Beaux Arts - 05.2019

(Steven Felgate) #1

MARCHÉ l LES ACTEURS


136 I Beaux Arts


La tribune de...


L’œil du
collectionneur

T


rop régulièrement, je reçois les témoignages d’artistes ayant vécu une situation
intenable ou confrontés à des professionnels du marché de l’art peu scrupuleux.
Cela met en lumière un point : la majorité n’est pas formée pour affronter ces revers.
Dernier témoignage en date, une photographe m’expliquant avoir dû avancer plusieurs
milliers d’euros pour la production et le transport de ses œuvres afin de participer à une
exposition dans une galerie pourtant bien installée. Elle court depuis pour récupérer
ne serait-ce qu’une partie de ses frais!
À cet exemple malheureusement trop
classique peuvent s’ajouter des contrats
franchement désavantageux,
des conditions financières à la limite
de la légalité, et j’en passe.

Sans vous, point de marché
Mais comment faire? Chers artistes,
envisagez votre carrière comme le ferait
un chef d’entreprise. Soyez organisés,
préparez votre business model, mettez
en place les outils qui vous permettront
de faire connaître votre travail (réseaux
sociaux, site web clair et à jour, rencontres
avec des professionnels à l’occasion
de sorties culturelles). Gardez en tête
que le milieu de l’art est un vaste marché,
mais que vous en êtes la genèse. Sans vous,
point de marché! Si la représentation
par une galerie est souvent perçue comme
le saint Graal pour vivre et promouvoir
son art, les ennuis ne sont pas nécessairement terminés. Mon conseil : toute galerie n’est pas
bonne à prendre et tout contrat n’est pas bon à signer. Renseignez-vous sur son historique,
sa ligne artistique et son programme d’expositions. Dans la mesure du possible, recueillez
des témoignages d’artistes collaborant avec cette galerie pour vous forger une opinion, une
vitrine ayant pignon sur rue pouvant se révéler bien sombre une fois passé l’envers du décor.
Certes, gérer votre carrière, l’administration, la fiscalité, tout en gardant la primeur à vos
créations peut s’avérer chronophage, voire contre-productif. C’est ici qu’intervient l’agent,
car il est l’autre regard sur vos opportunités. Sa mission : vous écouter, connaître votre travail
et son évolution, et vous orienter sur la meilleure façon de vous positionner sur la scène
artistique. Ses tâches (administratives, juridiques, commerciales ou de conseil) doivent
tendre vers un unique résultat : toujours être à même d’organiser, de soulager et de
promouvoir le plasticien. Petite mise en garde, toutefois : un agent, au même titre qu’une
galerie, peut ne pas être au niveau. Deux signes qui ne trompent pas? Rien n’est plus crédible
que la conviction. L’agent doit donc croire dans le travail qu’il défend, mais aussi placer
au premier plan son auteur dans sa dimension humaine avant les créations dans leurs
dimensions commerciales.

Gérer sa carrière comme un chef d’entreprise. Tel est le conseil
adressé aux artistes par un agent. Verbatim.

Jacques-Antoine Gannat


Ne soyez pas dupes!


«


Quelle satisfaction
vous apporte l’art
contemporain?
L’expérience la plus
significative et la
plus durable dans
le fait de collectionner
de l’art contemporain
est moins l’acte
d’achat que le
sentiment d’attraction
pour une œuvre
spécifique. Comme flirter avec elle
ne me menait nulle part, j’ai eu besoin
de la posséder. Je ne savais pas qu’une
création pouvait me charmer de la
sorte et déclencher des sentiments.

Quels types d’œuvres suscitent
votre intérêt?
Je suis personnellement attiré par
l’art abstrait. Je suppose que j’y suis
pré-conditionné par ma profession
d’architecte : je passe beaucoup
de temps à dessiner des plans.
Je crois que l’art abstrait, réduit
à son essence, vaut une bonne
architecture. J’adore découvrir
de nouveaux artistes et partager
leurs idées. J’ai acheté dernièrement
une peinture de l’Américain Landon
Metz. Pour moi, il est aussi important
de nourrir des relations avec
les créateurs que j’aime. Certains
sont même devenus des amis,
à l’instar de l’Anglais Andrew Bick,
du Suisse Florian Graf et des
Allemands Imi & Carmen Knoebel.

De quelle façon évolue
votre collection?
Depuis des années, ma collection
grandit de façon organique par
des achats dans des galeries
ou directement auprès des artistes.
Je la gère seul, mais je rêve de faire
équipe avec un curateur pour la
faire évoluer à travers un dialogue
constructif. Pas nécessairement
parce que j’aurais besoin de conseils
d’achat, mais pour les nouvelles
perspectives que cela pourrait ouvrir.

Leopold Weinberg


Je rêve de faire équipe
avec un commissaire
d’exposition»

Architecte et entrepreneur suisse, à Zurich
Fondateur de l’agence African Arty, au Maroc

Maya-Inès Touam Esquisse
(Sans titre 3), série Ready-Made
2018-2019, tirage photographique mat laminé sur aluminium,
édition de 3 exemplaires + 2 épreuves d’artiste, 60 x 70 cm.
La photographe franco-algérienne
a fait appel à Jacques-Antoine Gannat
pour le développement de sa carrière.
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