Fou De Cuisine N°16 – Été 2019

(Dana P.) #1
Cette étoile a-t-elle changé beaucoup
de choses?
Ah oui! Avant l’étoile, par exemple, j’avais un mal de chien
à trouver des fournisseurs, il fallait que j’aille à perpète pour
trouver un bout de poisson. Je devais parfois faire mes courses
à l’hyper du coin parce que personne ne voulait me livrer.
Là, tout le monde venait frapper à ma porte, les meilleurs
producteurs. J’ai pu recruter, alors qu’avant, je ne trouvais
jamais personne. J’ai pris un second, un apprenti de plus.
Cela s’est mis en place sur quelques mois et j’ai enfin pu
développer le projet, m’agrandir.

Cette fois-ci, vous étiez bien lancé.
Oui, et j’ai eu la chance d’être là au bon moment. Il faut se
rendre compte qu’à l’époque, personne ne faisait ce que
j’avais fait. Une carrière, on la commençait à Paris, dans
les grandes maisons, et puis éventuellement plus tard, on
retournait dans une auberge de sa région. Personne ne se
lançait tout seul, au milieu de nulle part, personne. C’était
le début du Fooding, d’Omnivore, des gens comme Luc
Dubanchet avaient une vision nouvelle de la restauration,
mon projet leur parlait, il y avait une énergie incroyable.
On était sollicités par les médias, on voyageait beaucoup.
J’ai commencé à me développer, à construire un hôtel. Mais
tout n’était pas rose. En 2008, j’ai perdu mon étoile. Je l’ai
récupérée dans la foulée, un an après, mais cela a été une
étape difficile même si, à l’époque, les critiques et les clients
nous ont énormément soutenus, et que cela a beaucoup
compté pour nous.

Quels sont vos projets aujourd’hui?
J’arrive à 50 ans et, pour être honnête, j’ai songé à tout
arrêter, à partir dans les Cyclades, peindre, écrire. Mon idée
c’était d’ouvrir un hôtel et de le gérer sans être en cuisine,
juste à m’émerveiller que ma maison soit si belle! (rires)
J’ai donc pensé à vendre, mais je me suis rendu compte que
c’était très compliqué. La Mare aux Oiseaux vaut quelque
chose parce qu’il y a mon nom dessus, mais si un jeune veut
reprendre et que je ne suis plus là, les banques ne suivront
pas. Et puis j’ai encore des crédits à rembourser, donc même
en revendant correctement, ça ne suffira pas pour acheter
un hôtel comme je l’envisage. Donc je reste là. Je voyage
beaucoup, et nous avons un vrai projet ici : un lieu de vie
encore plus « à part » où l’on se sent coupé du monde, avec
bien sûr la cuisine qui accompagne tout ça.
Au niveau des équipes, je suis très heureux car nous sommes
arrivés à un super équilibre. Il y a une énergie très positive
entre nous, mais j’accueille encore trop de gamins qui
arrivent traumatisés par leur expérience ailleurs.

Cela arrive si souvent que cela?
C’est une catastrophe. J’ai récupéré un gamin il y a un mois et
demi en larmes, prêt à se foutre en l’air. J’ai mis une semaine à
pouvoir lui parler, dès que j’approchais, il se mettait à pleurer
parce qu’il avait peur que je le tape.
Ce matin même, il y a un monsieur qui livrait des assiettes et
qui a demandé à me parler. Son neveu vit un enfer en cuisine :
harcèlement sur fond d’homophobie, violences. Ce môme s’est
même fait enfermer pendant trois heures dans une chambre

La tomate

Ufe compositiof marife et végétale
parfaitemeft efsoleillée : l’iode des
coques est trafscefdé par le fruité
de la tomate. La touche secrète :
la présefce de l’oyster sauce qui
doffe uf umami parfait
à l’efsemble.

a RETROUVEZ LA RECETTE P. 128

BIOPIC

FOU DE CUISINE 64

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