GEO Histoire - 04.2019 - 05.2019

J

EXPOSITION

LES NAUFRAGÉS DU BOUT DU MONDE

Au XVIIIe siècle, comment des esclaves malgaches ont-ils pu être abandonnés

sur une île minuscule durant plus de quinze ans? Retour sur une tragédie.

Juillet 1761. L’Utile, un navire de la

Compagnie française des Indes orien-

tales s’échoue sur un îlot inhospitalier

de 1 kilomètre carré au large de Mada-

gascar. A son bord : 160 Malgaches

destinés à être vendus sur l’île Mau-

rice. Deux mois après le drame, les

hom mes de l’équipage prennent

place dans un radeau de fortune, avec

la promesse de venir bientôt chercher

les esclaves. Il faudra attendre plus de

quinze ans pour que Jacques Marie de

Tromelin recueille à bord de la Dau-

phine ce qu’il restera des naufragés :

sept femmes et un enfant. Cet épisode

incroyable connut un certain écho dès

le XVIII siècle, Condorcet s’emparant

de cette tragédie pour dénoncer l’in-

humanité de la traite (abolie une pre-

mière fois en 1794).

Après avoir été inaugurée à Nantes,

une exposition dédiée aux oubliés de

l’île Tromelin s’installe aujourd’hui à

Paris, avec un volet historique sur l’es-

clavage dans l’océan Indien, mais aussi

une passionnante partie archéolo-

gique : y sont notamment présentés

les outils et ustensiles fabriqués par les

naufragés avec les débris du bateau, ou

encore des restes d’animaux consom-

més (sternes et tortues). Un par cours

en forme d’enquête qui éclaire sur les

circonstances du drame et les condi-

tions de vie des survivants. F. G.

«Tromelin, l’île des esclaves oubliés», au musée

de l’Homme, à Paris, jusqu’au 3 juin 2019.

Nelly Gravier

Cette exposition

exceptionnelle

fait partie de la

saison «En droits !»

organisée à l’oc-

casion des 70 ans

de la Déclara-

tion des droits

de l’homme.

Jamais aucun confl it

n’avait aff ecté autant

d’êtres humains que la

Seconde Guerre mondiale,

aucun continent n’aura

été épargné. Dans les cen-

dres de l’ancien monde,

le nouveau s’est bâti

sur la peur. Mais aussi

sur l’espoir d’une liberté

et d’une justice univer-

selles. L’historien britan-

nique Keith Lowe montre

comment ces deux élé-

ments se sont conjugués

pour dessiner le paysage

géopolitique actuel :

mondialisation, libéralisme

et résurgence des natio-

nalismes. Au-delà de ce

constat, l’auteur pousse

plus loin l’analyse. Et si ces

déchirements n’avaient

pas seulement changé

nos cadres de vie, mais

nous avaient changés?

Pour faire appel à l’incons-

cient collectif, Lowe dé-

bute chaque chapitre par

les témoignages de ceux

qui ont vécu ce confl it.

Qu’ils se nomment Evgen-

nia, Aharon ou Waruhiu,

qu’ils aient été héros, mar-

tyrs ou bourreaux, chacun

nous tend le miroir de

nos espoirs et de nos

angoisses. «A moins

d’accepter nous aussi les

traumatismes et les

déceptions qui se sont

imposés à nous depuis

ce confl it, nous nous

condamnerons à répéter

les erreurs du passé»,

conclut-il. Une leçon en

ces temps troublés.

VALÉRIE KUBIAK

La Peur et la Liberté, de Keith

Lowe, éd. Perrin, 27 €.

ANALYSE

NOUS SOMMES TOUS DES ENFANTS DE LA GUERRE

TROMELIN, L’ÎLE DES ESCLAVES

OUBLIÉS

MUSÉE DE L'HOMME 13 FÉVRIER – 3 JUIN 2019

L’ACTU DE L’HISTOIRE

REPORTAGE EXPOSITION BEAU LIVRE ANALYSE

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