Les Echos - 01.08.2019

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Les Echos Jeudi 1er août 2019 MONDE// 05


EUROPE


Michel De Grandi
@MdeGrandi


La bonne tenue de l’économie de la
zone euro observée durant le pre-
mier trimestre n’a pas résisté les
mois suivants. Dans les dix-neuf
pays ayant adopté la monnaie
unique, la hausse du PIB d’avril à
juillet n’a été que de 0,2 %, après
+0,4 % durant les trois pre-
miers mois de l’année et +0,2 % au
cours du dernier trimestre de 2018,
selon les statistiques publiées mer-
credi par Eurostat. Il s’agit d’une pre-
mière estimation et la tendance est
limpide : « L’atonie de la conjoncture,
auparavant concentrée en Allemagne
et en Italie [respectivement première
et troisième économie de la zone
euro, NDLR], s’est étendue à la France,
l’Espagne [numéro deux et quatre de
la zone], l’Autriche et la Belgique »,
remarque Jack Allen-Reynolds, ana-
lyste de Capital Economics.
Globalement, le ralentissement
européen s’explique à la fois par le
recul de l’industrie de transforma-
tion, autant que par l’atonie du com-
merce. En attendant les chiffres de
l’Allemagne, le 14 a oût, l’Autriche, la
Belgique et la France (+0,2 %) n’ont
pas échappé au coup de frein.
L’Espagne a beau toujours faire
figure de bon élève, elle subit l’un
des ralentissements les plus nets, ce
qui va compliquer un peu plus la
tâche de son Premier ministre.


Le recul de l’inflation
se poursuit
Au deuxième trimestre, la crois-
sance espagnole a été ramenée à
+0,5 % après +0,7 % selon l’Institut
national de la statistique (INE). En
cause, le coup de froid sur l’investis-
sement doublé d’une pause dans la
consommation des ménages. En
rythme annuel, la croissance espa-
gnole ressort néanmoins à 2,3 %,
(2,4 % en janvier-mars). L’Italie est
toujours à des niveaux très faibles.
L’économie de la péninsule a eu une
croissance nulle au deuxième tri-
mestre après une hausse minime
de l’activité (+0,1 %) au cours des
trois premiers mois de l’année,
selon l’Istat.
Un autre élément de préoccupa-
tion apparaît avec l’inflation qui a,


elle aussi, décéléré en zone
euro. Elle est tombée à 1,1 % en juillet
(contre 1,3 % en juin), selon Euros-
tat. Ce taux s’é loigne encore un peu
plus de l’objectif de 2 % de la Banque
centrale européenne (BCE). Or, une
analyse dans le détail des derniers
chiffres n’est guère plus rassu-
rante. L’inflation sous-jacente (hors
énergie, produits alimentaires,
boissons alcoolisées et tabac, qui
exclut par conséquent les produits
particulièrement volatils) a elle
aussi ralenti en juillet : 0,9 %, contre
1,1 % en juin.
Côté emploi, en revanche, l’hori-
zon continue de s’éclaircir pour
l’instant : le chômage est tombé à
son plus bas niveau depuis 11 ans, à
7,5 % en juin (7,6 % en mai).
Seule l’Allemagne, pourtant à 5 %,
nage à contre-courant de cette ten-

Yves Bourdillon
@yvesbourdillon

Le déploiement d’une force
navale occidentale pour sécuri-
ser le détroit d’Ormuz patine.
Après que la Grande-Bretagne a
demandé, il y a huit jours, à ses
partenaires européens de se
joindre à elle pour patrouiller
dans cette artère maritime entre
l’Iran et Oman p ar où transite un
cinquième du pétrole mondial,
les Etats-Unis ont invité, mardi,
l’Allemagne et la Belgique (qui
dispose en tout de deux frégates)
à s’y joindre.
Mais le vice-chancelier alle-
mand, Olaf Scholz, s’est déclaré
mercredi « très sceptique ». Une
telle mission risquerait d’être
aspirée dans un conflit avec des
unités iraniennes telles que cel-
les qui ont saisi il y a douze
jours un p étrolier battant
pavillon britannique, a-t-il
estimé. L’ambassade américaine
a répliqué que puisque Berlin
s’est clairement engagé en faveur
de la protection de la liberté de
navigation, « la question est de
savoir : protégée par qui? ».
La France, qui dispose sur
place de la seule frégate Surcouf,
se dit prête à participer à une
simple mission d’observation
mais a annoncé qu’elle ne comp-
tait pas déployer dans la région
de « moyens supplémentaires ».
Le Royaume-Uni a déployé un
deuxième destroyer, le HMS
Duncan, aux côtés du HMS
Montrose, mais insiste sur sa
volonté de sécuriser le détroit
sans aller jusqu’à participer à la
stratégie de « pression maxi-

