Télérama Magazine N°3629 Du 3 Août 2019

(Joyce) #1

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L’été


Le photographe William Klein a filmé le festival. Son documentaire atteste de l’euphorie utopique qui y régnait.

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willy ronis/rAPHo


entière happée par l’événement. Il


s’aventure dans les lycées où dorment


les danseuses tchadiennes et où leurs


répétitions font vibrer tout un quartier.


Il accompagne en bord de mer Archie


Shepp, qui est en quête de ses origines


et reviendra souvent en Afrique. Sous


les yeux incrédules du saxophoniste


américain qui ne connaît pas grand-


chose à l’histoire coloniale euro-


péenne, il se fait bousculer par un res-


taurateur dont une parente a été violée


par des soldats français. Dans cet envi-


ronnement élec trique, Shepp donne


corps à la liberté de sa musique. Il


déambule dans les rues en tirant de son


saxophone les sons les plus stridents.


Sur la scène du Théâtre de l’Atlas, il im-


provise en compagnie de musiciens


touaregs, ses mélodies dissonantes


fondues dans un rythme hypnotique.


L’entente se passe de mot, la révolution


également, le concert donnera la ma-


tière d’un disque mythique.


Dans son hôtel, le Saint-George, Guy


Le Querrec croise le militant afro-


américain Stokely Carmichael, pion-


nier du Black Power, qui désigne l’Al-


gérie comme son pays de cœur. Il le


fréquente depuis quelques années


pour apprendre les techniques de


guérilla, qui ont conduit à la victoire


du FLN, et qu’il veut importer sur le


sol américain. A l’hôtel, tout le monde


déjeune à la même table et les discus-


sions sont inépuisables. Pendant le


festival, Carmichael accompagne son


épouse, la chanteuse sud-africaine


Miriam Makeba, qui va donner, avec


Nina Simone, proche des Black Pan-


thers d’Eldridge Cleaver, un des


concerts renversants du festival. Le


Querrec ne quitte pas le couple des


yeux, et William Klein va filmer dans


leur chambre une émouvante répéti-


tion de la chanteuse qui deviendra


une scène majeure de son film.


Les concerts sont la sève du festival.


Ils sont gratuits et galvanisent la jeu-


nesse algérienne qui découvre un


monde peuplé d’ovnis. Le dramaturge


Aziz Chouaki (1951-2019) se souvient


de la prestation hallucinante de Screa-


min’ Jay Hawkins, « une espèce de fou,


aux airs de sorcier africain qui a empor-


té, en un tour de main, l’adhésion popu-


laire ». On ne trouve nulle part de


compte rendu de cette performance


du chanteur d’I Put a Spell on You. Le


festival même est le cœur d’un été brû-


lant dont les traces se sont effacées. Ne


reste que le film de William Klein pour


témoigner de cette euphorie utopique.


Un montage subversif d’images et de


slogans qui se termine sur ces mots


que la fin du xxe siècle a lestés de son


poids d’actualités contradictoires :


« La culture africaine sera révolution-


naire ou ne sera pas. » •


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série « L’été 1969 ».



Télérama 3629 31 / 07 / 19
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