Les Echos - 30.07.2019

(Sean Pound) #1

18 // PME & REGIONS Mardi 30 juillet 2019 Les Echos


pour liquider les friches industrielles
et dépolluer, c’est un boulet que l’on
traîne depuis trente ans, déplore
Jean-Paul Boyer, conseiller munici-
pal communiste et ancien
mineur. Maintenant, le gros de la
dépollution est fait et nous espérons
revenir à une situation normale pour
investir ». Mais il reste encore des fri-
ches dans la zone du centre, où
étaient les usines, tandis que la ville
a été construite autour, à flanc de
collines. Decazeville Communauté

(11 communes et 20.000 habitants)
veut réhabiliter la grande halle de
Vallourec pour y mettre une pépi-
nière d’entreprises, 25 logements
étudiants et des activités culturelles.
Reste à traiter l’habitat. « Il y a
2.500 logements vides à détruire »,
souligne François Marty, qui fait
réaliser une percée entre le bas et le
haut de la ville.
Quelques signes de relance poin-
tent leur nez. L e bassin a été labellisé
Territoire d’industrie en 2018, avec

deux programmes sur les énergies
renouvelables et la reconquête des
friches. L’entreprise de retraitement
d’accumulateurs SNAM à Viviez a
un projet de fabrication de batteries
recyclées qui pourrait créer
600 emplois. De leur côté, Sévigné
TP et Séché Environnement souhai-
tent créer un centre de traitement
des déchets ménagers produisant
du biogaz sur l’ancienne usine de
zinc à Viviez. Et l’entreprise Ondulia
a un projet de centrale hydroélectri-

que sur le Lot qui produira de
l’hydrogène. « Ces trois projets repré-
sentent 115 millions d’euros d’inves-
tissement et plus de 600 emplois », se
félicite Xavier Duminy, directeur
général de Decazeville Commu-
nauté.n

Decazeville est passée de 15.200 à 5.400 habitants entre 1931 et 2016. Photo Laurent Marcaillou

Nicole Buyse
— Correspondante à Lille


Après son déménagement pari-
sien en 2018 où il a triplé sa sur-
face en arrivant rue de Turenne,
le fabricant lillois de nœuds
papillons fantaisie a décidé
d’agrandir sa boutique de Lon-
dres. La marque française démé-
nage en septembre sur Brick
Lane, pour un magasin plus
grand, mais surtout plus visible,
dans un quartier touristique.
Pour l’o ccasion, le site vient d’être
refondu et traduit en anglais.
C’est p arce que Rémi Duboquet
ne trouvait pas le nœud papillon
de ses rêves pour une soirée que
cet adepte de la machine à cou-
dre, directeur artistique dans une
société d’événementiel, l’a fabri-
qué lui-même dans un tissu
Liberty, r ompant avec les c odes. Il
a été ensuite tellement sollicité
pour en faire à ses amis qu’il s’est
lancé dans l’aventure en 2012 avec
sa compagne, Clémence Yon,
alors responsable merchandi-
sing chez Leroy Merlin, d’abord
en autoentrepreneurs, p assant e n
SARL en 2014.
Le succès a été viral. La petite
société totalise aujourd’hui


HAUTS-DE-FRANCE


Ce spécialiste du
nœud papillon fantai-
sie « cousu à Lille »
en vend 50.000 par
an à travers quatre
magasins et son site
Internet.


300 références : toutes sortes de
Liberty, mais aussi à motifs japo-
nais ou écossais et des unis aux
couleurs tendance. « Nous avons
dépoussiéré ce monde du nœud
papillon », résume la jeune
femme. « Nous pouvons habiller
tous les événements, du mariage à
la communion avec même des
nœuds papillons pour les bébés, et
nous sommes les seuls à faire du
sur-mesure », ajoute-t-elle.