GOLFE PERSIQUE


L’Allemagne rechigne
à rejoindre une force
navale patrouillant
dans cette artère
où passe
le cinquième
du pétrole mondial.

male » suivie par Donald Trump
contre l’Iran.
Washington a dénoncé en
mai 2018 l’accord international
sur le nucléaire iranien, le
JCPOA, et rétabli des sanctions
contre Téhéran pour l’obliger à
le renégocier. La sécurité dans le
détroit, avec obligation de libre
passage, est de la coresponsabi-
lité de l’Iran et du sultanat
d’Oman en vertu d’un accord de


  1. Les risques dans le détroit,
    où en outre un drone américain
    a été abattu par l’Iran et plu-
    sieurs pétroliers sabotés mysté-
    rieusement ces deux derniers
    mois, ont poussé la firme britan-
    nique BP à annoncer mercredi
    qu’elle y suspendait l’envoi de
    navires britanniques.


Chute libre des
exportations iraniennes
Parallèlement, le président fran-
çais, Emmanuel Macron, s’est
entretenu mardi soir au télé-
phone avec son homologue ira-
nien, Hassan Rohani, sur les
moyens de faire baisser la ten-
sion dans le détroit. Il a appelé à
créer l es conditions d’une
« désescalade des tensions » avec
les Etats-Unis, a indiqué l’Elysée,
et s’est dit déterminé à essayer de
sauver l’accord JCPOA. C’est la
quatrième fois en deux mois que
le chef de l’Etat français s’entre-
tient avec Hassan Rohani et il a
eu a ussi d es contacts avec
Donald Trump, dont le dernier a
eu lieu vendredi.
L’Iran a affirmé mercredi que
les pays e uropéens encore partis
au JCPOA étaient « tenus » de lui
permettre d’exporter son
pétrole. En raison des sanctions
américaines, ces dernières
seraient tombées de 2,6 millions
de barils par jour (Mbj) en
avril 2018 à 0,1 Mbj en juillet,
selon la firme d’analyse du fret
Refinitiv Eikon, sans préjuger
toutefois du trafic de contre-
bande. Le pétrole représente en
temps normal la quasi-totalité
des recettes en devises de
l’Iran.n

Hésitations


occidentales sur


le détroit d’Ormuz


en bref


Accord européen pour la prise en charge
des 131 migrants du « Gregoretti »

MIGRATIONS Cinq Etats membres – la France, l’Allemagne, le
Portugal, le Luxembourg et l’Irlande – et l’Eglise italienne ont
accepté de prendre en charge les 131 migrants sauvés en mer et
bloqués depuis plusieurs jours à bord du navire des gardes-cô-
tes italiens, le « Gregoretti », dans le port militaire d’Augusta,
près de Catane, en Sicile. Plus de la moitié d’entre eux devraient
rester en Italie, pris en charge par l’Eglise.

Michele Amorusa/AP/Sipa

Le Mexique échappe de justesse
à la récession au deuxième trimestre

CONJONCTURE La croissance économique du Mexique a
atteint 0,1 % au deuxième trimestre 2019, échappant de justesse
à la récession après un recul de son PIB pendant les trois pre-
miers mois de l’année, selon l’institut de statistiques Inegi. Le
PIB de la deuxième économie d’Amérique l atine derrière l e Bré-
sil s’était contracté d e 0,2 % au premier trimestre, selon des chif-
fres préliminaires. « C’est une très bonne nouvelle », a réagi le
président, Andrés Manuel López Obrador.

dance, puisqu’e n juillet elle a enre-
gistré une progression de 0,1 % de
son taux de chômage sur un mois.
De manière générale, le chômage
chez les jeunes dans la zone euro
reste à un niveau toujours élevé :
15,4 %, contre 15,6 % en mai.
« La flopée de données économi-
ques faibles publiées mercredi ren-
force les arguments en faveur de
l’annonce par la BCE d’un train de
mesures de relance lors de sa pro-
chaine réunion » de rentrée, fait
valoir Jack Allen-Reynolds. Avant
les congés d’été, la banque centrale
avait brossé un sombre tableau des
perspectives en zone euro et avait
déjà ouvert la voie à une nouvelle
série de remèdes anti-crise pour la
rentrée allant d’une ou plusieurs
baisses de ses taux à une possible
reprise de ses rachats de dette.n

lTrois parmi les quatre plus fortes économies de la zone euro affichent


au deuxième trimestre une croissance marquée par un net ralentissement.


lPour la zone euro dans son ensemble, le PIB n’a progressé que de 0,2 %.


