Libération - 01.08.2019

(Barry) #1
PRÉFET DE
LA LOIRE-ATLANTIQUE
Claude d’Harcourt
ABSENT DANS LA SALLE DE
COMMANDEMENT CE SOIR-LÀ
Le préfet, responsable juridiquement de
l’opération, a-t-ilsuivi les opérations
derrière sa radio? Est-il intervenu sur les
ondes pour donner des ordres? uestionsQ
auxquelles les enquêtesdevront répondre.

QUESTIONS AUTOUR D’UNE
CHAÎNE DE COMMANDEMENT
Lors de la Fête de la musique, le 21 juin, à Nantes, le corps
préfectoral n’était pas présent dans la salle de commandement.
La décision d’utiliser la force en pleine nuit au bord d’un fleuve
a-t-elle été validée par le préfet? L’enquête administrative de l’IGPN
ne permet pas pour l’instant de le savoir.

DIRECTEUR DE CABINET
DU PRÉFET
Johann Mougenot
ABSENT DANS LA SALLE DE
COMMANDEMENT CE SOIR-LÀ
C’est lui qui a présidé les réunions
préparatoires pour l’organisation de la
Fête de la musique. A-t-il lui aussi suivi
les opérations, au moins via la liaison
radio?

DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL
DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
Benoît Desferet
N’ÉTAIT PAS ENCORE EN POSTE,
IL DEVAIT REMPLACER SON
PRÉDÉCESSEUR, PARTI LE 2 JUIN
Ce responsable policier est arrivé en poste
après les événements. Son prédécesseur
avait déjà changé d’affectation le soir de
la Fête de la musique.

DIRECTEUR DE LA SÉCURITÉ
PUBLIQUE ADJOINT
Thierry Palermo
À LA TÊTE
DES OPERATIONS
Il est le plus haut gradé présent
dans la salle de commandement au
moment des faits. Il a suivi l’opération
en cause au bord de la Loire et a donné
des ordres.

COMMISSAIRE
DE POLICE
Grégoire Chassaing
EN CHARGE DES OPÉRATIONS
SUR PLACE
Ce policier était responsable ur les
terrain. En contact direct avec la salle de
commandement, il a alors une certaine
liberté de manœuvre mais doit rendre
compte de ses décisions.

AFP

API

AFP

DR

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DOCUMENT LIBÉRATION


niers messages envoyés par le
jeune homme à un ami présent
ce soir-là, bien avant la charge :
«Je suis trop fatigué. J’ai besoin
d’aide [...]. On peut se retrouver
ou quoi.»«Ce n’est pas un mes-
sage alarmant, il lui arrivait
souvent d’écrire “j’ai besoin
d’aide”, c’était un garçon fragile
qui avait besoin d’être entouré»,
rétorque l’avocate de la famille,
Cécile de Oliveira. Ensuite,
l’heure du dernier bornage du
téléphone, retrouvé sur son
corps d’après nos informations :
3h16 le 22 juin, plus d’une heure
avant l’intervention de la police.
Plusieurs raisons expliqueraient
qu’il ne laisse plus de trace : soit
le téléphone est éteint, possible-
ment parce qu’il est tombé dans
l’eau, soit il n’a plus reçu ou émis
de données à partir de cette heu-
re-là. Cécile de Oliveira penche
pour la seconde option:«La dis-
parition est concomitante de l’in-
tervention de police, d’après des
témoignages des personnes qui
ont vu Steve avant sa chute.»
Libération aconnaissance de
deux personnes proches de
Steve Caniço qui déclarent
l’avoir vu peu de temps avant
l’intervention policière, dont un

ami qui a laissé le jeune homme
en train de se reposer sur le quai.
«Jules(1) adit à Steve de ne pas
bouger, qu’il reviendrait après
avoir dit au revoir à des amis»,
rapporte Katell àLibération. La
jeune femme croise Jules dans la
cohue qui suit l’usage de gaz la-
crymo :«Il ne retrouvait plus
Steve, qu’il avait quitté juste
avant la charge.» ontrairementC
à Katell et Jules, Jade n’a pas été
entendue par la police, alors
qu’elle assure avoir donné ses
coordonnées. ALibération, llee
raconte :«J’ai vu Steve, endormi
sur le quai à quatre ou cinq mè-
tres de la Loire. Je l’ai secoué et il
a réagi, je l’ai laissé.» ette scèneC
se déroule«après 4 heures».