Accessoires
Les deux créateurs lancent rapi-
dement des accessoires et pro-
duits dérivés assortis : pochettes,
bretelles, boutons de manchette
et, depuis trois ans, des caleçons
hommes. Sans oublier les ban-
deaux et bracelets, et bientôt des
culottes pour femmes. L’année
dernière, Le Colonel Moutarde a
vendu 50.000 nœuds papillons.
Son chiffre d’affaires devrait pas-
ser de 2,5 à 2,9 millions d’euros
cette année, avec notamment une
commande de 18.000 pièces pour
les 300 magasins Devred.
La société compte 25 person-
nes, dont quinze couturières qui
fabriquent 250 nœuds papillons
chaque jour. L’atelier, qui était à
l’étroit, a déménagé il y a un an et
demi dans de nouveaux locaux


  • toujours à Lille – passant à
    350 mètres carrés et dotés d’une
    vingtaine de machines. Grâce à
    un process relativement indus-
    trialisé – pour une fabrication qui
    reste artisanale –, le temps de
    fabrication a été réduit par six. La
    marque compte deux autres bou-
    tiques : à Lille, depuis ses débuts,
    et à Lyon, depuis l’année der-
    nière.n


Le Colonel Moutarde


s’agrandit à Londres


Une « fabrique à terre » recyclée à Lyon


Léa Delpont
— Correspondante à Lyon

Elles étaient six à la germination du
projet en 2016, elles sont aujourd’hui
onze entreprises paysagistes de la
région lyonnaise à créer la société
Terres Fertiles, dont l’objet est de
leur fournir de la terre végétale en
mode durable. Ces paysagistes ont
testé et validé une « fabrique à
terre », recyclage de limons issus de
chantiers de travaux publics de la
métropole (excavation de tunnels,
parkings, travaux d’assainisse-
ment). Ces terres de sous-couche de
mauvaise qualité, considérées
comme des déchets de terrasse-
ment, sont parfois réutilisées dans
des remblais mais plus souvent
mises en décharge, pas toujours
contrôlée... « Les mélanger à du com-
post végétal, lui aussi d’origine locale,
permet de les fertiliser », explique
Daniel Lachana, l’un des initiateurs
du projet. La démonstration en a été
faite sur un nouvel espace vert à
Confluence, appelé le « Champ ».

Parc boisé
Le sol stérile de l’ancien marché de
gros a été décapé de ses enrobés et

AUVERGNE-
RHÔNE-ALPES

La société Terres
Fertiles a été lancée
par onze paysagistes.

Ils ont trouvé la recette
d’une terre en circuit
court et en économie
circulaire pour végéta-
liser la ville.

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Et demain Le Sud-Berry,
désert médical

LES NOUVEAUX DÉSERTS FRANÇAIS


SÉRIED’ÉTÉ

Decazeville se cherche un avenir après les mines


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fondations recyclées en granulats
puis recouvert d’une litière de
limons régénérés, répandus sur une
épaisseur de 30 centimètres à un
mètre. D e jeunes a rbres et de la prai-
rie ont prospéré sans difficulté
depuis un an sur ce substrat pro-
gressivement transformé en humus
sous l’action des décomposeurs. Le
test a permis d e végétaliser
5.000 mètres carrés sur les
5 hectares réservés à ce futur parc
boisé de 1.000 arbres.
« L’apport de terre végétale repré-
sente 25 à 30 % du coût de nos chan-
tiers », explique Daniel Lachana.
Avec ses collègues, qui cumulent
200 millions d’euros de chiffre
d’affaires et 1.000 salariés, ils ne
veulent plus dépouiller les terres
agricoles. Il faudrait sacrifier
16 hectares pour créer le Champ
selon les techniques traditionnel-
les d ’aménagement d ’espaces verts,

sachant qu’il faut un siècle pour
produire naturellement 1 centimè-
tre cube de terre fertile. A la place,
le « technosol » du C hamp va a bsor-
ber 47.000 mètres cubes de
déchets. Cette nouvelle ressource
ne reviendra pas moins cher, mais
elle est « plus écologique, dans la
logique de l’économie circulaire et
durable », dit-il.

