Les Echos - 01.08.2019

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Les Echos Jeudi 1er août 2019 PME & REGIONS// 19


ments de la vie courante, soit un
temps d’accès trois fois plus élevé que
le seuil national qualifiant cet éloigne-
ment. » L’Ardèche est le neuvième
département métropolitain où les
disparités d’accessibilité sont les
plus marquées.
Pour tenter d’enrayer cette spirale
négative, des élus locaux se sont
mobilisés pour le maintien d’une
agence postale communale et la
création d’une maison de services
au public, logées dans les mêmes
locaux que la mairie à Lachamp-Ra-
phaël. La secrétaire de mairie fait
tourner ces trois structures. Elle a
été formée pour aider les habitants à
effectuer des démarches pour des
organismes comme la CPAM, Pôle

emploi, la Mission locale..., pour
remplir un dossier de retraite, une
demande de carte grise ou certains
documents administratifs par Inter-
net. Deux cents personnes ont
fréquenté en 2018 cette maison de
services au public.

Carence médicale
Quelquefois, l’hélicoptère inter-
vient pour une urgence médicale.
C’est le mode de transport le plus
rapide pour relier un service hospi-
talier. « Comme notre médecin est
décédé il y a deux ou trois ans, on doit
se rendre maintenant à Aubenas, à
une quarantaine de minutes »,
remarque Antonietta, qui a quitté
en 2007 la côte est des Etats-Unis

pour s’installer aux confins de
l’Ardèche et de la Haute-Loire, au
pays d es Sucs. Une pétition a circulé
pour la création d’une maison
médicale à Sainte-Eulalie. Sans
effet pour l’instant. En Ardèche, la
densité médicale (toutes spécialités
confondues) e st de 3 médecins pour
1.000 habitants, plus de deux fois
inférieure à celle au niveau natio-
nal. Autre statistique alarmante :
près de 2 généralistes sur 5 vont
atteindre l’âge de 65 ans d’ici à 2022.
Pour remédier à ce déficit, le conseil
départemental a pris certaines
mesures. Il propose une aide finan-
cière aux internes en médecine
générale qui viennent effectuer leur
stage en Ardèche. Vingt-cinq bour-

ses ont été attribuées en 201 8. Il pro-
meut aussi le développement de la
télémédecine et l’ouverture de mai-
sons de santé pluridisciplinaires, et
réfléchit à la création d’un centre de
santé départemental géré par la col-
lectivité, qui salarierait des méde-
cins chargés de tournées hebdoma-
daires dans des antennes locales.
Afin de freiner, s’il en est encore
temps, l’exode dans cette montagne
que chantait en 1964 Jean Ferrat,
resté fidèle à son refuge d’Antrai-
gues-sur-Volane jusqu’à sa mort.n

L’Ardèche est le neuvième département métropolitain où les disparités d’accessibilité sont les plus marquées. Photo hemis.fr-AFP

Guillaume Roussange
— Correspondant à Amiens


Des chaussettes fabriquées à base
de bouteilles plastique, en coton
biologique ou même... en fils bio
compostables! Voici quelques-
unes des nouveautés que le fabri-
cant de chaussettes Kindy com-
mercialisera à partir de la rentrée,
d’abord via l’enseigne Intermar-
ché. Les premiers modèles de
cette gamme, baptisée « Green
Socks », seront produits à partir de
jeans recyclés. Le fil sera fourni
par l’un des derniers filateurs-tein-
turiers du Nord – la société UTT
Yarns, basée à Tourcoing – avant
d’être tricoté dans l’usine Kindy de
Moliens (Oise).
Un produit 100 % Hauts-de-
France qui illustre les ambitions
de la marque, sauvée du pire il y a
deux ans par Thierry Carpentier et
Salih Halassi, deux entrepreneurs
issus de l’assurance et du textile.
Leur stratégie? Jouer la carte du
made in France, du textile propre
et local, pour séduire les moins de
40 ans. Les dirigeants prévoient
aussi de créer une chaussette...


