Bernard Buffet
Nature morte au poisson, 194842 I Beaux Arts
LA RECETTE POUR 4 PERSONNESIngrédients :
Ò 1 beau saint-pierre de 2 kg
Ò 12 feuilles fraîches de citronnier
Ò Fleur de sel
Ò Huile d’olive
➊ Avec un couteau d’office, au niveau des ouïes,
incisez délicatement la peau du saint-pierre.
➋ Ensuite, en forçant du bout des doigts,
créez un bel espace entre la peau (sans la déchirer)
et les filets du saint-pierre en allant jusqu’à la queue.
➌ Puis posez délicatement les feuilles de citronnier
sur la chair du poisson et plaquez la peau.
➍ Répétez l’opération de l’autre côté et, sur une
poêle ou une plancha, snackez vivement le poisson
sur un papier cuisson. Comptez 10 à 12 mn
de chaque côté et terminez la cuisson du poisson
au four 3 à 4 mn.
➎ Servez sur une assiette chaude avec un filet
d’huile d’olive, une pointe de fleur de sel
et accompagné d’une fricassée de petit pois,
ail nouveau et oignon nouveau.Buffet froid
Alain Passard, chef triplement étoilé de l’Arpège, concocte tous les mois pour Beaux Arts
une recette inspirée d’une œuvre. Ici un saint-pierre aux feuilles de citronnier imaginé
d’après une nature morte de Bernard Buffet, prêt à passer sur le gril...D
es couleurs sobres – un camaïeu de gris – sans
éclat aucun, des lignes noires désignant les
formes de manière brute, et des traits nerveux
décrivant un coin de table où est posé, selon une
perspective distordue, un saint-pierre prêt à être mangé.
Le poisson de mer des fonds rocheux est simplement
présenté sur une assiette, avec pour seuls compagnons
un morceau de citron, une saucière, une casserole
qui sort du cadre, ainsi qu’une fourchette malingre
et cabossée. Austère et singulière, la nature morte
de Bernard Buffet (1928-1999) a été réalisée sans fioritures
ni manière, avec sobriété et évidence. À mille lieues
donc du genre tel que le développèrent les Hollandais
au XVIIe siècle, où le raffinement et la profusion de détails
le disputaient à la précision stylistique et au réalisme
de la description. Le peintre français, aussi célèbre
que critiqué, avait fait de la nature morte l’un de ses
thèmes de prédilection. Il pouvait y montrer des objets
du quotidien dans une ambiance silencieuse de
recueillement intime, sans jamais se départir de cette
pointe de tristesse et de dureté qui caractérise l’ensemble
de son œuvre. «Ne vous y fiez pas. Une nature morte
de Buffet n’est morte que d’un œil et prête à mordre», écrivait Jean Cocteau en 1957.
Celles de l’artiste expriment les angoisses et états d’âme de la société. Empreintes
de morosité dans les années 1940, elles deviennent éclatantes durant les années 1960-
1980 avec des aliments rouge vermillon, vert cru ou jaune électrique. Daphné BétardLA RECETTE D’ART
d’Alain PassardL’ŒUVRESuggestion de vin : Choisissez un jeune sauvignon du Sancerrois, Alphonse Mellot ou Vincent Pinard,
pour sublimer la délicate empreinte de la feuille de citronnier sur la chair du saint-pierre.