Provence - 2019-07-30

(ff) #1
Le Grand Arles Express permet au public des Ren-
contres d’Arles de profiter d’expositions "hors les
murs". Cette année, c’est un voyageenune quinzaine
d’expositionsréparties en sept villes qui est propo-
sée, de la collection LambertàAvignon au Musée de
la MarineàToulon,enpassant par Cavaillon,
l’Isle-sur-la-Sorgue, Nîmes et Port-de-Bouc.ÀMar-
seille, ce sont cinq lieux qui sont partenaires dont le
Frac où le public peut découvrir jusqu’au 11 août
"A ta recherche" de Caroline Corbasson.
Ensuite,àpartir du 14 aoûtetjusqu’au 22 septembre,
on pourraydécouvrir une nouvelle facette du travail
de Mohamed Bourouissa. Le Frac programme au pla-
teau multimédia "Island", un de ses films où cinq per-
sonnages se retrouvent dans une des scènes emblé-
matiques de "Soy Cuba" (1964) pour une analyse cri-
tique et idéologique du film.
Pour ce film, Mohamed Bourouissaatravailléencolla-
boration avec la scénariste cubaine Estrella Diaz,
dans le cadre de la Biennale de la Havane 2015.
Le vernissage de ce rendez-vous aura lieu le vendredi
30 aoûtà18h30 dans le cadre de la nocturne de sai-
son du Frac. De quoi prolonger encore un peu l’été
et les rendez-vous des Rencontres.

Le plein échange de Mohamed Bourouissa


d e l ’ é t é S


ur des formats de papier A2, Mohamed
Bourouissaafait imprimer certaines de
ses photographies de la série RIP .Des cli-
chés qui représententdes tickets de paris d’ar-
gent que les joueurs, déçus de ne pas avoirga-
gné, ont froissés et jetés par terre. En collabora-
tion avec PMU, l’artiste-plasticienatravaillé
en 2011 sur le football, les parieurs et les "ra-
masseurs", ces gens qui espèrent trouver dans
la masse des mauvais tickets, un coupon ga-
gnant.Sur des palettes, au premier étage du
MonoprixàArles, où Mohamed Bourouissaex-
pose la rétrospective de 15 ansdecarrière, plu-
sieurs centaines des quatre clichés sélection-
nés sontàdisposition du public. Ils repré-
sentent tous un ticket chiffoné et jeté par terre.
Maisles photographies émanent de l’un des ar-
tistes les plus en vue de la jeune génération,
exposé pour la première fois aux Rencontres
d’Arles.Alors,les spectateurssesontdès la pre-
mière semainedufestival fournisenexem-
plaires, qu’ils ont, suivant observation, soi-
gneusement roulés et emportés avec eux. Qui
saitsicette série-làn’aura pasune quel-
conque valeur dans les annéesàvenir?Unpa-
ri et une jolie mise en abyme du "travail" des
ramasseurs. " Le fait de distribuer des tickets,
c’est un peucompromettre lesspectateurs ",
avoue l’artiste, né en 1978àBlida en Algérie.
Àl’image de cette mise en scène qui intègre
le spectateur,Mohamed Bourouissa est pas-
sionné parles échanges, les projets participa-
tifs et inclusifs.Peut notamment en attester
sur son site la liste de ses expositions de
groupe, trois fois plus importante que celle de
ses expositions solos. Ilanotamment effectué
sa dernière résidence d’artisteàLumaArles,
au printemps. Dans le parc des Ateliers de la
fondation, ilaparlé "Interdépendance"àl’oc-
casion des cycles de conférence "Luma Days",
présentant Si Di Kubi ,leprojet artistique, pho-
tographique et musical qu’ilaréaliséàl’occa-
sion de la Biennale de Sharjah 13àBeyrouth,
en collaboration avec d’autres artistes. Dans la

