Télérama Magazine N°3629 Du 3 Août 2019

(Joyce) #1

C’est comme si vous demandiez à un


père quelle est la plus jolie de ses filles!


Certains réalisateurs que j’admire,


comme Ken Russell, Fassbinder ou Al-


modóvar, ont réussi toute leur vie à


suivre une direction. Mon travail suit


cette logique. Chaque film est un de ces


wagons qui constituent un train... •


Pulp Fiction a su parler aux spectateurs,


et continue d’exister malgré le temps qui


passe. Ce film a changé ma vie. Elle avait


déjà été bouleversée par Reservoir Dogs,


mais soudainement j’ai été propulsé


dans le club des réalisateurs reconnus à l’international dont


j’avais toujours rêvé de faire partie. Il n’y a rien que je sou-


haitais plus au monde que d’avoir une Palme d’or. L’avoir


dès mon deuxième film allait au-delà de toute espérance.


En fait, j’ai vraiment écrit cinq épisodes


entiers de Bounty Law. J’aimerais en


écrire trois autres, afin d’avoir une sai-


son complète. Mais bien sûr il n’y aura


pas Leonardo DiCaprio dedans! Pour le


film, on a tourné entièrement la scène


d’ouverture de ce feuilleton. Et j’en suis


fier, car elle ressemble à la série Wanted,


ce show western des années 1950 avec


Steve McQueen. Je ne sais pas si ce sera ma prochaine réali-


sation — j’ai aussi en tête un troisième volet de Kill Bill —,


mais je suis à peu près certain que je vais le faire. J’ai tant re-


gardé ce genre de feuilletons pour construire mon film que


cela m’a intrigué. Serais-je capable de réaliser un épisode


de vingt-quatre minutes? J’en ai écrit un, ça m’a plu, et j’ai


même trouvé cela amusant. Donc j’en ai écrit un autre, et


encore trois autres... et j’avais une histoire. Je ne les ai pas


encore donnés à lire, car je travaillais sur mon film, mais il


est possible que je consacre les deux prochaines années à


travailler sur cette série western en noir et blanc...


J’ai toujours aimé les films d’horreur et je


continue de voir les nouveaux qui sortent


en salles, je pourrais très bien en tourner


un. Mais il me plaît par-dessus tout de


mélanger différentes émotions dans un


film. Que le spectateur ressente quelque


chose et soudainement se retrouve dans un ranch et change


d’impression. Pour moi, c’est la seule façon de passer un bon


moment devant un film : rire, et tout à coup être terrifié.


Je devais trouver des rues représenta-


tives de l’année 1969, sans trop d’élé-


ments dont on ne pouvait se débarras-


ser, car je ne voulais pas effacer des


détails numériquement. Je voulais sim-


plement les camoufler, comme on le faisait autrefois. Je sou-


haitais tourner sur Hollywood Boulevard, qui possède tou-


jours beaucoup d’endroits emblématiques, avec des


bâtiments authentiques. J’ai ainsi pu filmer Brad Pitt en


train de conduire le long de trois ou quatre pâtés de maisons


sans avoir besoin de couper, car il est assez simple de trans-


former un magasin bio ou une échoppe à souvenirs en bar


à cocktails. Le défi principal était de trouver de tels endroits.


Sur un tournage, on a deux possibilités. Se servir de décors


naturels ou les recréer. Je n’aime pas la mode qui consiste à


construire une moitié de décor pour ajouter numérique-


ment le reste plus tard. Pour moi, c’est tricher. Le cinéaste


Tobe Hooper [Massacre à la tronçonneuse, 1974] a réalisé en


1985 Lifeforce, un film sauvage, un peu nanar, dont les gens


se moquent mais que j’aime beaucoup. Il y a quelques an-


nées, j’ai découvert que ce petit film de série B avait néces-


sité la construction d’un immense décor à 1 million de dol-


lars. Aujourd’hui, ce serait totalement inenvisageable!


Je comprends parfaitement son point


de vue. Elle défend son mari dans un


monde qui l’attaque. Bien sûr, elle a


son mot à dire, et je l’admire pour cela.


Mais ces meurtres abominables, perpé-


trés par le clan Manson, appartiennent


à l’Histoire. Il ne s’agit plus, ici, d’une


affaire personnelle, mais d’une his-


toire collective. Et dans ce cas, j’estime


que l’on peut la raconter.


6


L’invité Le cinéaste Quentin tarantino


Ils forment le plus beau casting du ciné-


ma moderne. J’ai pensé à eux dès l’écri-


ture du scénario, et j’ai eu la chance que


ces vraies stars de cinéma répondent


présentes. Lors des premières prises, je


les regardais à travers la caméra, et je


n’avais pas l’impression d’être sur un


tournage, mais bel et bien dans une salle


de cinéma en train de regarder un film.


« Ils forment le plus beau casting


du cinéma moderne. J’ai pensé


à Brad Pitt et Leonardo DiCaprio


dès l’écriture du scénario. »


J’adore l’idée qu’en réalisant mon film


sur Hollywood en 1969 j’ai réussi à glisser


des éléments de western. Je cite par


exemple Lancer, un feuilleton que j’ai-


mais et regardais enfant. Mais les feuille-


tons qui m’ont vraiment aidé à créer


Bounty Law et son personnage principal,


Jake Cahill, sont ces séries d’une demi-


heure produites à la fin des années 1950


et au début des années 1960, comme Ri-


fleman [L’Homme à la carabine] ou


Wanted : Dead or Alive [Au nom de la loi].


J’adorais, et j’aime toujours ce format court aux scripts soi-


gnés, avec un début, un milieu et une fin. Dans les années


1970, quand j’étais enfant, ce genre de vieilles séries, tel Ma-


verick, étaient rediffusées la journée, pile pour la sortie de


l’école, comme ce fut le cas plus tard avec Friends ou Seinfeld.


Emmanuelle


Seigner s’est


offusquée que


Hollywood puisse


faire du profit avec


une histoire fondée


sur celle de son


mari, alors qu’il y


est un paria. Qu’en


pensez-vous?


Que reste-t-il


aujourd’hui


de Pulp Fiction,


votre Palme d’or?


Etait-il important


de tourner ce film


dans des décors


naturels?


Dans la scène


du Spahn Ranch


de Manson, vous


flirtez avec le


cinéma d’horreur.


vous semblez avoir


pris beaucoup


de plaisir à filmer


Brad Pitt et


Leonardo DiCaprio,


réunis pour


la première fois.


Un fantasme pour


un réalisateur?


Avec Bounty Law,


le feuilleton fictif


dans lequel joue


Leonardo DiCaprio


dans le film,


vous continuez


d’explorer


le western.


Quelles ont été


vos sources


d’inspiration?


vous avez réalisé


des épisodes


pour Urgences


et Les Experts.


votre film est


truffé d’allusions à


d’autres séries. En


réaliserez-vous?


Quelle place


a selon vous


Once Upon


a Time in...


Hollywood


dans votre


filmographie?


Télérama 3629 31 / 07 / 19
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