Télérama Magazine N°3629 Du 3 Août 2019

(Joyce) #1

livres


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Astrid Lindgren


une FiFi Brindacier dans le siècle


Biographie


Jens Andersen


Qui connaît l’auteure de Fifi Brindacier? Cette remarquable biographie


rend justice à Astrid Lindgren, aussi indépendante et libre que son héroïne.


t on aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout

u


Elle s’était fait la promesse de ne jamais


devenir écrivaine. En 1933, alors qu’elle


commençait à publier des nouvelles


pour enfants dans quelques revues,


elle se félicitait encore d’avoir tenu bon.


La nouveauté de ses premiers textes


était pourtant évidente, le point de vue


n’étant plus celui de l’adulte, mais de


l’enfant lui-même, au cœur de ses émo-


tions et de ses sentiments.


Au printemps 1941, à Stockholm, au


moment où l’armée allemande défer-


lait sur l’Union soviétique, un des plus


étonnants personnages d’enfant de la


littérature jeunesse voit le jour dans


l’esprit de celle qui va bien devoir se


considérer comme écrivaine : Astrid


Lindgren imagine une fillette au nom


bizarre, Pippi Langstrump, soit « Pippi


les longues chaussettes » qui deviendra,


en français, Fifi Brindacier. Capable de


soulever un cheval, indépendante, es-


piègle, audacieuse, Fifi connaîtra un


immense succès international.


Soixante-cinq traductions, cinquante-


six millions d’exemplaires à ce jour.


Indépendante, libre, féministe, en-


gagée, Astrid Lindgren (1907-2002)


l’était aussi. La remarquable biogra-


phie que lui consacre Jens Andersen


permet de faire la connaissance de


cette femme, auteure d’une quaran-


taine de titres qui ont marqué l’histoire


de la littérature et qui n’avait qu’une ré-


ponse quand on lui demandait ce


qu’était un livre pour enfants réussi : « Il


faut qu’il soit bon. » — Michel Abescat


| Traduit du danois et du suédois par alain


gnaedig, éd. gaïa, 480 p., 24 €.


La Suédoise
ne voulait pas
devenir écrivaine...
elle a pourtant
marqué l’histoire
de la littérature.

Jours de trAvAiL


Journal


John steinbeck


y


Entre 1938 et 1941, l’Américain John


Steinbeck tient un journal, une « tenta-


tive de cartographier les journées et les


heures de travail effectives d’un roman ».


Il s’agit des Raisins de la colère, magni-


fique histoire de cette famille de mé-


tayers, les Joad, pendant la Grande Dé-


pression. Dans son Journal — il dit qu’il


lui ouvre « chaque jour, l’usage des


mots » —, Steinbeck consigne l’avancée


de son écriture, « frénétique » quand


tout va bien, mais aussi les périodes de


découragement quand son roman


avance « à la vitesse d’un escargot dans


une flaque de marée, avec ses bernaches


attachées dessus », alors qu’il se fixe


l’objectif de deux mille mots par jour.


La machine à laver, le téléphone, les vi-


sites, sauf celles de Charlie Chaplin, le


rendent « dingue ». Obsédé par ses per-


sonnages, attentif à leurs vêtements,


leurs gestes, leur allure, il entend aussi


les bruits de la guerre et se désole de


« toute cette aggravation de la tendance


fasciste ». Ce Journal est un formidable


document sur l’écrivain arrimé à l’écri-


ture d’un chef-d’œuvre, qui obtiendra


le prix Pulitzer en 1940. — Gilles Heuré


| Traduit de l’anglais (etats-unis) et préfacé


par pierre guglielmina, éd. seghers,


216 p., 19 €.


Top poche


Spécialiste du XVIIIe siècle et du cinéma, l’historien


Antoine de bAecque est aussi un grand marcheur,


comme il l’avait démontré dans La Traversée


des Alpes (2014). Ici, sa passionnante histoire


de LA mArche, afin de « rendre aux sentiers leur


profondeur historique », se fait « histoire totale »,


convoquant la géographie, bien sûr, mais aussi


la sociologie, l’archéologie ou les études littéraires.


Ils ont écrit, ces marcheurs littéraires : Baudelaire,


Walter Benjamin, Mme de Staël, Jean Giono,


Rousseau ou Théophile Gautier. De Baecque évoque


encore les pèlerins, les colporteurs du XVe siècle,


les compagnons du tour de France et tous les auteurs


scientifiques qui ont étudié le plus vieux geste de


l’humanité. Un livre à glisser dans son sac à dos. — G.H.


|  ed. agora/pocket, 368 p., 10 €, u.


Télérama 3629 31 / 07 / 19
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