Beaux Arts - 04.2019

(Grace) #1

Beaux Arts I 3


L’


Union européenne est perçue avant tout
comme une entité politique et économique,
rarement comme une société dotée d’un
héritage partagé depuis des millénaires, incarnation
d’un vivre-ensemble. Face au Brexit, à la montée
des nationalismes, il devient pourtant essentiel
de renforcer les échanges culturels au sein de l’UE,
en favorisant la liberté d’expression, la diversité, la
compréhension entre les peuples et le développement
de valeurs communes. Le premier «Plan d’action
culturelle» de l’UE date de 1977, mais ce n’est qu’en
1992, avec le traité de Maastricht, que la communauté
se voit conférer des compétences dans le domaine
de la culture. Si quelques bonnes initiatives ont été
lancées, comme le label des Capitales européennes
de la culture (1985), le réseau de salles indépendantes
Europa Cinemas (1992), qui permet au cinéma
indépendant d’être diffusé dans toute l’Europe,
ou la prise en compte de «l’exception culturelle»
dans les années 1990 – afin de ne pas soumettre
les biens culturels aux mêmes lois économiques
que les biens de consommation –, la politique
culturelle européenne demeure quasi inexistante.
À peine 0,16 % du budget de l’UE y est consacré,
soit 250 millions par an, l’équivalent de moins
d’un quart du chiffre de la production annuelle
de la plateforme Netflix. Alors que nombre
d’événements ont déjà été consacrés aux scènes
artistiques de l’Amérique latine, de la Chine
ou de l’Inde, j’avais remarqué avec étonnement,

en 2008, lors de l’exposition «L’art en Europe»
au domaine Pommery, à Reims, dont j’étais
le commissaire, que celle-ci était la première
du genre. Il aura fallu attendre dix ans pour
qu’une autre exposition dédiée à la jeune création
européenne ait lieu, à l’initiative de la fondation
Cartier. Car, en dépit d’une politique culturelle
déficiente, la création bouillonne aux quatre coins
de l’Europe, grâce à une forte mobilité, au
développement des équipements culturels
dans certains pays comme la Lituanie ou la Lettonie
(qui consacre chacun plus de 4 % de leur budget
à la culture), aux bouleversements induits
par le numérique, etc. Pour qui n’a pas la chance
de circuler fréquemment au sein de l’UE, rares
sont les occasions de découvrir et même de
ressentir cette créativité. Les élections européennes
sont une opportunité de mettre en avant la nécessité
d’un plan ambitieux en faveur de la culture,
passée et à venir. «L’Europe est une idée qui doit
devenir un sentiment», écrivait le chanteur Bono,
du groupe U2. Quoi de mieux que la culture
pour y parvenir?

L’Europe, un gisement


culturel inexploité


L’ÉDITO
de Fabrice Bousteau
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