9
Le Ceta, queLLe vaCherie
Par Vincent Remy
plus pour acculer davantage encore de paysans au suicide,
ou du moins pour pousser le monde agricole dans les bras
protectionnistes de Marine Le Pen. En sortir? Ce ne sera
pas possible sans un virage politique radical, afin de
conduire et accompagner financièrement les agriculteurs
dans l’abandon de la monoculture au profit d’une agro
écologie responsable. On produirait année après année
moins de céréales, moins de viande — dont la consomma
tion baisse — et davantage de légumineuses et de légumes
sans pesticides ni engrais de synthèse, dont nous man
quons. Beaucoup moins émetteur de gaz à effet de serre,
un tel modèle agricole aurait le mérite substantiel de
contribuer à retarder le réchauffement climatique fatal •
La traversée de la France offre aujourd’hui un pay
sage affligeant. Tant d’animaux accablés par la
chaleur, tant d’étendues de blé et de maïs ployant
sous la sécheresse! Il est facile d’imaginer la dé
tresse de cultivateurs surendettés, à qui un ministre de
l’Agriculture ne proposait la semaine dernière que la créa
tion future de réservoirs d’eau ou des avances de trésore
rie pour acheter de la paille. Au même moment, des dépu
tés majoritaires aux ordres votaient un accord de
libreéchange vicieux, le Ceta. Imaginer importer du Ca
nada des milliers de tonnes de viande de bétail nourri aux
farines animales à un moment où les éleveurs français ne
parviennent plus à alimenter leurs bêtes est une provoca
tion irresponsable. Ce traité aura réussi le tour de force de
rapprocher les syndicats opposés au modèle producti
viste dominant, Confédération paysanne en tête, et le syn
dicat majoritaire, la FNSEA, qui a conduit l’agriculture
française dans l’impasse. Il n’en faudrait pas beaucoup
18 juillet à Crevant-
Laveine (63).
Les paysans peinent
à nourrir leur bétail.
Premier Plan
JEAN-PHILIPPE KSIAZEK/
AfP
Télérama 3629 31 / 07 / 19