116 I Beaux Arts
MUSÉES l EXPOSITIONS
u PARIS • MONNAIE DE PARIS JUSQU’AU 16 JUIN
Immense Thomas Schütte
Un dragon aux narines fumantes, des fantômes de bronze,
des diables grimaçants... Thomas Schütte, que certains auraient
pu croire connaître, révèle à la Monnaie de Paris mille visages.
On le pensait amoureux des colosses de bronze? Le sculpteur
allemand magnifie leur vanité en offrant leurs silhouettes aux vents
envahissants. On le croyait monolithe? Ses moirures s’avèrent
d’une infinie complexité ; ses architectures, truffées de recoins
et de reflets ; ses aquarelles, mignonnes, presque. Quant à sa série
de femmes sculptées, elle est pleine de doutes et de sensibilité :
silhouettes alanguies sur des tables d’acier, muses endormies
de rouille ou d’acier éclatant. Cette digression commence dans
les cours de la Monnaie (qui semblent sur mesure pour ce géant)
et se poursuit dans les salles. Elle donne toute l’ampleur de cet
insaisissable talent. Le final est apothéose lui aussi, où une cabane
de cuivre et bois, d’ordinaire posée au sein du paysage, vient
affronter de ses lignes cubistes la rotonde du salon d’honneur. E. L.
«Thomas Schütte – Trois actes»
11, quai de Conti • 75006 • 01 40 46 56 66 • http://www.monnaiedeparis.fr
u VILLENEUVE-D’ASCQ • LAM JUSQU’AU 11 JUIN
Giacometti dialogue avec son siècle
Renouveler en permanence le regard sur l’œuvre? La fondation Giacometti y parvient
avec brio, à travers ses expositions, de la Chine au Maroc. Nouveau point de vue au
LaM, qui confronte ses collections modernes à l’immense sculpteur. Évocation
du dialogue de jeunesse de l’artiste avec le cubisme, ici représenté par Fernand Léger,
Jacques Lipchitz ou encore Henri Laurens ; mise en perspective avec l’art brut,
notamment avec le fantôme de Carlo Zinelli ; conversation avec ses complices
surréalistes, Joan Miró et Raoul Ubac, rencontrés par l’intermédiaire de Jacques Dupin,
poète proche des Cahiers d’art. Ce dernier définissait ainsi l’ambition de son ami :
«Extraire le corps / de sa gangue de terre / brûlée, de terre / écrite»... À travers
150 œuvres, Alberto Giacometti reprend langue avec tout un siècle. Notamment avec
les poètes René Char, Michel Leiris ou Léna Leclercq. Plus inattendu, on redécouvre aussi
un artiste fasciné par la statuaire égyptienne et ses silhouettes hiératiques.
Le parcours trouve d’ailleurs son apothéose dans le groupe des Femmes de Venise,
exposées ensemble pour la première fois en France depuis leur création. E. L.
«Alberto Giacometti – Une aventure moderne»
1, allée du Musée • 59650 • 03 20 19 68 68 • http://www.musee-lam.fr
✶ Hors-série Beaux Arts Éditionsu PARIS • MUSÉE MAILLOL JUSQU’AU 21 JUILLET
Chefs-d’œuvre à l’histoire
tourmentée
Hasard malheureux du calendrier, l’exposition de la collection Emil Bürhle
au musée Maillol a ouvert ses portes quasiment en même temps que
celle du Mémorial de la Shoah, qui dresse un panorama sinistre du marché
de l’art pendant l’Occupation. Où est rappelé, notamment, le rôle du
négociant allemand Hans Wendland, qui se chargeait de convoyer vers la
Suisse nombre de toiles spoliées aux collectionneurs juifs. Dont treize sont
venues enrichir la collection d’Emil Bührle (1890-1956), alors occupé à faire
fortune en vendant des armes aux nazis. Certes, ce dernier a été jugé
«de bonne foi» après la guerre. Une salle l’explicite, rappelant que l’industriel
a restitué les toiles identifiées par les «Monuments Men» (groupe créé
par Roosevelt chargé de récupérer les œuvres d’art dérobées par les nazis)
à leurs propriétaires légitimes, avant de les leur racheter. Mais comment
regarder sereinement ces chefs-d’œuvre? Des merveilles sont pourtant
réunies : la Liseuse de Corot, le Suicidé de Manet, la Messaline de Toulouse-
Lautrec, les Tournesols sur un fauteuil de Gauguin ou encore le Garçon
au gilet rouge de Cézanne... E. L.
«La collection Emil Bürhle»
61 rue de Grenelle • 75007 • 01 42 22 59 58
✶ Hors-série Beaux Arts ÉditionsThomas Schütte
Drittes Tier, 2017
Alberto
Giacometti
Femme
cuillère,
1927Henri
de Toulouse-Lautrec
Messaline, 1901