Télérama Magazine N°3629 Du 3 Août 2019

(Joyce) #1
t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout I Pas vu mais... faut voir 41

Netflix


Du 3 au 9 août


flash-back, le passé de la victime ré-


vèle une foule de suspects archéty-


paux : le bad boy, la peste sexy, le fils à


papa arrogant... Ce cocktail « crimes


et montée d’hormones » fait aussi le


succès de Riverdale, qui pimente les


habituelles rivalités lycéennes avec


des activités aussi rafraîchissantes


que le meurtre ou l’incendie volon-


taire. Nimbés d’un léger parfum de


soufre, ces thrillers accrocheurs


livrent une variante grand public


d’une figure qui jusque-là fascinait


plutôt le cinéma d’auteur : l’ado-


lescent meurtrier. Le triptyque sexe,


drogue et perversion, ainsi banalisé,


nous renvoie par exemple aux tueurs


en baskets de Larry Clark dans Bully


(2001). La série Quicksand, elle, com-


mence là où le film Elephant se termi-


nait : par une tuerie de masse dans un


lycée. Tout l’enjeu de cette produc-


tion suédoise est de donner une expli-


cation à cet acte sidérant, circonscrite


et accessible, quand Gus Van Sant, lui,


explorait un insondable mystère,


jusqu’au malaise.


Génération désespérée


Un épais nuage de fumée, voire


une ligne de coke pour seul horizon,


des envies d’en finir avec ce monde


pourri... Les ados n’ont plus foi en


rien, du moins si l’on en croit une flo-


pée de fictions centrées sur la dérive


de teenagers au bout du rouleau. Se-


bastian, le petit frimeur de Quicksand,


conduit une Porsche et organise des


fiestas dans la villa familiale, mais finit


par faire un carnage dans son lycée.


Sous l’opulence, un gouffre de déses-


poir, creusé par les humiliations pa-


ternelles... Des kids sans rêves ont


remplacé les héros pleins de confiance


en l’avenir de Beverly Hills. Et le sexe,


routinier, réduit parfois à des jeux


pervers, ringardise d’un coup les ro-


mances fleur bleue. Dans Baby, le


centre de Rome apparaît tel « un su-


perbe aquarium » à Chiara et Ludovica,


deux copines de 16 ans qui choisissent


de tromper leur ennui existentiel en


se prostituant. La série italienne, et


sa déconcertante vision « glamour »


du marché du sexe, n’a pas manqué


de créer la polémique, tout comme


13 Reasons Why, où le jeune Clay mène


l’enquête sur le suicide d’une élève de


son lycée. Ce parfum de scandale n’est


pas nouveau : au milieu des années


2000, il entourait déjà la série Skins et


ses gamins partagés entre détresse et


défonce. Sur Netflix, la tentation de la


surenchère n’est jamais loin. A la


veille de quitter le lycée, les copines


du film Les Potes passent leur temps à


« se mettre la tête à l’envers ». Alcool et


fumette à gogo pour oublier la mort


de Thomas, frère adoré de l’une et pe-


tit ami idéal de l’autre.


Etrange comme le deuil est devenu


le symbole récurrent du passage à


l’âge adulte, un rite qui supplante la


première fois ou l’entrée à la fac. Lu-


cides à l’extrême, voire cyniques, les


ados n’attendent plus rien des adultes.


Devant son écran, l’abonné, lui aussi,


touche le fond, et n’a plus qu’une en-


vie : se jeter sur la dernière comédie ro-


mantique rose bonbon... made in Net-


flix, bien sûr. — Isabelle Poitte


et Marie-Hélène Soenen


Télérama 3629 31 / 07 / 19
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