Beaux Arts - 05.2019

(Steven Felgate) #1

138 I Beaux Arts


MARCHÉ l LA COTE DE L’ART


Sous le charme d’Hammershøi


Exposé jusqu’au 22 juillet
au musée Jacquemart-
André, à Paris, Vilhelm
Hammershøi a conquis
le marché français
mais aussi international.
Ses captivants intérieurs
se vendent de plus
en plus cher.

L’homme qui valait
des millions

V


ilhelm Hammershøi (1864-1916), grand maître de la peinture danoise, a toujours
eu un marché actif au Danemark. C’est plus récent à l’étranger, où l’artiste
est connu depuis environ une vingtaine d’années. Son œuvre a été montré
une première fois en France en 1987, au Petit Palais. Mais le public l’a surtout découvert
au musée d’Orsay, en 1997, à travers une rétrospective qui a ensuite voyagé au
Solomon R. Guggenheim Museum de New York. Par la suite, d’autres expositions
d’Hammershøi ont assis sa notoriété à travers le monde, comme en 2008 à la Royal
Academy of Arts de Londres et au National Museum of Western Art à Tokyo. Cette
année, les Français redécouvrent son travail au musée Jacquemart-André. Le marché
est conquis. Collectionneurs privés et institutions sont fascinés par les paisibles
scènes d’intérieur peintes dans une sobre palette de couleurs (essentiellement des gris
et des blancs), oscillant entre la tradition de Vermeer et la modernité de Hopper.


Vendu 120 000 euros en 1993, puis 5,3 millions d’euros en 2017


Fin 2018, le Getty Museum de Los Angeles a acquis un Intérieur au chevalet [ill. ci-contre]
auprès d’un marchand américain qui venait de l’acheter à prix fort en vente publique.
Subjugué par ce tableau, Timothy Potts, le directeur de l’institution, avait alors déclaré :
«Tous les éléments d’un grand Hammershøi sont là : le rendu magnifique de la lumière
du Nord, les exquises harmonies tonales nuancées, la rigueur géométrique des plans
de la composition, les coups de pinceau au rendu chatoyant, tout cela concourant
à transfigurer une scène banale en quelque de chose de mystérieux et poétique.» Face à
la demande croissante pour l’artiste et à l’offre limitée de tableaux disponibles, les prix
ont fini par flamber. «Cela s’est accéléré depuis dix ans », note Claude Piening, directeur
du département des tableaux XIXe à Londres chez Sotheby’s. L’auctioneer a enregistré
en 2017 un record pour l’artiste à plus de 5 M€ avec Intérieur à la femme au piano
[ill. ci-dessus]. «On ne sait pas si la femme joue du piano ou si elle est pensive, et s’il y a
une autre personne avec elle dans la pièce, ce qui constitue le mystère de cette toile dont
la lumière, la composition géométrique et l’équilibre entre narration et abstraction,
sont tout ce que les amateurs recherchent», souligne l’expert. Le tableau s’était vendu
une première fois chez Sotheby’s à New York en 1993 pour 120 000 € (source Artprice).
Au milieu des années 2000, une œuvre similaire serait partie à moins de 1 M€. A. M.


Intérieur à la femme au piano,
Strandgade 30
1901, huile sur toile, 55,9 x 44,8 cm.
Adjugé 5,3 M€ le 14 novembre 2017
à New York chez Sotheby’s. Record du monde
aux enchères pour l’artiste.

Intérieur à la servante dressant la table
1895, huile sur toile, 97 x 70 cm.
Vendu près de 1,5 M€ à un collectionneur
belge à la foire Tefaf Maastricht en 2018
par le marchand munichois Daxer & Marshall.

Intérieur au chevalet, Strandgade 30
1912, huile sur toile, 78,5 x 70,3 cm.
Adjugé 4,4 M€ en 2018 à New York
chez Christie’s, et conservé aujourd’hui
au Getty Museum de Los Angeles.

Portes blanches, Strandgade 30
1899, huile sur toile, 39,5 x 42,5 cm.
Adjugé 1,6 M€ en 2017 à Londres
chez Sotheby’s, et conservé aujourd’hui
au Ordrupgaard Museum de Copenhague.
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