GEO Histoire - 04.2019 - 05.2019

(Tina Meador) #1
les yeux rivés sur son passé, mais pas dans la nos-
talgie de l’URSS. Il y a certes un musée (privé) à la
gloire de Staline et des affi ches du dictateur en
vente, mais le centenaire de la Révolution d’octobre
n’a pas été fêté en 2017. En revanche, ceux des visi-
teurs qui arrivent par le train sont immédiatement
happés par la bataille, représentée sur de multiples
fresques peintes sur les murs de la gare. L’ex-Sta-
lingrad, auquel François Mitterrand a décerné la
Légion d’honneur en 1984, est l’otage de son his-
toire tragique. Ce souvenir est d’ailleurs entretenu
par des groupes de passionnés qui participent à de
régulières reconstitutions historiques.
François Rebsamen en est convaincu :
«Il faudra encore des générations pour
qu’il en soit autrement. Même si Vol-
gograd est redevenue une cité indus-
trielle très importante, la bataille est
omniprésente. Le maire de Volgograd
m’a raconté que dès que l’on creuse
pour construire un nouveau bâtiment,
on découvre des ossements.» Des restes
de soldats de l’Armée rouge, d’habitants
de Stalingrad et aussi de militaires de
la Wehrmacht. «Les délégations d’an-
ciens combattants venues d’Allemagne
sont très fournies et il n’est pas rare que
des ministres les accompagnent. Mais,
la mémoire est davantage tournée vers
la paix que hantée par la mort», estime
Michel Faitot. «La célébration de la
bataille de Stalingrad est quasiment
devenue une fête internationale de la
lutte contre le nazisme», analyse de son
côté Jean de Gliniasty.
En juin 2018, Volgograd fi gurait au
nombre des lieux d’accueil des matches
du Mondial de football. Par la volonté
de Vladimir Poutine lui-même. Au
Comité d’organisation, qui n’avait pas
cru bon de retenir cette ville de plus de 1 million
d’habitants, le président russe avait, en 2011, sèche-
ment fait remarquer : «Comment pouvons-nous
gagner sans Stalingrad ?» Un moyen de fl atter le
nationalisme russe pour celui qui a, un temps, envi-
sagé de redonner le nom de Stalingrad à la ville?
Jean de Gliniasty ne le croit pas. «Personne n’est en
mesure d’utiliser la mémoire de Stalingrad. Cette
bataille est tellement iconique qu’aucun régime ne
peut ni l’accaparer ni s’en éloigner.» C
JEANJACQUES ALLEVI

est la seule ville française jumelée avec
Volgograd. Ce partenariat vieux de six
décennies est toujours actif. L’actuel
maire (PS) de Dijon, François Rebs-
amen, lui attribue «une valeur sym-
bolique particulière». L’ex-ministre
du Travail de François Hollande, qui
s’est rendu sur place en 2016, a «été
marqué par l’atmosphère de solen-
nité qui règne là-bas. Il est impossible
de ne pas sentir le poids de l’Histoire.»
Comme tous les visiteurs, François
Rebsamen a gravi les 200 marches de
granit – autant que de jours de com-
bats – pour rejoindre le mémorial
dédié aux soldats de l’Armée rouge. A
son sommet, trône l’Appel de la Mère-
Patrie, une statue de 85 mètres de haut
pointant son glaive vers le ciel. Le
musée de la Bataille de Stalingrad est
prisé des touristes, mais il est surtout
un lieu de pèlerinage aussi incontour-
nable qu’émouvant pour les Russes.
Toutes les générations s’y pressent à
longueur d’année. Dans ce mémorial,
dont la première version a vu le jour
en 1948, est présentée une multitude d’objets et
de documents dont certains ont été collectés au
cœur même des combats. C’est aussi là que sont
exposés les cadeaux reçus après la victoire. Comme
cette épée remise par Churchill à Staline sur
laquelle est gravée l’inscription : «Aux citoyens de
Stalingrad au cœur d’acier, ce don du roi George VI
en gage de l’hommage du peuple britannique.»
Volgograd qui, aux côtés de Coventry ou encore
Hiroshima, fait partie du réseau international des
cités martyres de la Seconde Guerre mondiale vit

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Allemagne
Italie
Roumanie
Croatie
Hongrie

1 million
de soldats

Pourquoi elle a tout changé
Début 1943, après Stalingrad,
les jeux sont faits. La Wehrmacht
ne se remettra jamais de
cette défaite sanglante
et humiliante. C’est depuis les
rives de la Volga que commence
la reconquête soviétique
qui se terminera en avril 1945
par la prise de Berlin.

URSS


1,5 million
de soldats

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700 000 tués,
blessés
ou disparus

1 million de
tués, blessés
ou disparus

Après la déstalinisation
des années 1960, le «petit
père des peuples» est devenu
une icône un peu kitsch.

GEO HISTOIRE 131

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