Fou De Cuisine N°16 – Été 2019

(Dana P.) #1

V


ingt-cinq siècles de viti-
culture, tel est l’héritage
que possède la Corse,
dont la position de car-
refour en Méditerranée a
favorisé une culture de la
vigne et du vin particu-
lièrement florissante dès
l’Antiquité. Phéniciens,
Romains puis Génois
développent le vignoble
corse, qui connaît au
XIXe siècle un véritable âge d’or, avec près de 8 000 hectares plan-
tés : on estime que vers 1875, les trois quarts des Corses tiraient
leurs revenus principaux de la vigne et du vin. Cependant, les
ravages de l’oïdium puis du phylloxéra réduisent comme peau
de chagrin les vignobles insulaires ; ces derniers connaîtront
un renouveau à la fin des années 1950, sous l’impulsion des
rapatriés d’Afrique du Nord.

Une géographie et un climat
diversifiés

En schématisant, disons que la Corse est une montagne dans
la mer. Culminant à 2 700 mètres, traversée de chaînes de
montagnes enneigées la plus grande partie de l’année, l’île
présente très majoritairement un relief escarpé, où les cultures
en terrasses étaient la norme. Seule la plaine côtière orientale
et quelques petits secteurs de bord de mer permettent une
agriculture mécanisée. La géologie de l’île est relativement
complexe, mais on retiendra que son épine dorsale, qui court
de la pointe nord du cap Corse jusqu’à Solenzara, au sud, est
composée de roches schisteuses anciennes. La partie plus occi-

dentale, de Saint-Florent jusqu’à Figari, au sud, est constituée
de roches granitiques plus ou moins dégradées en arènes ; ce
sont des sols sujets à l’érosion et faibles en réserves hydriques.
La plaine orientale, quant à elle, se distingue par des sols d’al-
luvions anciennes, riches en sédiments et en argiles. Enfin, les
secteurs de Bonifacio et de Patrimonio occupent d’excellentes
terres argilo-calcaires. Plantés dans les nombreuses vallées qui
traversent les montagnes et courent vers la mer, les principaux
vignobles de l’île bénéficient de différents microclimats bien
spécifiques ; l’altitude ou la proximité des montagnes expliquent
les amplitudes thermiques importantes et les précipitations
assez importantes, bien qu’irrégulières. Tout cela concourt à
préserver des acidités élevées, et une sensation de fraîcheur
dans les vins.
Idée reçue qu’il faut combattre : celle qui voudrait que dans
le Sud, les millésimes se ressemblent et que les vins soient
toujours généreux, avec de l’alcool et de la richesse. Les vins
corses peuvent présenter des profils diamétralement opposés,
comme ce fut le cas en 2017 puis en 2018. 2017 a été une année
chaude, marquée par la sécheresse, et les raisins très mûrs ont
donné des rouges puissants et assez chaleureux. À l’inverse,
2018 a connu des pluies abondantes pendant tout le printemps,
voire l’été, avec des températures beaucoup plus fraîches en
moyenne : il en a résulté des vins tout en fruit, assez tendres
et souples, qui affichent facilement 1 à 2 degrés d’alcool en
moins qu’en 2017.

Un patrimoine de cépages uniques

Reflet d’une longue histoire, au gré des occupants et des
influences, le vignoble corse possède une impressionnante
diversité de cépages autochtones, dont la plupart n’ont été redé-
couverts que récemment. Si ces derniers étaient très présents

FOU DE CUISINE 112

IN VINO VERITAS

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