Combien de personnes
sont tombées
dans la Loire?
Plus d’un mois après les faits,
aucun responsable n’est en me-
sure d’avancer un chiffre précis.
Dès le début de l’affaire, diffé-
rents chiffres ont été avancés par
les autorités. Dans un premier
temps, les services de police as-
suraient qu’il n’y avait eu que
trois chutes tout au long de la
nuit. Cette première communi-
cation correspond d’ailleurs, à
un télégramme de la «DDSP 44»
(la direction départementale de
la sécurité publique), daté du
jour des faits et rapporté dans le
rapport de l’IGPN qui évoque
trois chutes à«3 h 45, 4 h 25 et
5 h 07». Ce premier point fait
étrangement abstraction des
chutes pendant l’intervention de
la police. Puis, le 24 juin, la pré-
fecture a annoncé que 14 per-
sonnes étaient tombées dans le
fleuve. Dans son rapport, l’IGPN
ne parvient pas à trancher, et es-
time qu’entre«8 et 14 personnes
sont tombées». Une seule certi-
tude pour la police des polices,
trois personnes ont été secou-
rues dans la Loire avant l’inter-
vention. Comme l’avait expliqué
àLibération, n sauveteur, deuxu
personnes ont été secourues
avant l’intervention de la police.
La première s’est jetée à l’eau
«par dépit amoureux». ne autreU
est sûrement remontée sur terre
sans aide. Tandis qu’une troi-
sième est tombée«par inadver-
tance». u moment de la charge,A
le sauveteur explique avoir re-
monté quatre personnes. A ce
moment-là, les secours ont aussi
eu la suspicionqu’un autre fê-
tardse noyait. L’enquête judi-
ciaire devra déterminer s’il
s’agissait bien de Steve Caniço.

Comment se sont
déroulées
les recherches?
Dès leur arrivée ce soir-là en
contrebas du quai Wilson, les
sauveteurs nautiques ont la sus-
picion qu’une personne a dis-
paru dans l’eau.«Notre priorité,
à cet instant, est de récupérer
ceux qu’on voyait à la surface, x-e
plique àLibération ’un des sau-l
veteurs.On a averti les pompiers
sur la crainte d’une personne dis-
parue, mais de nuit, avec cinq ou

six mètres de fond et sans point
de départ précis pour les recher-
ches, c’était pratiquement impos-
sible de le retrouver.» Dans son
rapport, l’IGPN note que«le chef
scaphandrier» es pompiers estd
effectivementprévenu que trois
personnes pourraient être tou-
jours dans l’eau.«Des reconnais-
sances en amont et en aval
étaient engagées», récise la po-p
lice des polices. Deux sont fina-
lement retrouvées. Ces premiè-
res recherches s’arrêtent à l’aube
sur un doute. La justice est aler-
tée de la disparition de Steve Ca-
niço, le 23 juin, au lendemain de
la charge. De nouvelles recher-
ches débutent.«Il y a eu un très
gros travail qui a été fait depuis
le jour où sa disparition a été si-
gnalée, xpliquait àe Libération
Pierre Sennès, le procureur de la
République de Nantes.Plusieurs
patrouilles fluviales ont travaillé
tous les jours, il y a eu des recon-
naissances aériennes avec des hé-
licoptères de la gendarmerie et
un avion de la police aux frontiè-
res, entre Nantes et l’embouchure
de la Loire, ainsi que des pa-
trouilles pédestres sur les bords
du fleuve.» Un navire équipé
d’un sonar a aussi été demandé
après un mois de recherches in-
fructueuses. Le corps de Steve
Caniço a finalement été retrouvé
fortuitement par le pilote d’une
navette fluviale.

Pourquoi une partie
du quai Wilson n’était
pas barriérée?
Dans son rapport, l’IGPN pointe
un défaut de sécurisation des
abords de la Loire dû à une dé-
faillance des autorités municipa-
les. De façon claire, il est écrit :
«La ville n’avait mandaté que
deux agents d’une société privée
de sécurité afin d’empêcher la
foule attirée par les sound sys-
tems de tomber dans le fleuve
proche, alors même qu’ils étaient
censés placer ces systèmes le long
du quai Wilson. Elle a fait posi-
tionner des barriérages le long
d’une partie seulement du quai
Wilson, alors que les sound sys-
tems ont été installés jusqu’au
bout du quai (en direction du
pont des Trois Continents) ce qui
a généré un risque pour le pu-
blic.» es mots sont lourds. Con-L
tacté parLibérationmercredi, le
maire adjoint à la sécurité, Gilles
Nicolas, semblait agacé:«Quand
il y a mort d’homme, il faut être
précis, or j’ai le sentiment que
dans ce rapport on procède par
approximations.Premièrement,
la mairie n’a délivré aucune auto-
risation quant à l’installation des
sound systems, qui s’implantent
historiquement au quai Wilson et
sans barriérage. Deuxièmement,
le quai Wilson étant une pro-
priété du port autonome (et donc
de l’Etat), sa sécurisation relève
des pouvoirs de police u préfet.d
Et, enfin, nos agents de sécurité
étaient là pour assurer la liaison
avec le poste de secours itué, lui,s
sur un terrain communal.»•

(1) Le prénom a été modifié.

Libération Jeudi 1 erAoût 2019 http://www.liberation.fr f acebook.com/liberation f t @libe u 11

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