HABILLEMENT


Sauvé il y a deux ans
de la liquidation,
le fabricant, basé à
Moliens, dans l’Oise,
mise sur le bio et le
local afin de s’affran-
chir de sa dépen-
dance à la grande
distribution.


Malgré un site de production de
plus de 10 hectares, CNB a pourtant
du mal à faire face à la demande. Un
nouveau bâtiment a été construit
l’an dernier, dédié à la fabrication
des plus grosses unités de 77 et
78 pieds (24 mètres).
C’est encore insuffisant et c’est
pour gagner de la place qu’il a été
décidé de délocaliser la fabrication
des monocoques à Monfalcone, un
chantier du groupe Bénéteau, qui
produit les bateaux à moteur Monte
Carlo Yachts. « Monfalcone est un
site particulièrement approprié pour
les CNB Yachts : une main-d’œuvre
de qualité habituée à faire des
bateaux très personnalisés, un pro-

truction Navale de Bordeaux. La
centaine de salariés, qui produisait
ces grands monocoques, va être
affectée à la production des catama-
rans Lagoon. Leur lieu de travail ne
change pas, puisque leur atelier va
être réaménagé au prix d’un inves-
tissement de 3 millions d’euros.
Pour le chantier bordelais qui a réa-
lisé l’an dernier un chiffre d’affaires
de 264 millions d’euros et emploie
1.270 personnes, l’enjeu consiste à
parvenir à recruter suffisamment
de personnel. Ne serait-ce que pour
fabriquer les bateaux de la nouvelle
marque de catamarans Excess pré-
sentés en fin d’année dernière au
Salon nautique de Cannes.n

biodégradable. « L’innovation fait
partie de notre ADN », insiste Salih
Halassi, rappelant que, dans les
années 1960, Kindy avait été la pre-
mière marque à utiliser de l’élas-
thanne pour le maintien de la
chaussette. Reste qu’aujourd’hui
encore le modèle de l’e ntreprise
est largement basé sur la vente des
produits fabriqués à l’étranger et
vendus dans la grande distribu-
tion. Mais, à l’heure de la crise du
rayon textile, le fabricant espère
trouver des relais de croissance
sur Internet. Fin 2018, une refonte
des sites de Kindy, Achile et Thyo –
les 3 marques propres du groupe –
a été entreprise et un service
d’abonnement, sur le modèle des
box, sera lancé prochainement.

Embauches
La stratégie semble fonctionner.
Avec 15 millions d’euros, son chif-
fre d’affaires a, certes, peu pro-
gressé par rapport au moment de
la reprise (14 millions d’euros),
mais l’entreprise est redevenue
bénéficiaire, selon ses dirigeants.
Plus de 700.000 euros ont été
investis dans l’usine de Moliens
pour faire progresser le poste
logistique et acquérir un logiciel
de gestion et d’organisation de
l’entreprise (ERP). 200.000 euros
ont aussi été injectés dans l’outil
de production, notamment dans
5 nouvelles tricoteuses et une
unité d’impression numérique.
Plus d’une vingtaine de salariés
ont été embauchés, portant les
effectifs à 85 personnes. Kindy
détient 5 % du marché de la
chaussette française avec 15 mil-
lions de chaussettes vendues.n

Pourquoi les chaussettes


Kindy se mettront


au vert à la rentrée


CNB délocalise la construction


de ses grands monocoques en Italie


Frank Niedercorn
@FNiedercorn
—Correspondant à Bordeaux

Changement d’époque pour CNB.
Pour faire face à la croissance, le
chantier implanté sur les bords de
la Garonne va délocaliser sa pro-
duction historique de luxueux
monocoques. Né en 1987, le chan-
tier, racheté quelques années plus
tard par Bénéteau, a vécu une spec-
taculaire croissance grâce aux cata-
marans de la marque Lagoon, dont
il a la responsabilité. Cette gamme
de catamarans, devenue la locomo-
tive des ventes du groupe vendéen
avec environ 600 unités produites
par an, est réputée pour son confort
et son prix compétitif. Le chantier
bordelais construit les bateaux de
plus de 50 pieds, soit une centaine
par an. Les navires de plus petite
taille sont fabriqués dans deux
autres usines du groupe.

