Libération - 01.08.2019

(Barry) #1

FRANCE


Jean-François Bohnert, alors procureur à la cour d’appel de Reims, en janvier 2016.PHOTO FRANÇOIS. NASCIMBENI. AFP

Jean-François Bohnert, ouveaun


sire du Parquet national financier


Le procureur général
de Reims a été
proposé pour
prendre la tête
de l’institution
créée après l’affaire
Cahuzac. Sauf
surprise, le magistrat
soutenu par l’Elysée
devrait succéder
à Eliane Houlette.

L


e Parquet national fi-
nancier (PNF) devrait
avoir un nouveau vi-
sage à la rentrée. Jean-Fran-
çois Bohnert, 58 ans, vient
d’être proposé par la chan-
cellerie pour prendre la tête
de la prestigieuse institu-
tion, créée en 2013 dans la
foulée du scandale Cahuzac
afin de traquer la grande dé-
linquance en col blanc. Si le
Conseil supérieur de la
magistrature délivre un avis
conforme à l’issue de son
grand oral, le magistrat
pourrait donc prendre
le poste dès septembre,
mettant fin à deux mois
d’intérim.
Actuellement procureur gé-
néral de Reims après être
passé par Dijon, Bourges et
Rouen, Bohnert est moins
connu pour son expérience
en matière économique et fi-
nancière que pour son
prisme international, un
atout jugé tout aussi impor-
tant pour la fonction, au
moins trois quarts des enquê-
tes menées par le PNF ayant
des ramifications à l’étranger.
Parfaitement trilingue, l’Alsa-
cien a été magistrat de liaison
en Allemagnetrois ans avant
de devenir numéro 2 d’Euro-
just, l’agence européenne
chargée de renforcer la coo-
pération judiciaire entre les
Etats membres. Un profil qui
lui a permis d’être le candidat
officiel de la France pour
prendre la tête du nouveau
parquet européen, qui pourra
bientôt diligenter des enquê-
tes sur les atteintes aux inté-
rêts économiques de l’Union.

Parmi la vingtaine de préten-
dants recalés, le procureur
général de Bastia, Franck
Rastoul, la directrice du Ser-
vice national des douanes ju-
diciaires, Nathalie Bécache,
ou encore Anne Kostomaroff,
actuellement à la tête de
l’Agence de gestion et de re-
couvrement des avoirs saisis
et confisqués (Agrasc). Egale-
ment évincé, Bruno Dalles,
l’ancien patron de Tracfin, le
service de renseignement de
Bercy, auquel l’Elysée aurait
d’emblée barré la route mal-
gré sa compétence unanime-
ment reconnue.
La suspicion d’une nomina-
tion politique à ce poste clé

apparaît aujourd’hui d’autant
plus vive que l’arrivée de
Rémy Heitz à la tête du très
sensible parquet de Paris, en
novembre, avait déjà suscité
de nombreuses critiques au
sein de la magistrature, no-
tamment en raison de l’acti-
visme de l’Elysée dans le pro-
cessus de désignation.

Bilan flatteur.En quittant
son poste fin juin, Eliane
Houlette a reconnu que le
PNF avait longtemps été
perçu comme un«parquet
politique», out en affirmantt
avoir donné des gages de son
indépendance en dépit des
pressions.«Au départ, per-

sonne n’y croyait»,confiait-
elle alors en vantant son bi-
lan flatteur. Parmi les dos-
siers les plus emblématiques
traités par l’institution, l’af-
faire Fillon, contre qui le par-
quet a requis un renvoi en
correctionnelle pour«détour-
nement de fonds publics»,
«abus de biens sociaux» et
«escroquerie aggravée», uo
l’enquête sur la banque UBS,
qui s’est soldée par une
amende record de 3,7 mil-
liards d’euros.
Difficile de nier qu’en
cinq ans le PNF a réussi à
s’imposer comme un élé-
ment central du paysage ju-
diciaire français. Mais les

chantiers restent nombreux
pour le successeur d’Eliane
Houlette, qui devra notam-
ment étoffer ses effectifs et
développer des relations avec
certains pays aujourd’hui
peu coopératifs, comme la
Chine ou l’Inde. Jean-Fran-
çois Bohnert aura aussi en
charge plusieurs dossiers ju-
diciaires politiquement sen-
sibles, comme le volet russe
de l’affaire Benalla ou l’en-
quête sur Alexis Kohler, le se-
crétaire général de l’Elysée,
soupçonné de prise illégale
d’intérêts. Autant de dossiers
qui permettront de jauger
l’indépendance du nouveau
procureur financier.•

Mais après des mois de bras
de fer, Jean-François Bohnert
a finalement dû jeter l’éponge
face à sa rivale roumaine, la
magistrate anticorruption
Laura Codruta Kövesi.

«Surréaliste».Une issue
qui donne à sa nomination
probable au PNF un air de
«lot de consolation», xpres-e
sion qui revient régulière-
ment dans la bouche des té-
moins interrogés.«Le recaser
en le nommant à un des plus
beaux postes de la magistra-
ture a quelque chose d’assez
surréaliste, aille un procu-r
reur.D’autant que les candi-
datures étaient nombreuses.»

Par
EMMANUEL
FANSTEN

«En Europe, la France fait partie des pays
les plus menacés par lasubmersion marine»
Le littoral français bientôt sous l’eau? elon le ministère de laS
Transition écologique, 1,4 million de résidents, 850000 emplois, 165000 bâti-
ments et 864 communes sont menacés aujourd’hui par la ubmersion marine,s
tandis qu’un quart des côtes métropolitaines est affecté par l’érosion. Sous l’effet,
notamment, de l’élévation du niveau de la mer, ces chiffres devraient encore gon-
fler dans les décennies à venir, explique un rapport du think tank la Fabrique éco-
logique. A lire dans lachronique «le Fil vert».PHOTO AFP

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