Les Echos - 01.08.2019

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Les Echos Jeudi 1er août 2019 ENTREPRISES// 15


res est de plus en plus présent.
François Pinault avait lui i nvesti
1,2 milliard de dollars en 1998
pour Christie’s. Mais quelques
jours après l’annonce de Drahi,
le « New York Post » évoquait
deux contre-offres en prépara-
tion, l’une de trois riches new-
yorkais amateurs d’art, dont le
PDG de Blackstone, l’autre
venant du hong-kongais Tai-
kang Asset Management, pre-
mier actionnaire de Sotheby’s,
avec 17 %. Cela n’a pas encore
été confirmé.
Sotheby’s ne fait pas seule-
ment l’actualité dans les cou-
loirs de la Bourse. Elle se passe-
rait bien sans doute d’occuper
la rubrique judiciaire. Le
25 juin, la famille du milliar-
daire russe Dmitri Rybolovlev a
obtenu une victoire procédu-
rale contre la maison de vente.
Les tribunaux new-yorkais ont
été déclarés compétents pour
juger la demande de domma-
ges et i ntérêts du Russe à l’égard
de la maison de vente.

Une affaire gênante
Dmitri Rybolovlev accuse
Sotheby’s d’avoir aidé la fraude
qu’il soupçonne son ex-con-
seiller en art Yves Bouvier
d’avoir commise à son encon-
tre. Elle est évaluée en centaines
de millions d’euros. Au lieu
d’agir en intermédiaire, le mar-
chand négociait à la baisse les
œuvres pour son compte avant
de les revendre à l’homme
d’affaires russe avec une solide
plus-value.
Nombre de ces pièces ont été
achetées de gré à gré via Samuel
Valette, vice-président des ven-
tes privées de Sotheby’s. Les
échanges de courriels entre ce
dernier et Yves Bouvier, rendus
publics, révèlent la proximité
des deux hommes. Samuel
Valette, dont le marchand suisse
possède la signature électroni-
que sur une clef USB, lui a égale-
ment fourni divers justificatifs
de nature à convaincre Dmitri
Rybolovlev de payer le prix fort.
A contrario, il a omis de men-
tionner à plusieurs reprises
dans l’historique des œuvres
qu’Yves Bouvier avait été le pro-
priétaire éphémère de plusieurs
d’entre elles. Ce dernier riposte
de son côté en multipliant les
plaintes contre le Russe, qu’il
accuse de l’avoir ruiné.
Ce contentieux pourrait se
solder par un arrangement
avec Sotheby’s, afin d’éviter de
faire des vagues. Cela a été le cas
pour les vendeurs du Salvator
Mundi qui, mis en relation par
Samuel Valette, l’avaient cédé
en 2013 pour 80 millions de dol-
lars à Yves Bouvier, lequel l’avait
revendu quelques heures plus
tard 127,5 millions à Dmitri
Rybolovlev.n

Martine Robert
@martiRD

Sotheby’s vient de publier à New
York des résultats semestriels
en léger repli : ses ventes conso-
lidées (enchères, gré à gré...) ont
reculé de 10 %, à 3,1 milliards de
dollars, sur les six premiers
mois de 2019 comparées à la
même période l’an dernier. Le
chiffre d’affaires, correspon-
dant aux commissions sur ces
transactions, progresse en
revanche de 456 à 469 millions,
signe que la concurrence avec
Christie’s , qui affectent les mar-
ges, s’e st un peu calmée. Le
résultat d’exploitation reste sta-
ble, à 91 millions, le bénéfice net
baisse de 2 %, à 50 millions.
Enfin, Sotheby’s confirme son
leadership sur l’Asie, totalisant
495 millions de dollars de
ventes à Hong Kong.

