Libération - 01.08.2019

(Barry) #1

MONDE


Rassemblement mercredi à Hongkong devant un tribunal en soutien aux manifestants inculpés pour «émeutes».PHOTO VINCENT YU. AP

A Hongkong, «jour après jour,


nous perdons nos libertés»


Devant le refus
total de dialogue
du gouvernement,
le mouvement de
protestation se mue
en un face-à-face de
plus en plus violent
entre manifestants
et policiers.

«S


oudain, les poli-
ciers ont demandé
aux manifestants
de partir, les poussant violem-
ment, les frappant à coups de
matraque,raconte Matthew,
30 ans, secouriste bénévole
joint par téléphone à Hong-
kong.Je suis venu en aide à

bloquée. Depuis deux mois,
des centaines de milliers de
personnes défilent chaque
week-end pour réclamer le
retrait formel d’un projet de
loi qui permettrait l’extradi-
tion des Hongkongais vers la
Chine continentale et les
mettrait à la merci des mé-
thodes autoritaires du Parti
communiste chinois. Face à
eux, Carrie Lam, la cheffe de
l’exécutif prochinois, s’obs-
tine à promettre que le projet
de loi est«mort»sans le reti-
rer formellement.
«Nous sommes
face à une ab-
sence totale de
dialogue à tous
les échelons of-
ficiels,explique
la journaliste et
écrivaine hong-
kongaise Ilaria
Maria Sala.En pra-

tique, la seule représentante
du gouvernement est désor-
mais la police. Or celle-ci a de
plus en plus recours à la vio-
lence, et de plus en plus rapi-
dement. En 2014, lors du
mouvement des parapluies, la
population avait été choquée
lorsque la police avait utilisé
des gaz lacrymogènes. Désor-
mais, c’est presque tous les
jours, avec des tirs de balles en
caoutchouc et de “bean bags”
[des sachets de billes de plas-
tique qui sont projetées dans
toutes les directions, ndlr].»
Des camions à eau
antiémeutes, de
fabrication fran-
çaise, qui ne de-
vaient être mis
en service qu’en
novembre, ont
même été osten-
siblement testés
cette semaine.

Face au silence entêté de
Carrie Lam, qui ne donne des
conférences de presse que
pour dénoncer les déborde-
ments des manifestants et
annule les apparitions publi-
ques où elle devrait répondre
aux journalistes, les prodé-
mocrates font eux aussi mon-
ter la pression affichages:
sauvages, happening géant
dans l’aéroport international
vendredi, rassemblements
interdits tout le week-end,
blocage du métro, jet de pein-
ture et d’œufs sur le bureau
de liaison avec Pékin, et
confrontations systémati-
ques avec la police. Une
grande manifestation de
fonctionnaires est même pré-
vue pour vendredi, et un ap-
pel à la grève générale a été
lancé pour le 5 août.
«On commence à s’inquiéter
de l’indépendance de la jus-

tice,reprend Ilaria Maria Sala.
Les magistrats ont désormais
recours à de vieilles lois colo-
niales qui n’avaient même pas
été utilisées par les Britanni-
ques. Elles leur permettent de
menacer des manifestants
avec des peines hors de pro-
portion, jusqu’à dix ans de
prison pour “émeutes”, alors
que des vidéos prouvent qu’ils
n’ont absolument rien fait,
même pas menacé un policier
avec un parapluie.»
Parallèlement, il n’y a eu que
douze personnes arrêtées
pour«rassemblement illégal»
à la suite de l’attaque d’un
métro du district de Yuen
Long par des centaines
d’hommes de main des tria-
des, la semaine dernière, qui
ont blessé 45 personnes, dont
5 gravement. Et selon deux
témoignages directs re-
cueillis parLibé,la police n’a
pas bougé quand des feux
d’artifice ont été lancés urs
des manifestants mardi soir
dans la ville de Tin Shui Wai
depuis une voiture portant de
fausses plaques d’immatricu-
lation. Un nouvel incident
choquant qui a blessé une di-
zaine de personnes et ren-
forcé l’idée d’une connivence
entre police et voyous.Carrie
Lam s’est également rendue
au chevet de policiers blessés
mais n’a fait aucun geste pour
les passagers du métro tabas-
sés à coups de bâtons et de
barres de fer.

Triades.Pendant ce temps,
Pékin reste plutôt mesuré.
Un porte-parole du gouver-
nement central chinois s’est
contenté dans une confé-
rence de presse, lundi, de
rappeler son«soutien total»
au gouvernement et à la po-
lice de Hongkong, et d’appe-
ler à«punir rapidement» esl
coupables. Tous les regards
sont tournés vers Beidaihe,
une plage à 300 kilomètres
de Pékin où se réunissent
chaque mois d’août les caci-
ques du Parti communiste,
président compris, et où cette
épineuse«crise de juillet» e-d
vrait être débattue. Car
Hongkong se trouve dans
une impasse dangereuse,
avec un gouvernement buté
qui refuse d’ouvrir une en-
quête indépendante sur les
violences policières et des
jeunes qui partent manifester
en disant«ne plus rien avoir
à perdre». n mort d’un côtéU
ou de l’autre pourrait faire ex-
ploser le statu quo.•

une vingtaine de personnes.
Certaines avaient été frap-
pées au visage, la plupart ont
reçu du gaz au poivre dans les
yeux.» ardi soir, des centai-M
nes de manifestants s’étaient
rassemblés malgré un vent
violent devant le commissa-
riat de Kwai Chung, à Hong-
kong, pour protester contre
l’inculpation pour«émeutes»
de 44 personnes arrêtées
après la manifestation de di-
manche.«Elles n’ont rien fait
d’autre que manifester, et el-
les encourent jusqu’à dix ans
de prison. Jour après jour,
nous perdons nos libertés»,
s’insurge le jeune vétérinaire.

Jets d’œufs.Au fil de l’été,
le territoire chinois semi-
autonome de 7,4 millions
d’habitants s’est transformé
en une cocotte-minute dont
la soupape de sécurité serait

Par
VALENTIN CEBRON
etLAURENCE
DEFRANOUX

Israël les «héros»:
douteux d’unesordide
affaire de viol à Chypre
Les scènes de liesse accompagnant le retour d’un
groupe d’ados israéliens blanchis dans une affaire
de viol en réunion à Chypreont secoué le pays,
alors qu’un débat autour de la «masculinité toxi-
que» et la «culture du viol» venait de s’y ouvrir.
PHOTO AFP

Mer de Chineméridionale

Mer de Chineorientale

Pékin

CHINE

Hongkong TAIWAN

300 km

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8 u ibération L Jeudi^1


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