Beaux Arts - 04.2019

(Grace) #1

108 I Beaux Arts


MUSÉES l LE MUSÉE DU MOIS


u PARIS • MAISON DE L’AMÉRIQUE LATINE


Au cœur de toutes les géopoétiques latinas


S


igmund Freud décrivait les lieux, en 1886,
comme un «château féerique». Ancien hôtel
particulier du neurologue Jean-Martin
Charcot, l’actuel siège de la Maison de l’Amérique
latine mérite toujours ce qualificatif. Mais ce sont
moins, aujourd’hui, ses spectaculaires salons,
privatisables pour des événements, et son élégant
restaurant réaménagé par le designer et sculpteur
franco-argentin Pablo Reinoso que ses expositions
qui ravissent l’œil et l’esprit. Dernière en date,
«Fiesta gráfica» agit à la manière d’une déflagration
visuelle, éclatant sur des murs saturés de couleurs :
y sont accrochées 180 affiches, sélectionnées par
le graphiste français Michel Bouvet, qui donnent
une petite idée de la puissance de ce support outre-
Atlantique. Géométries électrisantes de Marta
Granados, blague culottée du duo El Fantasma
de Heredia célébrant les 100 ans de Karl Marx
avec un portrait de Groucho, «ragoût graphique»
au fumet social du collectif Onaire, Vierge Marie
rockabilly et vieil Enfant Jésus à corps de
xoloitzcuintle (chien sans poil) chez Dr. Alderete,
frégates des îles Galápagos à énorme jabot rouge
annonçant une parade d’amour reggae-rock (Pablo
Iturralde), affiches dénonçant en fluo mille inégalités
(Natalia Iguiñiz Boggio), silhouette de paysanne
andine au sommet de la virtuosité graphique (Giselle
Monzón)... Ils sont ainsi 26 à bombarder sans pitié
nos rétines à coups de carteles (affiches) venus de
Medellín, comme de La Havane, Lima ou São Paulo.

Ce précipité de la création latina est à l’image du lieu
qui l’accueille. Une Maison à la personnalité forte
et à l’esprit farouchement indépendant. Créée en 1946
par un De Gaulle attiré par ces «sociétés ardentes»
qui soutinrent la France combattante, elle fut dans
les années 1970 le lieu de réunion des artistes
et intellectuels en exil. Aujourd’hui que le continent
magnétise à nouveau tous les regards, elle connaît
un second souffle, porté par la programmation
défricheuse et pointue d’Anne Husson. C’est grâce
à elle que l’on a pu découvrir les «dessins sans papier»
suspendus dans les airs de Gego, les perforations
magiques de Carmen Perrin, l’œuvre photographique
du cinétique Carlos Cruz-Diez, les encres subtiles
de Johanna Calle ou encore le noir et blanc solaire
de Lola Álvarez Bravo... Précision : la Maison, ouverte
à tous les vents de l’art, de la littérature, de la
musique, des sciences humaines, de la psychanalyse
et du cinéma, est en accès libre. «Et affranchie de tout
ce qui relève du marché», renchérit sa dynamique
directrice culturelle. ¡Vamos! Natacha Nataf

À VOIR
«Fiesta gráfica»
jusqu’au 7 mai
217, bd Saint-Germain
75007 Paris
01 49 54 75 00
http://www.mal217.org


Kiko Farkas
Semana ABC, 2016


Carlos Cruz-Diez Intervention chromatique, 2014

Vue de l’exposition
«Fiesta gráfica».
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