Une offre à 3,7 milliards
de dollars
C’est probablement l’une des
dernières fois que la plus vieille
société cotée à Wall Street – elle
a 275 ans – remplit ses obliga-
tions de transparence dans cet
univers très opaque du marché
de l’art, fournissant de précieux
éléments à sa rivale Christie’s ,
détenue par A rtemis, l e holding
de la famille Pinault. Si tout se
passe comme il l’a prévu, c’est
Patrick Drahi, un autre milliar-
daire, qui se retrouvera à la tête
de la maison américaine. Le
fondateur du groupe Altice de
télécommunications (SFR...) et
médias (BFM...) a fait une offre
mi-juin, via son holding Bid-
Fair, de 3,7 milliards de dollars
sur Sotheby’s. Celle-ci propose
57 dollars par action, soit une
prime de 61 % par rapport au
cours précédant l’annonce de
l’accord. C’est le prix à payer
pour faire partie d’un duopole
indétrônable à l’échelle mon-
diale et se faire un nom aux
Etats-Unis, où l’homme d’affai-

MARCHÉ
DE L’ART

Patrick Drahi
devrait acquérir
la maison de vente
américaine d’ici à
la fin 2019, mais des
contre-offres pour-
raient être lancées.

Le milliardaire
russe Rybolovlev
accuse Sotheby’s
d’avoir facilité les
plus-values réalisées
par le marchand
suisse Yves Bouvier,
à son détriment.

Sotheby’s : des


résultats stables


dans un contexte


très instable


Engie se renforce dans l’électrification
des lignes ferroviaires

ÉNERGIE Engie a annoncé l’acquisition de Powerlines, une
société autrichienne spécialisée dans l’électrification des trans-
ports publics (trains, trams, métros, etc.). Le montant de l’opéra-
tion n’a pas été dévoilé. Powerlines réalise l’essentiel de son acti-
vité en Allemagne, au Royaume-Uni, en Scandinavie et en
Autriche. Son chiffre d’affaires est d’environ 300 millions
d’euros. Non cotée, l’entreprise emploie un millier de salariés.
Avec cette acquisition, Ineo, filiale à 100 % d’Engie, se renforce de
façon significative dans un métier où il est déjà présent, avec un
chiffre d’affaires de 68 millions d’euros. « Avec Powerlines, Engie
crée une plate-forme internationale pour des projets d’infrastruc-
tures de transport e t peut offrir des solutions clefs en main ( finance-
ment, conception, intégration, maintenance) », a déclaré dans un
communiqué Wilfrid Petrie, directeur général adjoint d’Engie.

à suivre


Myriam Chauvot
[email protected]


La croissance du trafic aérien et le
dynamisme du BTP portent Vinci.
Ils se sont traduits au premier
semestre par une forte croissance de
son chiffre d’affaires (+10 % sur un
an, à 21,7 milliards d’euros) comme
de son résultat net (+4,5 %, à 1,4 mil-
liard). « Sur les 2 milliards de chiffre
d’affaires supplémentaires réalisés
sur le semestre, la croissance interne
explique 1,2 milliard, le solde étant dû
à des acquisitions (dont une vingtaine
chez Vinci Energie) et à de nouvelles
concessions d’aéroports », résume le
directeur financier du groupe,
Christian Labeyrie. Ces bons résul-
tats n’empêchent pas les incertitu-
des sur certains fronts. En outre, les
comptes recelaient une surprise : ils
ont révélé une dégradation de la ren-
tabilité de l’ensemble du pôle BTP,
essentiellement affecté par la
contre-performance de sa branche
Vinci Construction.


Paradoxe
C’est le paradoxe du pôle BTP. La
conjoncture est porteuse. Le groupe
a engrangé 21 milliards d’euros de
commandes sur le semestre et son
chiffre d’affaires a augmenté de
6,5 % sur un an, en base compara-
ble. Pourtant, sa rentabilité opéra-
tionnelle s’est érodée. La faute à une
sous-activité dans les travaux pétro-
liers e t à « des difficultés sur plusieurs
chantiers en France », reconnaît le
PDG de Vinci, Xavier Huillard, sans
dévoiler lesquels. La marge de Vinci
Construction est tombée de ce fait à
0,9%, soit moitié moins qu’en juin



  1. « Un chantier n e se passe jamais
    exactement comme prévu. Rediscu-
    ter en cours de contrat prend


BTP


La croissance
du trafic porte
les concessions aéro-
portuaires de Vinci.


