Libération - 01.08.2019

(Barry) #1

A


u bord de la route de Grave-
lines, Céleste accélère. Sa
grande silhouette file le long
de maisons aux volets encore fer-
més. Il s’éloigne de la zone indus-
trielle des Dunes où il dormait avec
REPORTAGE des dizaines d’autres personnes,

Par
SHEERAZAD
CHEKAIK-CHAILA
Envoyée spéciale à Calais
PhotosAIMÉE THIRION

Migrants A Calais, «la police

détruit tout et on revient»

Trois ans après le démantèlement


de la «jungle», 500 à 600 réfugiés


du Calaisis tentent d’échapper


aux expulsions quotidiennes


de leurs campements de fortune.


toutes exilées. Un sac plastique
dans une main, un autre sur le dos,
Céleste jette des regards craintifs
derrière lui: La police arrive!»« Une
berline bleue, gyrophare éteint sur
le tableau de bord, vient de faire
une première ronde, à une rue d’ici.
Nous sommes un mardi de juillet.
Il est bientôt 7 heures. A peine évo-
que-t-on la situation avec Francis,
89 ans, qu’il s’emporte:«Vingt ans
que ça dure!» e riverain, installé iciL
depuis soixante-dix ans, recrache

ses souvenirs d’une époque où les
migrants étaient vingt fois plus
nombreux à Calais qu’aujourd’hui.
La plupart de ses réminiscences
datent de 2016, jusqu’au moment de
l’évacuation de la «jungle». Ce lieu,
hors du temps et des frontières,
avait accueilli jusqu’à 10000 per-
sonnes –enfants, adolescents, hom-
mes et femmes en exil – fuyant
guerres et misère. L’immense bi-
donville cosmopolite avait été vidé
en une semaine en octobre 2016,

FRANCE


Démantèlement du camp
des Verrotières, à Calais,
le 9 juillet.

16 u ibération L Jeudi^1


erAoût 2019
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