rétr ospective, quilui est consacréeaux Ren-
contres, ilautilisé une signalétique de cou-
leurs pour indiquer, en bleu, les projets per-
sonnels, en rose, les invitations et en vert, les
collaborations. Ce terme d’"échange", l’artiste
en fait le tour, en malaxant sa dimension éco-
nomique. " L’économieest capitale, politique,
commente-t-il. L’économieest l’un des élé-
ments principaux qu’on n’a pas apprisàmaîtri-
ser, contrôler et regarder. Il doit avoir sa place
dans le champ de l’art et les artistes doivent s’en
emparer.Àpartir du moment où onades outils
pour savoir, on peut mieuxappréhender la
chose qui nous entoure. Lutter est peut-être un
bien grand mot, mais au moins comprendre et
déchiffrer. Pour moi, en premier lieu, ça passe
par l’art ". Pas étonnant que MohamedBou-
rouissa ait choisil’établissementMonoprix
(nouveau lieu d’exposition des Rencontres de-
puis l’année dernière) pour exposer ses ré-
flexions, dans une scénographie intelligente et
d’une grande fluidité qui reprend les codes du
magasin, sur 1000m²d’espace. Économie,

échange, valeurdel’argent, du travail et des
objets mais aussi place des chômeurs,des
plus humbles et des marginaux, sont la ligne
directrice de Libre-échange qui allie photogra-
phie, vidéo, peinture, dessin, sculpture... Par-
mi les fragments de la réalité misàdisposition
par l’artiste, sa série de photographie Nous
sommes "Halles ", sur la jeunesseàChâtelet (Pa-
ris), L’Utopied’AugustSander (voir ci-des-
sous), sa première série Périphérique, mais
aussi Shoplifter ,une galerie de portraits de vo-
leurs pris la main dans le sac dans des maga-
sins des États-Unis, Temps mort, ou l’échange
avec un détenu... Et puisque le temps n’est
pas (que) de l’argent, l’expo mérite qu’on lui
accorde plus qu’un coup d’œil car elle ouvre,
entre autres, de plus grandes perspectives sur
la valeur des choses et des images.
Isabelle APPY

"Libre échange"àMonoprix, bd Emiles-Combes, Arles. Dans
le cadre des Rencontres d’Arles. Jusqu’au 22 septembre
http://www.rencontres-arles.com

Les expos du journal


Les relations de Mohamed Bourouissa avec la
région remonteàune dizaine d’années. Son pre-
mier prix, il l’a reçuàArles, dans le cadre du festi-
val VoiesOff (festival parallèle aux Rencontres
d’Arles) pour sa premièresérie emblématique Pé-
riphériques ,en2007. L’artiste-plasticienaégale-
ment été récompensé du prix de la FondationBla-
chèreàApt, en 2010;lieu où ilaeffectuépar
ailleurs une résidence d’artiste. En 2012, il était
en résidenceàla Galerie des grands bains
douchesdelaPlaine,àMarseille, accompagné
par l’associationart-cade, pour préparer son pro-
jet L’Utopied’AugustSanders ,visibledanssaré-
trospective arlésienne et qu’ilamontrée dans le
cadre d’une expo collective de MP2013, Mar-
seille capitale européenne de la Culture.
Pour L’Utopie d’August Sanders ,Mohamed
Bourouissa avait proposé de faire le portrait de

personnesàlacroisée de l’intégration et de l’ex-
clusion sociale. En accord avec le Pôle Emploi de
la Joliette, il avait ainsi installé pendant deux
mois un camion aménagé en studio, un fab-lab
mobile. MohamedBourouissa proposaitàdes de-
mandeurs d’emploi de "devenir un monument"
en se faisant scanneren3D. Certainesdes sta-
tuettes en résine polyester ont été ensuite ven-
duesàlasauvette pour une poignée d’euros sur
le marché des Arnavaux, alors que d’autres sta-
tuettes étaient vendues bien plus cher dans des
centres d’art. L’occasion de questionner, outre la
valeur des biens et de la force de travail, aussi le
marchécontemporain de l’art. Mohamed Bou-
roui ssaapar ailleurs recueilli les réactions néga-
tives de demandeurs d’emploi dansunlivre,
consultable au Monoprix dans l’espace d’une bi-
bliothèque aménagée.

GRAND ARLES EXPRESS


Le Monoprix est pour la 2


e
année consécutive un lieu de
rendez-vous des Rencontres d’Arles. / PHOTO BRUNO SOUILLARD

/ PHOTOBRUNO SOUILLARD

Mohamed Bourouissa lors de sa
résidenceàMarseille. / ARCHIVES F.S.

PRIX ET RÉSIDENCES D’ARTISTE DANS LA RÉGION


"L’Utopie d’August Sanders" néeàlaJoliette


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http://www.laprovence.com

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