Son carnet de com-
mandes est à un niveau
record dans le BTP.


Cet i ngénieur diplômé de
l’Ecole nationale supérieure
d’électronique de Bordeaux a fait
toute sa carrière chez Schlumber-
ger, où il est entré en 1987. Il avait
été nommé directeur des opéra-
tions en début d’année, signe qu’il
était le favori pour piloter une
entreprise comptant plus de
100.000 salariés dans 185 pays. Oli-
vier Le Peuch prend les rênes de
Schlumberger alors que le secteur
parapétrolier retrouve son souffle
après les dures années de crise qui
ont suivi l’effondrement des cours
du pétrole en 2014. En 2015, la
firme franco-américaine avait
annoncé 20.000 suppressions de
postes pour faire face à la contrac-
tion des commandes des grandes
compagnies pétrolières, soucieu-
ses de préserver leurs bénéfices.
Le groupe a renoué avec la
croissance en 2017 et 2018, mais
il doit négocier u n nouveau tour-
nant délicat. Les investissements
ralentissent dans le gaz et le
pétrole de schiste aux Etats-
Unis, les opérateurs cherchant à
équilibrer leurs comptes après
avoir lourdement investi ces der-
nières années, le tout dans un
contexte de forte volatilité des
cours : Schlumberger prévoit un
recul des dépenses de ses clients
américains dans ce domaine, de

10 % cette année. « Nous antici-
pons que les perspectives pour
l’Amérique du Nord demeureront
difficiles », a prévenu Olivier
Le Peuch il y a quinze jours, lors
de la présentation des résultats
semestriels.

Reprise des projets en mer
Le nouveau dirigeant pourra heu-
reusement compter sur une crois-
sance de 7 à 8 % dans le reste du
monde prévue pour 2019, portée
par la reprise des investissements
en mer. La demande de services
parapétroliers pour les projets
pétroliers et gaziers offshore devrait
progresser de 45 % d’ici à 2025, pré-
voit Rystad Energy. En attendant, le
chiffre d’affaires de Schlumberger a
stagné au deuxième trimestre, à
8,3 milliards de dollars.
Le retour aux années fastes n’est
pas en vue. « Les sociétés de servi-
ces parapétroliers ne pourront plus
générer les marges élevées qu’elles
affichaient en 2014 », prévenait
Standard & Poor’s au printemps
dernier, dégradant la note de
Schlumberger. Les capacités excé-
dentaires pèsent sur les prix et les
compagnies pétrolières maintien-
nent une discipline de fer sur leurs
dépenses afin de maximiser leurs
bénéfices e t leurs dividendes, a na-
lyse l’agence de notation.

Vincent Collen
@VincentCollen


Schlumberger est encore officiel-
lement basé à Paris, où se situe son
siège juridique, mais les centres de
décision du numéro un mondial
des services parapétroliers sont
essentiellement aux Etats-Unis.
C’est pourtant un Français que le
groupe a choisi comme nouveau
patron : Olivier Le Peuch, 55 ans,
devient directeur général à partir
de ce jeudi. Il succède au Norvé-
gien Paal Kibsgaard, qui dirigeait
le groupe depuis huit ans.


ÉNERGIE


Le Français Olivier
Le Peuch devient
directeur général
du groupe de services
parapétroliers franco-
américain ce jeudi.