A la petite plate-forme de Con-
fluence s’ajoute désormais une
deuxième station à Saint-Fons, tou-
jours en partenariat avec la métro-
pole. D’une capacité de 30.000 ton-
nes, e lle sera en mesure de l ivrer s es

premières bennes à la fin de l’année,
avec l’objectif de fournir la totalité
des besoins du Grand Lyon l’an pro-
chain. Pour cela, l’entreprise Terres
Fertiles, associée au collectif Raci-
nes, à qui elle a confié la gestion des
plates-formes de déchets verts et les
mélanges, entend se développer
rapidement à Décines, au plus près
des chantiers de l’Est lyonnais. « Il
faut faire revenir la nature en ville en
trouvant de nouvelles logiques pour
végétaliser », renchérit le président
de la métropole, David Kimelfeld.
Les engagements du plan climat
prévoient la plantation de
300.000 arbres d’ici à 2030 afin de
couvrir un tiers du territoire d’une
canopée rafraîchissante. Ces terres
limoneuses ont un autre avantage
dans la perspective des hausses de
température, elles retiennent énor-
mément l’humidité et requièrent
30 à 40 % d’arrosage en moins.n

Le test a permis de végétaliser 5.000 mètres carrés sur un espace vert du quartier de Confluence. Photo DR

Cette nouvelle terre
ne revient pas moins
cher, mais elle
est plus écologique.

Laurent Marcaillou
—Correspondant à Toulouse


L


e bassin de Decazeville a
les plus forts taux de chô-
mage et de bénéficiaires
des minima sociaux de
l’Aveyron, constate Syl-
via Ricci-Ragueneau. L’association
Chorus 12 qu’elle dirige à Decazeville
propose du travail aux chômeurs,
une mission de plus en plus difficile.
« Les exigences des entreprises se sont
accrues », affirme-t-elle. L’ancien
bassin minier et sidérurgique a
perdu 7.000 emplois en un demi-
siècle. Les plus anciens
regrettent l’époque où il
y avait un bar animé
tous les 50 mètres.
Aujourd’hui, beau-
coup de magasins
ont fermé dans la
rue commerçante
qui vient juste d’être
refaite. L’Hôtel de
France est clos lui aussi.
Un quart des logements
sont vides et beaucoup de maisons
livrées aux herbes folles.
L’ex-Premier ministre Lionel Jos-
pin parlait de « syndrome decaze-
villois » pour désigner les villes
industrielles en déclin. Cette
ancienne cité minière et sidérurgi-
que fut construite à la hâte
entre 1830 et 1860 par le duc Elie
Decazes, qui lui donna son nom
après avoir fondé la Société des
Houillères et Fonderies de l’Aveyron
en 1826. Mais la prospérité ne dura
qu’un siècle. Les mines de charbon,
qui employaient 4.000 mineurs, ont


fermé en 1962, puis la métallurgie
perdit 3.000 emplois entre 1982
et 1988 avec la fin des hauts-four-
neaux, de l’usine de tubes de Vallou-
rec et de la production de zinc. La
dernière mine de houille à ciel
ouvert ferma en 2001.

Maternité fermée
Decazeville est passée de 15.200 à
5.400 habitants entre 1931 et 2016 et
l’agglomération de 45.000 à 15.000!
La saignée continue : la maternité a
fermé en 2017, l’Afpa en 2018 et
l’ hôpital ne doit sa survie qu’au
groupement hospitalier avec
Rodez. « Il faut que l’Etat
arrête de nous mettre des
coups de bambou!
dénonce David Gis-
tau, secrétaire de
l’union CGT de
l’Aveyron. La perte
des services publics
pèse sur l’attractivité
du territoire. » Le taux
de chômage est de 10 %
dans l’agglomération mais
atteint 15 % à Decazeville, où le
revenu médian est inférieur de 14 %
à la moyenne française. « Mais nous
ne perdons plus d’emploi et le pro-
blème des entreprises est plutôt
d’arriver à recruter », affirme le
maire, François Marty (DVD), qui ne
veut plus parler du passé pour don-
ner une image positive de la ville, lui
qui fut responsable du personnel de
l’ex-société métallurgique AUMD.
Les dizaines de millions d’euros
injectés par l’Etat pour la réindus-
trialisation n’ont eu guère d’effet,
selon lui. Pis, « le bassin a dû payer

L’ancien bassin minier et sidérurgi-


que du Nord-Aveyron a perdu


7.000 emplois et plus de la moitié


de ses habitants entre 1950 et 1990.

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