Fou De Cuisine N°16 – Été 2019

(Dana P.) #1
L

e poivron est indéniablement populaire : on
voit partout ses rondeurs colorées ; son goût
parfumé et légèrement sucré est addictif. Du
cru au cuit – et même brûlé –, on peut tout faire
subir à ce piment doux. Car oui, le poivron est
bien un piment, avec pour particularité de sta-

gner à zéro sur l’échelle de Scoville, qui mesure la

puissance de leur piquant. On le fait remonter à
5 000 avant notre ère, au Mexique. Le poivron – comme les
piments au sens large – est un trésor d’Amérique, ramené

en Europe par Christophe Colomb. Le navigateur, croyant se

trouver aux Indes, était à la recherche de poivre ; il vit des
natifs utiliser des piments pour épicer leurs plats, piments
qu’il qualifia de « poivre rouge » – raison pour laquelle les

mots « poivre », « piment » et « poivron » sont identiques en

espagnol (pimiento) et en anglais (pepper). En français, cela
donna donc le mot « poivron ».

Le poivron... mais quel poivron?
Si le poivron est un piment, il s’en différencie par son poten-
tiel incendiaire quasi nul, mais aussi par sa taille et sa forme.
Aujourd’hui, les poivrons à quatre lobes, dits « carrés courts »,
ont définitivement squatté les étals. Mais on trouve aussi
quelques variantes, comme le délicieux corne de taureau,
long, pointu, ou le marconi, version allongée du carré. La cou-
leur du poivron carré est une indication de son stade de matu-
rité. Les poivrons verts, cueillis plus rapidement, dévoilent
une légère amertume ; les rouges, récoltés plus tardivement,
sont plus sucrés et plus parfumés. D’autres variétés – souvent
imaginées par des petits chimistes... – affichent des couleurs
extravagantes, mais n’ont pas d’intérêt gustatif. Quoi qu’il en
soit, l’achat du poivron doit toujours obéir aux mêmes règles :
un pédoncule bien vert, une peau tendue et brillante.

Coupez les poivrons en quatre
Reste à savoir qu’en faire, de vos jolis poivrons colorés... On
cherche souvent, en premier lieu, à les rendre plus digestes en
les débarrassant des pépins et des membranes blanches, avant
d’enlever la peau. Si vous n’avez pas envie de vous battre avec
vos poivrons pendant des heures, le plus simple reste encore
de les brûler, au four ou à la flamme de votre cuisinière. Au
niveau des cloques noires, la peau se détache de la chair ; et si

vous voulez vous simplifier encore davantage la tâche, vous
pouvez même les mettre dans un sac plastique scellé après
le passage au four : la vapeur permettra de décoller la peau
encore plus facilement.
D’un rouge intense, les poivrons permettent de confectionner
de jolies sauces, en les grillant puis en les mixant. Pour réali-
ser cela en quelques minutes, vous pouvez même utiliser les
fameux petits poivrons en bocaux espagnols, les pimientos
del piquillo de Lodosa, IGP de Navarre, qui sont récoltés à la
main tardivement, à l’automne, grillés à la flamme et conser-
vés dans l’huile. Attention à bien assaisonner votre sauce : la
douceur de ce végétal impose de le relever. Le poivron sup-
porte aussi très bien une simple cuisson au barbecue, qui favo-
risera le développement d’une légère amertume intéressante.
Il est également bon cru, en salade – il contient même plus de
vitamine C qu’une orange! Juste débarrassé de sa peau, on le
fera mariner à l’italienne, avec du basilic, de l’huile d’olive, une
pointe d’ail... Enfin, son imposante cavité permet de le farcir
(voir la recette d’Ibrik Kitchen). Techniquement, le poivron est
un fruit, mais rares sont les chefs qui s’autorisent à l’utiliser
en dessert, à quelques exceptions près, comme Pierre Hermé
et son incroyable tarte poivron, piment et framboises.

Poivrons du monde
Au Maghreb, on frit souvent de petits poivrons verts pour
accompagner les plats, et on prépare la chakchouka, sorte
de ratatouille relevée (voir la recette de Blitz). En Europe cen-
trale, il est l’un des ingrédients du goulash, ragoût parfumé
au paprika – ce dernier n’est autre qu’un piment relative-
ment doux séché et broyé. En Espagne, ce sont de tout petits
piments verts, souvent aussi doux que des poivrons, qu’on
noircit au gril pour l’apéro. En remontant vers les cuisines
basques et gasconnes, on retrouve la piperade, dans laquelle
tomates, piments et éventuellement poivrons compotent
avant d’être coiffés d’un œuf. En Sicile, il entre souvent dans
la composition de la caponata, ratatouille froide et acidulée.
Les cuisines d’Amériques latine et du Sud, de leur côté, vénèrent
les piments ; si vous en craignez le feu, remplacez-les par des
poivrons dans les recettes. Les chiles en nogada, par exemple,
sont de longs piments, plutôt doux la plupart du temps, farcis de
viande et légèrement sucrés avec de la grenade. De quoi voyager
à moindres frais, le poivron n’étant en outre pas très coûteux!

Le poivron

flash coloré

de votre été

Brillant, parfumé, juteux, le poivron est le top model du marché, qui attire l’œil

et charme les sens. C’est l’été, nous aurions tort de nous en priver...

TEXTE FRANÇOIS BLANC
ILLUSTRATION GIULIA CECCACCI

VÉGÉTAL

89 été 2019

Vu sur https://www.french−bookys.com

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