L’entreprise a renoué
avec la croissance
après les années
de crise, mais il doit
faire face au recul
des investissements
aux Etats-Unis.


aujourd’hui davantage de temps du
fait d’une tendance générale à des
relations plus tendues avec les clients,
constate le dirigeant. Cela amène à
comptabiliser immédiatement les
dépenses avec un décalage dans le
temps des recettes c orrespondantes. »
Dans la catégorie des chantiers à
aléas figure celui sur lequel Vinci a
été épinglé, en mars 2019, pour un
écoulement d’eau c hargé de s able et
de résidus d e ciment dans l a Seine, à
Nanterre (Hauts-de-Seine). « Le
patron du chantier a été auditionné
par le conseil régional il y a un mois,
ce n’était que quelques mètres cubes
d’eau grisâtre avec des résidus de
ciment sans pouvoir de cohésion, et
pas plusieurs centaines de mètres
cubes de béton, comme des médias
l’ont rapporté! » s ouligne le
PDG. « Ce chantier, où un diagnostic
environnemental sera rendu fin août
avant d es mesures de restauration du
site, est sans lien avec l’érosion de la
marge », poursuit-il. Celle-ci est due
à un problème diffus sur une partie

des 300.000 contrats signés par an.
Le groupe prévoit de redresser la
barre et « sur l’année, Vinci cons-
truction aura une marge opération-
nelle proche des 2,8 % de 2018 »,
assure Xavier Huillard.

Manque de bitume
D’autres incertitudes planent,
comme le manque de bitume
observé cet été. « C’est la deuxième
année de pénurie de bitume en
période de pic d’activité des travaux
routiers », déplore Pierre Anjolras,
président d’Eurovia, la filiale rou-
tière de Vinci. Il reste peu de raffine-
ries en France et plusieurs ont eu
des problèmes de maintenance et
d’approvisionnement. « Il y a eu
quelques chantiers bloqués sans,
pour l’heure, de pénurie générale. Il
est difficile de prédire la suite. Nous
ferons tout pour ne pas être pénalisés
à l’automne », poursuit-il.
De son côté, l’activité du pôle
concessions s’envole et intègre
notamment, depuis mai, l’aéroport

londonien de Gatwick. Mais ce pôle
aussi, a son lot d’inconnues. Vinci
est-il encore candidat au rachat
d’ADP? « Nous verrons en fonction
de ce que le gouvernement décidera à
l’issue de l’actuel sujet de référendum
d’initiative populaire », répond
Xavier Huillard. Par ailleurs, le nou-
veau maire de Lima (Pérou) vient
d’annoncer son intention de résilier
la concession du périphérique l ocal,
détenue par Lamsac, que Vinci a
racheté en 2016 à une valeur d’entre-
prise de 1,5 milliard d’euros. « C’est
ce qu’il a déclaré. Pour l’heure nous
n’en savons pas plus », remarque le
PDG. En cas de litige, le contrat de
concession prévoit un arbitrage
international à Paris.
« Contrairement à ce que certains
disent, les concessions ne sont pas un
long fleuve tranquille », observe le
patron de Vinci. Mais elles affichent
un bénéfice opérationnel de 1,8 mil-
liard sur le semestre, en hausse de
12 % en un an, quand celui du BTP
recule de 1 %, à 432 millions.n

Vinci : croissance record malgré


des tensions dans le BTP


Un Français à la tête de Schlumberger,


le premier parapétrolier mondial


Un indicateur montre à quel
point les compagnies pétrolières
ont amélioré leur efficacité
depuis la chute des cours du
brut : alors que la production
américaine de pétrole ne cesse de
battre des records, le nombre de
puits en activité est inférieur « à
peu près de moitié » à ce qu’il était
en 2014, relève Standard & Poor’s.
Ce n’est pas une bonne nouvelle
pour les fournisseurs de ces com-
pagnies, dont Schlumberger fait
partie.n

Il a dit


« Nous anticipons
que les perspectives
pour l’Amérique
du Nord
demeureront
difficiles. »
OLIVIER LE PEUCH
Directeur général
de Schlumberger
Photo Vincent Colin/Schlumberger

Vinci, qui a racheté 50,01 % de l’aéroport londonien de Gatwick, l’a intégré à son portefeuille
de concessions en mai et devient ainsi le deuxième acteur aéroportuaire mondial, avec 249 millions
de passagers par an. Photo Shutterstock
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