Beaux Arts I 31
Par Emmanuelle Lequeuxdans la société, tout en nous rappelant notre position
privilégiée d’artiste.» Chez elle, la lumière est toujours
restée au cœur de toute chose. De ses premiers
reportages à Cuba ou au festival d’Avignon jusqu’à
ses dernières expositions à la galerie Nathalie Obadia.
La couleur, aussi, amour qu’elle partageait avec
le réalisateur des Demoiselles de Rochefort.
Un oscar d’honneur en 2017
Dans l’un de ses derniers projets, elle s’est servie
des pellicules 35 mm d’une copie du Bonheur pour
construire l’une de ses cabanes, histoire de plonger
au sein de la luminosité oubliée de l’argentique
et des tournesols plantés entre ces quatre murs de
vitraux cinématographiques. «Pour moi, la nostalgie
du cinéma en 35 mm s’est transformée en désir
de recyclage, racontait-elle après avoir reçu un oscar
d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Avec les
copies abandonnées de mes films, je bâtis des cabanes,
maisons favorites du monde imaginaire.» 2 159 mètres
de pellicule pour fabriquer un doux abri et se laisser
entourer «par la durée du film et les images d’un
temps passé». La peinture? Elle l’a toujours célébrée,
à commencer par les clins d’œil à Monet et Renoir,
qui irradient son Bonheur. Elle composait aussi parfois
ses installations vidéo «comme des tableaux avec
des prédelles, à la Fra Angelico». Ainsi déployait-elle,
sur 15 écrans, les voix et les visages des veuves
de son île de Noirmoutier. Manière fine de revivifier
la forme du documentaire : «Quand tu as écouté
une voix, toutes les autres demeurent présentes,
disait-elle. Il y a une persistance mentale autant
que rétinienne.» Persistance, ce mot lui va à merveille.
Agnès restera à jamais sous le bonheur, exactement.
Emmanuelle LequeuxL’espiègle créatrice,
photographiée
dans l’une de ses Cabanes
de cinéma. Une œuvre
de l’exposition «Agnès
Varda in Californialand»,
au Los Angeles County
Museum of Art, en 2013.Les dernières installations d’Agnès Varda
au domaine de Chaumont-sur-Loire sur BeauxArts.com