La zone euro accumule


les mauvaises performances


Olivier Tosseri
—Correspondant à Rome


« Les jeunes ont perdu l’envie de tra-
vailler. » C’est le constat amer de
Giuseppe Bono, l’administrateur
délégué de Fincantieri, l’un des
principaux groupes mondiaux de
la construction navale. « Nous
devons aller chercher les travailleurs
au Vietnam, a-t-il expliqué lors d’un
débat avec les syndicats. Ces trois
prochaines années, nous aurons
besoin de 6.000 techniciens et nous
ne les trouvons pas. »
Un paradoxe, alors que, d’après
les chiffres de l’Istat sur le premier
semestre 2019, le taux de chômage
s’élève à 9,7 %, très au-dessus de la
moyenne de la zone euro à 7,5 %.


Parmi les 15-24 ans, il est de 28,1 %
contre 15,4 % au sein de la zone
euro. « Il faut un changement cultu-
rel, a poursuivi Giuseppe Bono. Les
jeunes sont prêts à accepter des petits
boulots à 500-600 euros par mois,
alors qu’un soudeur chez nous gagne
en moyenne 1.600 euros et ne fait pas
un travail plus fatigant que livreur de
pizzas à vélo ». Le ministère du Tra-
vail a immédiatement fait savoir
qu’il se mettait à la disposition de
l’entreprise pour l’aider à former la
main-d’œuvre qualifiée dont elle
avait besoin.
Les syndicats, comme le patro-
nat, dénoncent régulièrement le
manque d’investissements dans la
formation professionnelle qui,
selon eux, doit devenir une priorité
nationale. D’après l’Union natio-
nale des chambres de commerce et
l’Agence gouvernementale pour le
travail, d’ici à 2022, 469.000 postes
pour des ingénieurs, scientifiques
et jeunes diplômés des Instituts
techniques supérieurs seront dis-
ponibles. Seulement 13.000 Italiens
sont pourtant inscrits dans des ITS

alors que près de 90 % d’entre eux
trouvent un emploi un an après la
fin de leurs études.

Garder la jeunesse au pays
L’industrie navale n’est pas la seule
à devoir faire face à ce manque
criant de main-d’œuvre qualifiée.
Les secteurs les plus importants du
« made in Italy » sont concernés, à
commencer par le luxe et l’agroali-
mentaire. D’ici à 2023, 48.
emplois seront à pourvoir dans les
domaines du textile, de la joaillerie,
de la maroquinerie ou encore de la
lunetterie, avec une rétribution
nette mensuelle oscillant entre
1.700 et 3 .000 euros. Les entreprises
estiment qu’il sera difficile de trou-
ver, pour 30 % environ de ces pos-
tes, les personnes compétentes. La
situation est encore plus critique
dans le domaine de l’agroalimen-
taire qui cherchera ces cinq pro-
chaines années 43.000 salariés
pour répondre notamment aux
défis que la révolution technologi-
que lance à l’industrie dans son
ensemble. Sur les 13.000 étudiants

assis sur les bancs d es I TS, s euls 2 44
se sont inscrits à des formations uti-
les à ce secteur.
Mais au défi de la formation de la
jeunesse s’ajoute pour l’Italie celui
de la faire rester dans le pays. « La
fuite des cerveaux nous coûte 14 mil-
liards d’euros chaque année », a
déploré le ministre de l’Economie,
reprenant les chiffres du centre
d’étude de Confindustria.
Ils prennent en considération
l’argent dépensé pour leur forma-
tion, le manque à gagner fiscal et la
croissance qu’ils génèrent à l’étran-
ger et pas dans leur pays d’origine.
Selon l ’Istat, ce sont près d e 300.
diplômés qui ont choisi d’aller ten-
ter leur chance hors de la péninsule
ces cinq dernières années principa-
lement en France, en Allemagne et
au Royaume-Uni. C’est l’une des rai-
sons structurelles qui expliquent la
faible croissance italienne. Elle est
nulle sur le premier semestre 2019,
a précisé l’Istat, tandis que la Com-
mission européenne et le FMI esti-
ment qu’elle ne sera que de 0,1 % sur
l’année.n

Le « made in Italy » souffre du manque


de main-d’œuvre qualifiée


Près de 500.000 emplois
seront à pourvoir
d’ici à 2023 dans des
secteurs emblématiques
de l’export italien
tels que l’agroalimentaire,
le luxe ou encore la
construction navale.


« La flopée
de données
économiques
faibles publiées
mercredi renforce
les arguments
en faveur
de l’annonce
par la BCE d’un
train de mesures
de relance lors
de sa prochaine
réunion. »
JACK ALLEN-REYNOLDS
Analyste de Capital Economics
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