maio est aujourd’hui si affaiblie
qu’elle n’est même plus en état de
peser sur l’action du gouverne-
ment auquel elle participe.
Les élus M5S ont annoncé qu’ils
allaient déposer une motion au
Sénat, sans illusions sur le résul-
tat de cette démarche – le vote de-
vrait se tenir le 6 ou le 7 août –, et
les déçus de la ligne incarnée par
Luigi Di Maio sont de moins en
moins discrets.
Mais au fond, depuis le désastre
électoral du 26 mai (17 % à l’élec-
tion européenne, soit moins de la
moitié du résultat de la Ligue, et
seulement 12 % lors des régiona-
les en Piémont qui se déroulaient
le même jour), les dirigeants du
M5S savent que la partie est per-
due, et que s’ils veulent encore
rester au pouvoir quelques mois,
ils n’ont pas d’autre choix que

A V I AT I O N
Le bénéfice net
de Ryanair
décroche de 21 %
Lundi 29 juillet, Ryanair
a annoncé un bénéfice net
de 243 millions d’euros au
premier trimestre de son
exercice comptable 2019-
2020, en recul de 21 %, en rai-
son d’une baisse des prix des
billets d’avion, d’un kérosène
plus cher et d’une hausse
des coûts de personnel.
Le groupe aérien irlandais
a pourtant enregistré une
hausse de 11 % de son trafic
passagers, à 42 millions de
voyageurs, et de son chiffre
d’affaires à 2,31 milliards
d’euros. – (AFP.)

Grosse commande
en vue pour Airbus
L’avionneur Airbus est pro-
che de la conclusion d’un
contrat avec Air France por-
tant sur des dizaines d’avions
de la famille A320 Neo et
des A220, et représentant des
milliards de dollars, la com-
pagnie aérienne désirant re-
nouveler sa flotte moyen-
courrier, ont indiqué des
sources industrielles à Reu-
ters. Selon le JDD du
28 juillet, Air France com-
manderait une soixantaine
d’A220 à Airbus. Cette com-
mande devrait être à l’ordre
du jour, mardi, du conseil
d’administration d’Air
France-KLM. – (Reuters.)

Depuis
son entrée
en fonctions,
le gouvernement
italien avait tout
mis en œuvre
pour gagner
du temps

res. Les plus anciens sympathi-
sants du mouvement se souvien-
nent aussi que la première réu-
nion du groupe des amis de
Beppe Grillo (fondateur du M5S)
s’était déroulée à Turin en 2005, et
s’était conclue par la participation
à une manifestation « No-TAV ».
La nouvelle de cette reculade n’a
pas tardé à provoquer la fureur de
la base du mouvement, particu-
lièrement dans le Piémont, prin-
cipale région concernée, où plu-
sieurs responsables M5S ont ap-
pelé à tourner le dos à la direction
de Luigi Di Maio, pour rompre
avec la Ligue.
C’est là que se sont retrouvés, sa-
medi, environ 5 000 militants
No-TAV, pour une manifestation
pacifique devant le site de Chio-
monte, dans le val de Suse, où se
déroulent les travaux côté italien.
Après dispersion du cortège, quel-
ques militants plus radicaux ont
jeté pierres et pétards en direc-
tion du chantier. La police a an-
noncé des poursuites contre une
cinquantaine d’entre eux, tandis
que le dirigeant historique du
mouvement No-TAV, Alberto Pe-
rino, tonnait devant les micros :
« Les 5 étoiles nous ont vendus,
comme tous les autres! »p
jérôme gautheret

Pour le M5S,
ce projet est
le symbole de ces
grands travaux
inutiles, qui ne
servent qu’à
enrichir bureaux
d’études et partis
politiques

Début juillet,
Oxfam a épinglé
des chaînes
comme Aldi
et Lidl en matière
de droits
des travailleurs,
des femmes
et des petits
fournisseurs

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Plus d’informations sur http://www.insa-lyon.fr

*Dans un souci d’alléger le texte et sans aucune discrimination de genre, l’emploi du
genre masculin est utilisé à titre épicène.
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