Beaux Arts - 08.2019

(Chris Devlin) #1

100 I Beaux Arts


L’ART DES ÉMOTIONS l FULGURANCE DE LA COLÈRE


Existe-t-il pour autant des artistes de la colère? Le surnom
a été donné à Paul Rebeyrolle (1926-2005), avec ses corps
déchirés par l’angoisse. Mais la chute des corps de la
chapelle Sixtine a-t-elle à voir avec la sexualité torturée
de Michel-Ange, qui passa ses dernières années en transe
à l’idée de rencontrer la malédiction divine?

La vengeance d’une femme violée
Notre époque aimerait croire qu’Artemisia Gentileschi
[ill. p. 83] se venge des hommes en les décapitant ou leur
enfonçant un clou dans l’oreille, mais elle ne fait que
reprendre des archétypes déjà existants, à commencer par

ceux de Caravage. Ce dernier était sans doute d’un tempé-
rament colérique et l’on sait ce que cela lui en coûta. Il était
loin d’être le seul, qu’on pense à Giovanni Benedetto
Castiglione. Ce génie de la gravure a tiré à l’arquebuse sur
un rival jaloux à Rome, déchiré sa toile devant un comman-
ditaire de la famille du doge de Venise qui ne l’avait pas
appréciée suffisamment, et s’est retrouvé accusé par son
propre avocat (qu’il n’avait pas payé) d’avoir fait jeter son
frère en prison et poussé sa sœur du toit de la maison. Il
avait été à bonne école, son maître Giovanni Battista Paggi
ayant dû s’éloigner quelque temps de Gênes après avoir
tué un commanditaire qui rechignait à le payer. n

Jean-Michel Basquiat Untitled (Boxer)
«Mon œuvre, c’est 80 % de colère», disait Jean-Michel Basquiat. L’artiste a peint toute une série de boxeurs
en héros de la cause des Noirs : ce formidable personnage au visage déformé par la fureur se distingue par sa couronne d’épines,
tels des barbelés encerclant la tête. Tout est blessure chez Basquiat.
1982, acrylique et crayon gras sur toile, 193 x 239 cm.
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