Télérama Magazine N°3629 Du 3 Août 2019

(Joyce) #1

Le gouvernement a choisi le cœur de


l’été pour sa très attendue salve de no-


minations dans la culture. Sans sur-


prise, Eric Ruf est reconduit à la tête de


la Comédie-Française et Catherine Pé-


gard, à celle du château de Versailles.


Côté changements : Emma Lavigne va


devenir la première femme à diriger le


Palais de Tokyo (elle était jusqu’ici di-


rectrice du Centre Pompidou-Metz, où


son exposition sur Warhol a attiré les


foules), et l’Allemand Alexander Neef


prendra la tête de l’Opéra de Paris. A ce


jour, il dirige la Canadian Opera Com-


pany, à Toronto, où il a su développer


les coproductions internationales, mo-


derniser les mises en scène, élargir le


public et créer une académie. A  ans,


il était le plus jeune des candidats pres-


sentis pour succéder à Stéphane Liss-


ner, dont le mandat ne s’achève qu’en


août  — mais les saisons d’opéra se


LA CULTURE A SES TÊTES


ÁGNES


HELLER


 ans


Membre de « l’école de Budapest » (qui,


créée après l’insurrection hongroise de


, prônait un marxiste humaniste),


elle dénonçait aussi la politique de l’ac-


tuel dirigeant hongrois, Viktor Orbán.


AUX


LARMES,


ETC.


DANIÈLE


HEYMANN


 ans


Elle avait porté haut l’art de la critique


cinéma (et, avant, chanson), dans les


pages du Monde, de L’Express, de Ma-


rianne, ou au micro, sur France Inter,


pour Le masque et la plume.


ART


NEVILLE


 ans


Musicien majeur de La Nouvelle-


Orléans, il était l’aîné des Neville Bro-


thers, aux succès planétaires dans les


années . Il aura contribué à poser


les bases de la musique funk.




JULIE OONA  JEANPIERRE DELAGARDEOPÉRA NATIONAL DE PARIS  OLIVIER ROLLERDIVERGENCE  GALLIMARD BD

QUI? COMMENT? POURQUOI?


REPÉRÉE


PA L O M A


COLOMBE


Age  ans.


Profession DJ, documentariste, artiste.


Actualité Ecoute-la, premier volet d’une


série de podcasts donnant la parole aux


femmes (sur toutes les plateformes au-


dio). D’un peu partout dans le monde,


elles s’expriment sur un thème : l’es-


time de soi. Elles se sont enregistrées


seules, puis Paloma a sculpté cette ma-


tière sonore, en musique.


Ascendants Sa mère, kabyle, et son père,


français, se sont connus à Alger — où son


père travaillait —, avant de prendre la


poudre d’escampette. « Ma mère avait


 ans, elle étou ait en Algérie. Elle a fu-


gué pour venir vivre à Paris. » C’est là que


naît Paloma. Quand elle a  ans, sa mère


fait de nouveau ses valises et c’est son


papa qui l’élève, lui transmettant son


goût des livres et de la musique. En ,


les grands-parents arrivent à leur tour.


« Mon grand-père, ingénieur, était un


Kabyle très rebelle, menacé par le terro-


risme. Il m’a beaucoup parlé de son pays


et de la condition des femmes chez lui.


Souvent, il se mettait à pleurer. » Paloma


passera des heures à l’écouter, et à l’en-


registrer. Après son décès, elle glissera


sa voix dans un long mix — intitulé Ouï.


Signes particuliers Non, Paloma Co-


lombe n’est pas un pseudo. A croire


que ses parents sont soit blagueurs,


soit pas du tout hispanophones — palo-


ma, en espagnol, signi ant... colombe!


Observations Documentariste de for-


mation, la jeune femme a déjà réalisé


plusieurs films, dont Planète Malek


(sur le musicien algérien Ahmed Malek)


qui sera projeté au Festival de cinéma


de Douarnenez, du  au  août. Et en


septembre, elle dévoilera le nouvel


épisode d’Ecoute-la, consacré au rap-


port des femmes à leur sexualité.


— Valérie Lehoux


L’Opéra de Paris
sera bientôt dirigé
par l’Allemand
Alexander Neef.

composant trois ans à l’avance, Alexan-


der Neef va devoir s’y atteler très vite.


Au CNC, l’arrivée du producteur Do-


minique Boutonnat, un proche d’Em-


manuel Macron, fait en revanche grin-


cer des dents (une pétition contre cette


éventualité avait récemment recueilli


sept mille signatures). En mai dernier,


l’homme avait livré un rapport très


controversé sur la nécessité d’un  nan-


cement privé du cinéma, pour une


meilleure « rentabilité » ; ce qui pouvait


se lire comme une volonté de réduire


l’action du CNC, institution publique


essentielle à la vitalité du cinéma d’au-


teur. Lors de la présentation de son rap-


port à la Commission culture de l’As-


semblée nationale, il avait pourtant


souligné que ses propositions devaient


intervenir en complément des disposi-


tifs existants, pas en s’y substituant.


Des producteurs comme Alain Attal ou


Anne-Dominique Toussaint prennent


aujourd’hui sa défense, arguant de son


soutien de toujours à un cinéma exi-


geant. Reste que certains ne décolèrent


pas, Bertrand Tavernier ou Arnaud


Desplechin, qui commente : « Surdité


et entêtement semblent les maîtres mots


dans cette a aire. » A suivre.


— S. Bourdais et G. Odicino


Télérama 3629 31 / 07 / 19
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