MARITIME


Construction Navale
Bordeaux, filiale
de Bénéteau,
va construire ses
voiliers de luxe à
Monfalcone qui pro-
duit aussi les bateaux
à moteur du groupe.

L’objectif est de libérer
de la place pour
se concentrer
sur la production des
grands catamarans.

Le chantier bordelais, qui a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 264 millions d’euros,
emploie 1.270 personnes. Photo Nicolas Claris

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Et demain En Argonne, la
raréfaction de l’eau potable

LES NOUVEAUX DÉSERTS FRANÇAIS


SÉRIED’ÉTÉ

En Ardèche, que la montagne est belle et... vide


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cess de production similaire à celui
des CNB, une cabine de peinture très
performante et une situation bord à
quai en Méditerranée qui reste notre
principal marché », explique Yann
Masselot, directeur général de Cons-

La centaine
de salariés, qui
produisait ces grands
monocoques,
va être affectée
à la production des
catamarans Lagoon.

Vincent Charbonnier
—Correspondant à Lyon


D


ans la montagne ardé-
choise, les distances
entre deux villages ne
se comptent pas en
kilomètres, mais en
virages. Sur ces routes sinueuses,
prisées des pilotes du rallye de Mon-
te-Carlo, une visite chez un médecin,
une course au supermarché prend
des allures de marathon. « Il vaut
mieux faire une liste pour ne rien
oublier », sourit Anto-
nietta, gérante de
chambres d’hôte à
Lachamp-Raphaël.
Le premier super-
marché est à une
quarantaine de
minutes... Plus
haute commune du
département de
l’Ardèche, Lachamp-
Raphaël a vu sa population
fondre de 17 % entre 2011 et 2016.
Soixante-huit habitants étaient offi-
ciellement recensés il y a trois ans.
Mais seule une douzaine vit au vil-
lage l’hiver. « Rien n’est fait pour
retenir les g ens, constate dépitée Jac-
queline Faure. Ils attendent juste
qu’on parte. » Dans ce « ils » imper-
sonnel, la postière englobe les
« politiciens », les fonctionnaires,
tous ceux qui p articipent, s elon elle,
à ce désengagement territorial...
Ce sentiment d’abandon est ren-
forcé par des défaillances multiples.


Ici, à 1.330 mètres d’altitude, il n’y a
pas d’agence bancaire, pas de super-
marché, pas de médecin, pas d’école
primaire. Faute de ramassage sco-
laire, Antonietta doit conduire son
fils à l’école tous les jours à une
dizaine de kilomètres, à Sainte-Eula-
lie. En septembre, il entrera en pen-
sion à Aubenas, à une trentaine de
kilomètres. Au village, un hôtel-café
fait office de dépôt de pain et d’épice-
rie de dépannage pour les produits
de première nécessité. L’hiver, cet
isolement est accentué par des
conditions météorologi-
ques difficiles. « Parfois,
seul le téléphone fixe
marche, c onstate
Jacqueline. Le
mobile et Internet ne
fonctionnant pas. »
Même la petite sta-
tion de ski locale a dû
fermer, faute de
moyens. Faute d’école,
de commerces, de travail,
hormis dans l’agriculture et le tou-
risme, « les gens ne viennent pas habi-
ter ici », se désole la postière, qui a pu
rester vivre au village où elle est née.
Dans une étude de l’Insee publiée
en septembre 2016 sur l’accessibilité
des services au public dans l’Ardè-
che, ses auteurs confirment cette
situation. « Une quarantaine de com-
munes situées dans les Cévennes ou
dans la partie la plus élevée des monts
du Vivarais (regroupant près de
4.300 habitants) sont à plus de vingt
minutes en moyenne des équipe-

Toutes les communes de la


montagne ardéchoise cumulent


les handicaps dans la santé,


l’économie, l’éducation. Parfois, il


ne reste plus que le téléphone fixe.

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