Les Echos - 01.08.2019

(nextflipdebug5) #1
LE POINT
DE VUE

de Aulde Courtois
et Jeanne Dubarry
de Lassalle

DANS LA PRESSE
ÉTRANGÈRE


  • Promesse électorale du Mouvement 5 étoiles, le pro-
    jet de loi pour instaurer un salaire minimum est actuel-
    lement examiné par le Sénat italien. Selon l’Institut
    national d e la sécurité sociale (INPS), u ne rémunération
    horaire fixée à 9 euros brut, comme le souhaite le
    gouvernement, coûterait 6,7 milliards de plus aux
    entreprises.
    Cette mesure devrait concerner 2,6 millions de sala-
    riés italiens du privé (hors secteur agricole), dont


1,9 million sont employés à temps plein, explique « Il
Sole 24 Ore » dans ses colonnes. En ce qui les concerne,
ce SMIC à 9 euros brut de l’heure coûterait 5,2 milliards
d’euros aux employeurs. Pour les 680.000 travailleurs
restants, employés quant à eux à temps partiel, le coût
est estimé à 1,5 milliard.
Pour mémoire, l’Italie est l’un des seuls Etats de
l’Union européenne à ne pas disposer d’un salaire mini-
mum légal. Ce sont jusqu’à présent les conventions col-

lectives qui, pour l’essentiel, fixaient un salaire mini-
mum par branche. Pour le président de l’Institut
d’analyse des politiques publiques italien (Inapp), « il ne
fait aucun doute qu’il existe dans notre pays un problème
de salaires trop bas et de travailleurs pauvres qui justifie le
besoin d’un salaire minimum. Toutefois, un minimum de
9 euros brut de l’heure entraînerait pour les entreprises
une augmentation des coûts. Celle-ci pourrait être partiel-
lement compensée par l’octroi, aux employeurs, d’un cré-

dit d’impôt », rapporte le quotidien italien. Justement, la
semaine dernière, Luigi Di Maio, le ministre du Déve-
loppement économique et leader du Mouvement 5 étoi-
les, a proposé une réduction de 4 milliards
d’euros du coin fiscal, afin de « geler » l’augmentation des
coûts salariaux redoutée par les employeurs. La propo-
sition a été rejetée par les entreprises et les diffé-
rents syndicats, écrit « Il Sole 24 Ore ».
—S. F.

En Italie, l’instauration d’un salaire minimum fait des vagues


Christine Lagarde, présidente de la BCE, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Photos Andrew Harrer/Bloomberg ; Markus Schreiber/AP/Sipa

Féminisation des gouvernances :


l’Europe montre la voie


U


rsula von der Leyen à la tête
de la Commission euro-
péenne, Christine Lagarde
présidente de la Banque centrale
européenne (BCE). Des femmes,
enfin! S’il convient de s’en réjouir,
tirons les leçons de cette évolution
pour notre propre pays, nos entre-
prises et nos institutions. Car der-
rière l’enjeu (légitime) d’égalité
impliqué par la recherche d’une
diversité de genre se trouve égale-
ment un enjeu de performance : la
présence d e femmes à tous les éche-
lons d’une organisation est un fac-
teur de compétitivité démontré.
Non parce que les femmes
seraient plus efficaces que les hom-
mes, car naturellement parées de
vertus distinctives (écoute, concilia-
tion, sens du collectif) – un préjugé
sexiste qui les cantonne souvent à
des postes de gestion des ressour-
ces humaines ou de communica-
tion. Mais parce que la domination
physique de l’homme a provoqué
archaïquement chez les femmes
des comportements spécifiques
d’adaptation et un corollaire sim-
ple : pour gagner leur place aux

côtés des hommes, elles doivent
surperformer.
Un seul chiffre pour illustrer ce
lien entre féminisation de l’entre-
prise et résultats : dans le monde,
sur un échantillon de 300 entrepri-
ses, celles comptant le plus de fem-
mes dans leurs instances exécuti-
ves affichent un rendement de 47 %
plus élevé et des résultats d’exploi-
tation 5 5 % plus h auts que celles qui
n’en ont aucune.
Pragmatiques, les fonds anglo-
saxons – après avoir constaté que
les start-up fondées par d es femmes
génèrent plus de revenus tout en
ayant plus de difficulté à lever des
fonds – sont très attentifs au critère
de diversité d e genre, passé en revue
au même titre que d’autres dans les
processus de « due diligence » et
d’audit. On est loin du compte en
France, où les études corrélant
genre et performance restent peu
diffusées, soulevant souvent scepti-
cisme ou mépris.
Si la loi Copé-Zimmermann a
contraint les grandes entreprises à
féminiser leur conseil d’adminis-
tration, l’entrée massive des fem-

mes dans les sphères de pouvoir
s’est pourtant arrêtée aux sphères
non exécutives. On observe en effet
43,8 % de femmes dans les conseils
d’administration du SBF 120, contre
seulement 17,7 % dans leurs instan-
ces exécutives.
Le secteur public n’est pas plus
exemplaire : les femmes représen-
tent 54 % de l’e ffectif total et seule-
ment 26 % des e mplois de direction.
Si le premier gouvernement de l’ère
Macron a affiché une parité de bon
aloi, les cabinets comptent seule-
ment 37 % de conseillères ministé-
rielles, 24 % de directrices et direc-
trices a djointes d e cabinet,
véritables lieux d’exercice du
pouvoir.
Et pour cause : la diversité a du
mal à trouver sa place dans un sys-
tème français qui considère que la
société est institutionnellement et
intrinsèquement égalitaire en droit.
Des statistiques existent certes
pour ce qui concerne la diversité de
genre, mais les mêmes ressorts de
méfiance vis-à-vis de politiques
visant des catégories ou des com-
munautés c onduisent à des réflexes

de rejet des programmes de quo-
tas... En France – peu importent les
études, statistiques, faits – on ne dis-
crimine pas, même positivement.

Si la gouvernance européenne
n’a jamais été aussi féminisée et
constitue une indéniable progres-
sion sur le terrain de la parité, ce
sujet qui touche la moitié de
l’humanité ne doit pas cesser d’être
une actualité dans les conversa-
tions et dans les normes. La note
publiée par l’Institut Montaigne
« Agir pour la parité : performance
à la clef » formule des propositions
concrètes pour résoudre cette ano-
malie persistante. Cela passera
notamment par de nouveaux

mécanismes de transparence et
l’affirmation et le suivi des objectifs
des dirigeants en la matière, en par-
ticulier en ce qui concerne l’accès
des femmes aux instances exécuti-
ves. Nous croyons à la publication
des données pour responsabiliser
les dirigeants et faire évoluer les
mentalités.
Nous croyons à la pression
exercée par une société civile
informée pour inciter les entrepri-
ses, associations professionnelles et
institutions françaises à se doter
d’une politique efficace.
Nous croyons que la diversité de
genre est un enjeu de société, un
enjeu d’égalité, mais également un
enjeu économique, de perfor-
mance des écosystèmes. A leurs
représentants de s’en saisir avant
qu’inévitablement la norme ne les y
contraigne faute d’avancées
suffisantes.

Aulde Courtois et Jeanne
Dubarry de Lassalle auteures
de la note « Agir pour la parité :
performance à la clef »
pour l’Institut Montaigne.

La présence
de femmes à tous
les échelons
d’une organisation
est un facteur
de compétitivité
démontré.

06 // Jeudi 1er août 2019 Les Echos


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