105
TransiT
Alerter sAns crier GArd
Radio Escapades
à écouter sur
radioescapades.org
Série d’été 4/6 | LeS oreiLLeS au vert
Flâner l’été dans les ruelles pentues de
Saint-Hippolyte-du-Fort, au pied des
Cévennes, laisse deux souvenirs pré-
gnants : le chant des cigales et les af-
fiches anti-compteurs Linky, apposées
sur chaque porte ou presque. Si on des-
cend, on arrive sur les bords du Vi-
dourle, fleuve étroit mais capricieux
— quand il déborde, il réserve de sacrées
« vidourlades » aux 3 900 habitants de la
commune. Lorsqu’il est calme, on peut
y observer des dizaines de poissons, et
autant de libellules qui rasent l’eau
transparente. « Je ne vous dirai pas où,
mais on a aussi un couple d’aigles de Bo-
nelli sur Saint-Hippo! On a de la chance,
il n’en reste que 38 en France... »
Bérenger Rémy tiendra parole : les
oiseaux menacés peuvent compter sur
ce passionné pour garder secret l’em-
placement de leurs nids. Chargé de
mission Natura 2000, il anime bénévo-
lement son émission mensuelle Orni-
thoquoi sur les ondes de Radio Esca-
pades. « Je pars observer les oiseaux avec
mon enregistreur, et j’explique leur mode
de vie aux auditeurs. L’idée, c’est qu’ils
considèrent la biodiversité comme un
demande quel monde lui offrir. S’investir
dans la protection de la nature ou ici à la
radio, c’est une manière de ne pas rester
passif », confie Bérenger, qui luttait au-
trefois en justice pour préserver les es-
paces naturels. A côté de lui, Romain
Moreau, consultant en gestion de l’eau,
ironise. « J’en avais assez de faire des rap-
ports qui n’avaient pas d’effets sur les dé-
cideurs. Il y a beaucoup d’hypocrisie
dans les milieux de la protection environ-
nementale. Au micro, je peux me lâcher,
évoquer des sujets polémiques en tant
que citoyen... » Il anime lui aussi une
émission mensuelle, intitulée A vau-
l’eau. Ses invités y parlent autant pollu-
tion agricole et préservation des es-
pèces que géopolitique de l’eau dans le
contexte des printemps arabes.
Sur la grille bien remplie de Siham,
son programme et celui de Bérenger
ont leur place dans la case environne-
ment, en compagnie notamment d’une
émission sur la garrigue. D’ailleurs, l’ar-
ticle 2 des statuts de l’association men-
tionne noir sur blanc la « sensibilisation
à l’environnement ». Une vraie mission
pour Romain, qui s’est mis à l’enseigne-
ment : « Les chênes verts qui souffrent à
cause de la sécheresse, les cours d’eau
sans vie, on les voit dans nos métiers! A
nous d’en parler le mieux possible à ceux
qui nous écoutent. » — Elise Racque
Photo David Richard pour Télérama
patrimoine à préserver, au même titre
que le pont du Gard par exemple! »
Quand il a besoin du studio pour
une interview, Bérenger doit grimper
sur les hauteurs du village, jusqu’à la
cour des Casernes. La radio associative,
créée en 1997 par les neuf cantons de la
vallée, y a élu domicile, dans une vieille
bâtisse en pierre. « Ici, avant, on enfer-
mait les gens », glisse la coordinatrice
Siham Mineur dans l’une des an-
ciennes cellules. Engagée pleinement
dans la création radiophonique, elle
n’est pas peu fière de sa grille prise
d’assaut par les propositions de béné-
voles, avec une cinquantaine d’émis-
sions : « Un vrai casse-tête, le studio est
sans arrêt occupé! » Pour l’instant, c’est
Isabelle qui lit au micro la prose du spé-
cialiste des hérésies Raoul Vaneigem.
« Le viol et le pillage de la nature ont mis
un coup d’arrêt à l’alliance entre l’homme
et le milieu naturel », souffle-t-elle.
Dans la grande pièce adjacente,
toute carrelée et tapissée d’affiches, les
quatre salariés discutent crise clima-
tique et collapsologie avec les béné-
voles. « Moi qui ai une fille de 8 ans, je me
Bérenger Rémy anime Ornithoquoi. Romain Moreau, A vau-l’eau...
Dans le Gard, Radio Escapades donne la parole à des citoyens engagés.
Coordonnée
par Siham Mineur
(à droite), la radio
réunit quatre
salariés et beaucoup
de bénévoles, dont
Bérenger et Romain
(tous les deux
en blanc).
Télérama 3629 31 / 07 / 19