Libération - 01.08.2019

(Barry) #1

inspirée duBaiser 1859), tableau de Francesco Hayez.(


«


S


arah Durocher, animatrice au
Planning familial du Loiret et
membre du bureau national,
considère que la pilule du lende-
main, la contraception et l’éduca-
tion à la sexualité devraient faire
l’objet de davantage de campagnes
d’information pour permettre aux
femmes le«libre choix»de leurs
moyens de contraception.
Dans votre quotidien d’écou-
tante, constatez-vous vous aussi
des difficultés d’ac-
cès à la contracep-
tion d’urgence?
Clairement. J’ai en
tête des exemples de
jeunes femmes mi-
neures à qui on a de-
mandé, à la pharma-
cie, de fournir une
pièce d’identité ou
une carte Vitale, ou
qui ont dû payer, alors
qu’il suffit de déclarer que l’on est
mineure pour se faire délivrer la pi-
lule du lendemain gratuitement.
Sans parler des discours moralisa-
teurs ou alarmistes mettant l’accent
sur de prétendus dangers pour la
santé, alors que le risque de gros-
sesse non désirée est un risque à
part entière.
Il est donc urgent de renforcer la
formation des professionnels, et les
conditions de délivrance de la
contraception d’urgence, dans l’in-
térêt des femmes. Pourquoi, par
exemple, ne pas acter dans les tex-
tes la possibilité de donner gratuite-
ment une contraception d’urgence
à un garçon mineur qui viendrait
pour sa copine, si celle-ci ne peut
pas faire le nécessaire? On sait que
cela se fait parfois de manière infor-
melle, ce qui permet à la fois d’im-
pliquer les garçons dans ces ques-
tions et de réduire le risque de
grossesse non désirée. Ou mettre en
place un label saluant les bonnes
pratiques des officines, qui per-
mette aux femmes de savoir qu’elles
y seront reçues en toute sécurité?
La pilule du lendemain est-elle
la seule à être ainsi stigmatisée?
Non. De manière générale, plus ou
moins tous les moyens de contra-
ception font encore l’objet de bien
des mythes, qui persistent depuis le
début: beaucoup de femmes nous
questionnent sur leur efficacité, ou
évoquent leur peur d’être stériles ou

de mettre leur corps en danger...
Entre les lignes, on voit qu’elles sont
parfois un peu perdues parmi une
profusion d’informations, disponi-
bles via Internet et les réseaux
sociaux (1). Or on sait que les mou-
vements anti-choix y sont très pré-
sents. Leurs chevaux de bataille et
leurs moyens d’action ont évolué:
ils ne s’enchaînent plus aux grilles
des cliniques pour empêcher les
femmes d’avorter, mais ils s’appro-
prient de plus en plus le vocabulaire
du combat des femmes à disposer
de leur corps pour diffuser des in-
formations erronées, et de plus en
plus souvent sur la contraception.
Par exemple, que se faire poser un
stérilet équivaudrait à un mini-
avortement chaque mois, ce qui
n’est évidemment pas le cas.
En creux, que révèle la persis-
tance de ces préjugés et autres
discours moralisa-
teurs?
Ceux qui s’opposent au
libre choix des femmes
et brandissent l’épou-
vantail de la stérilité
semblent entretenir
une volonté de les
maintenir obstiné-
ment dans le rôle
social qu’ils leur pen-
sent attribué: celui de
faire des bébés. Notre rôle à nous est
de leur donner toutes les clés pour
choisir librement et de manière
éclairée, car nombreuses sont celles
à qui on ne propose pas toutes les
options. Mais cela ne vient pas
forcément d’une volonté de contrô-
ler leur corps: les médecins man-
quent parfois de temps, ou alors les
femmes peuvent être confrontées à
des déserts médicaux.
Or, en France, on médicalise beau-
coup la contraception, et elle est
souvent cantonnée aux gynécolo-
gues, alors qu’ils ne sont pas les
seuls à pouvoir la prescrire. De la
même manière que quand on a une
bronchite, on ne va pas forcément
consulter un pneumologue, pour la
pilule ou un stérilet on peut aussi
s’adresser aux centres de planifica-
tion familiale ou aux sages-femmes.
Comment améliorer cette
situation?
Il est essentiel de comprendre que
l’éducation à la sexualité ne doit pas
s’arrêter au collège. Elle doit se
poursuivre tout au long de la vie, et
pourquoi pas faire l’objet de davan-
tage de campagnes d’information
menées par Santé publique France,
ou encore le ministère de la Santé.
Recueilli par
VIRGINIE BALLET

(1) Quelques sources fiables :
https://www.choisirsacontraception.fr
et https://www.planning-familial.org/fr

INTERVIEW


DR

«Il faut renforcer


la formation des


professionnels»


L’animatrice au
Planning familial Sarah
Durocher préconise
une amélioration
des dispositifs
d’information
des femmes, parfois
perdues parmi les intox.

Libération Jeudi 1 erAoût 2019 http://www.liberation.fr f acebook.com/liberation f t @libe u 3

Free download pdf