Les Echos - 30.07.2019

(Sean Pound) #1

16 // ENTREPRISES Mardi 30 juillet 2019 Les Echos


Pour juguler le virus herpès,

l’Ifremer veut relancer les huîtres plates

l L’ Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer démarre un programme de relance de l’huître plate.


lLe but est de diversifier l’offre des ostréiculteurs qui dépendent uniquement de l’huître creuse, régulièrement


attaquée par des virus.


C’est ce qu’on appelle avoir les
pieds dans l’eau. A tel point que les
fermes ostréicoles a ttirent particu-
liers et promoteurs désireux de les
transformer en maison de vacan-
ces en bord de mer. On a pu voir c es
dernières années une exploitation
partir à plus de 900.000 euros,
alors qu’e lle avait été initialement
estimée à 250.000 euros par la
Safer, la Société d’aménagement
foncier et d’établissement rural
chargée de veiller à la transmis-
sion des espaces agricoles. Ce
genre de petits tours de passe-
passe est interdit depuis la pro-

mulgation le 20 mai dernier de la
loi « pour la protection foncière des
activités agricoles et des cultures
marines en zone littorale ». Elle a
été votée à « l’unanimité par
l’Assemblée nationale et le Sénat »,
se félicite le député Modem du
Morbihan à l’origine du texte,
Jimmy Pahun.

Saignée du foncier
conchylicole
Désormais, il faut un délai de vingt
ans avant qu’une exploitation
ostréicole dont le dirigeant a
stoppé ses activités puisse changer
de destination. « C’était cinq ans
jusqu’ici », précise Philippe L e Gall,
président depuis l’an dernier du
Comité national de conchylicul-
ture. Dans le département du Mor-
bihan, « près de 20 % du foncier
conchylicole a été perdu au cours

des dernières années », se désole le
professionnel. Le nouveau texte va
contribuer à « stopper l’hémorra-
gie », espère Thierry Couteller, le
directeur de la Safer en Bretagne.
D’autant plus qu’il est très difficile
pour la profession d’envisager des
extensions, voire des créations de
nouvelles fermes ostréicoles. « La
protection des espaces naturels et
des zones d’intérêt écologique sont
autant d’éléments qui limitent les
installations », poursuit Thierry
Couteller. Il y avait environ
3.700 installations par an dans
l’Hexagone en 2001, 2.800 en 2012
et plus que 2.600 aujourd’hui.
Revigorée, la Safer prévoit l’arri-
vée de jeunes ostréiculteurs. Plu-
sieurs premiers dossiers sont
d’ailleurs en cours. La Safer attri-
buera les surfaces nécessaires, à
condition que les éventuels exploi-

tants s’engagent à poursuivre une
activité conchylicole pour « une
durée minimale de dix ans ». Au
cours des dernières décennies, les
maires des communes du littoral
ont laissé faire ceux qui achetaient
les biens immobiliers des produc-
teurs d’huîtres pour les transfor-
mer en logements.
« Mais face à la disparition des
activités ostréicoles de leurs com-
munes, ils ont réagi et sont désor-
mais beaucoup plus vigilants »,
insiste le directeur de la Safer. Ces
fermes contribuent en effet à l’ani-
mation économique mais aussi
touristique. Nombre d’e ntre elles
proposent des dégustations et des
achats sur place. La loi s’applique
aussi aux producteurs de moules,
aux marais salants, ou toute autre
activité agricole des bords de mer.
—S. d. G.

Les cabanes ostréicoles se mettent à l’abri


des prédateurs immobiliers


Afin d’éviter les spécula-
tions immobilières, la loi
du 20 mai dernier protège
les espaces fonciers
des cultures marines
situées en zone littorale.

Stanislas du Guerny
— Correspondant à Rennes


Les blocs ont été installés en mer au
début de l’été, sur les côtes de Brest
et de Quiberon. Neuf récifs artifi-
ciels en béton calcaire spéciale-
ment conçus pour faire revenir les
huîtres plates sauvages, des huîtres
qui ont largement souffert des dra-
gages de pêche, des parasites et des
assauts des étoiles de mer et des
daurades, au point de quasiment
disparaître des rochers des eaux
bretonnes.
Si l’Ifremer s’est mis en tête de
relancer la production d’huîtres
plates en France en tâchant de
comprendre puis maîtriser son
cycle de reproduction, c’est pour
éviter les drames économiques
chez les ostréiculteurs. Sur les
100.000 tonnes produites chaque
année dans l ’Hexagone, la quasi-to-
talité sont des huîtres creuses, plus
charnues. Le volume des plates
atteint à peine les 2.000 tonnes, dix
fois moins que dans les années
1960.


Ni vaccin, ni antibiotique
« Cette monoproduction est très dan-
gereuse car ce produit est fragile et
régulièrement frappé par des virus »,
indique Stéphane Pouvreau, le bio-
logiste à l’Ifremer à l’origine de cette
tentative de repeuplement qui sou-
haite rééquilibrer en quelques
années la balance entre les deux
espèces. « Les professionnels sont en
attente de nos résultats pour se lan-
cer », assure-t-il.
Ce travail de repeuplement sem-
ble indispensable p our éviter la réé-
dition du drame de Noël 2018, qui a
failli manquer d’huîtres sur les étals
à cause de la sécheresse estivale. En
2015, c’était le virus herpès qui avait
décimé les élevages, faisant tomber
la production de « creuses » à
80.000 tonnes. Ce qui n’avait pas
manqué de mettre en difficulté la
plupart des 2.800 producteurs
hexagonaux, qui emploient
10.000 personnes pour un chiffre
d’affaires d’environ 630 millions
d’euros par an. A ce sujet, et après
trois années de recherches, une
vingtaine de chercheurs de l’Ifre-
mer ont identifié comment lutter
contre ce virus qui touchait les huî-
tres juvéniles, empêchant 40 %


OSTRÉICULTURE


Sur les 100.000 tonnes produites chaque année dans l’Hexagone, la quasi-totalité sont des huîtres creuses. Le volume des plates atteint à peine les 2.000 tonnes. Photo Romi/RÉA

d’entre elles d’arriver à maturité.
« Ce virus prolifère à des températu-
res de l’eau comprises entre 17 e t 24°C.
Pendant cette période, il faut éloigner

les juvéniles des élevages ou limiter
leurs interventions », indique Yan-
nick Guéguen, de l’Ifremer. Sur
l’étang de Thau, près de Sète, cer-
tains ostréiculteurs évoquent un
transfert momentané de leurs pro-
ductions en pleine mer, zone plus à
l’abri des bactéries. A l’heure
actuelle, il n’existe ni vaccin, ni anti-
biotique pour protéger les élevages
du virus herpès, et c’est bien pour
cette raison que certains attendent
avec impatience un retour de la
« plate ».n

En 2015, le virus
herpès avait décimé
les élevages, faisant
tomber la production
de « creuses »
à 80.000 tonnes.
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