Beaux Arts - 05.2019

(Steven Felgate) #1

46 I Beaux Arts


EN COUVERTURE l MONUMENTAL


À


l’impossible nul n’est tenu. Jamais assez,
toujours plus haut, plus fort, plus imposant.
Depuis la nuit des temps, l’homme cherche
à repousser les limites de sa condition, à sur-
passer la mort en donnant corps à ses rêves
de puissance et de gloire, de beauté et de perfection. Palais
et temples somptueux, statues immenses, peintures illimi-
tées, sculptures et installations démesurées à échelle du
paysage, voire du cosmos : il laisse derrière lui les traces
grandiloquentes de son passage, aussi éphémère soit-il. Le
mythe de la tour de Babel, conçue pour défier Dieu, n’in-
carne-t-il pas à lui seul cette folie des grandeurs qui l’a
poussé à bâtir un art toujours plus monumental? La pyra-
mide de Khéops, les jardins suspendus de Babylone, le
temple d’Artémis à Éphèse, le phare d’Alexandrie, le colosse
de Rhodes, le mausolée d’Halicarnasse, la statue de Zeus à
Olympie : les sept merveilles du monde, telles que les défi-
nit probablement l’ingénieur antique Philon de Byzance
au IIIe siècle avant J.-C., sont les premiers témoignages de
cette quête chimérique. Bien qu’elles aient toutes disparu,
à l’exception de la pyramide égyptienne, l’idée qu’elles
incarnent – celle de l’œuvre parfaite dans ses proportions
et sa complexité – est, elle, toujours d’actualité. Si bien que
l’Unesco en a proposé en 2007 une nouvelle version, par-
tant d’une liste mondialisée pour auréoler de prestige
sept nouveaux édifices à travers la planète. Des ouvrages,
une fois encore, plus imposants les uns que les autres, du
Taj Mahal en Inde à la statue du Christ rédempteur à Rio,
en passant par le Colisée de Rome, le site archéologique de

Pétra en Jordanie ou la muraille de Chine, édifice dont on
a longtemps cru qu’il était visible depuis la Lune (allégation
démentie par la Nasa en 2004).
Quelles furent les motivations premières de ces créateurs
utopiques? Intimement liées aux croyances et rites sacrés,
les œuvres les plus anciennes semblent répondre à une ten-
tative désespérée de maîtriser les forces obscures régissant
le monde, à l’image du célèbre monument mégalithique
de Stonehenge, érigé entre 2800 et 1100 avant notre ère. Cet
étrange sanctuaire constitué de cercles de menhirs agencés

Stonehenge
Un imposant
ensemble de
menhirs
mystérieusement
disposés en cercle
au beau milieu
de la campagne
du Wiltshire :
les sources écrites
montrent que
depuis le Moyen
Âge les érudits
s’interrogent sur
le sens à donner
à cet exceptionnel
monument
mégalithique.
Entre - 2800 et -1100,
Salisbury,
Royaume-Uni,
mégalithes, diam.
du cercle 104 m.


PAGE DE DROITE
EN HAUT
Sphinx de Gizeh
De plus de 20 m
de haut et 14 m
de large avec une
masse estimée
à 20 000 tonnes,
le sphinx de
Gizeh est la plus
grande sculpture
monolithe au
monde.



  • 2500, Égypte,
    monolithe,
    73,5 x 14 x 20,2 m.


EN BAS
Tour aux quatre
visages du
Bayon, temple
central
d’Angkor Thom
C'est peut-être
la plus envoûtante
sculpture du site
d ’A n g ko r ave c
ses visages
se découpant
sur le ciel.
Fin du XIIe siècle,
Cambodge, ensemble
de 54 tours (désormais
37), h. 4 m. QQQ


Les dernières statues


de Khajuraho, en Inde,


sont contemporaines


d’un temple qui défie plus


encore les lois humaines


du temps et l’espace :


le Bayon, construit à Angkor


à la fin du XII
e
siècle.
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