Monde-Mag - 2019-07-27

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MLemagazine du Monde —27 juillet 2019


faussesvacances

Totalement alunis sant.


parGuillemetteFaure

Responsable de l’unité d’astronomie au Palais de la découverte, à
Paris, Sébastien Fontaineatrès tôt fait passer le motàses collabora-
teurs. Juillet 2019, ce ne sera pas le moment de partir en vacances.
Pour un astronome, un astronaute ou un astrophysicien, prendre ses
vacances lors des 50 ans du premier pas sur la Lune, c’est un peu
comme si le glacier Berthillon fermait en août (mince, c’est ce qu’il
fait). Les spécialistes de l’espace sont débordés depuis le début de
l’été.Au Palaisdeladécouverte, ce samedi, on pouvait expérimenter
la gravité lunaire en réalité virtuelle.Vincent Coudé du Foresto,
astronomeàl’Observatoire de Paris, organisait, avec l’anthropologue
SaskiaWalentowitz et le chef de restaurant Nurdane Bourcier,
un dîner-conférence,«Unpetit plat pour l’homme», avec cocktail
Moonwalk et naissance de la Lune expliquée sur un plateau
de fromages. Des«soirées étoilées»avec télescope se tiennent sur
le toit de la tour Montparnasse. En Ardèche et ailleurs, les séances
d’observation de l’éclipse de Lune partielle du 16 juillet ont attiré
trois fois plus de monde que d’habitude. Le 21 janvier,ils’était déjà
produitune éclipse,«plusbelleàregarder et dansdes meilleures
conditions astronomiques »,mais elle ne tombait pas en même temps
quel’anniversaire d’Apollo 11.
Si vous avez l’âge d’avoir connu 1994, soit les 25 ans des premiers pas
sur la Lune, vous n’avez peut-être pas en mémoire les documentaires
et films diffusés non-stopàlatélé. On en avait bien moins parlé à
l’époque, se souvient Sébastien Fontaine. Et on en parlait autrement.
Les astronomes n’avaient alors pasàrépondreàdes gens qui doutaient
qu’on ait marché sur la Lune,par exemple.L’ espace est redevenu chic
depuis que des hommes d’affaires milliardaires comme JeffBezos et
Elon Musk ont décidé de le privatiser,depuis que semblent s’ébau-
cher des projets d’exploitation commerciale théoriquement antino-
miques avec le traité de l’espace.«Quand Elon Muskaenvoyé
sa Tesla dans l’espace, c’était un majeur tendu au reste du monde
et àlaNASA »,medit un astronome.
Et puis, lors des précédents anniversaires du premier pas sur la Lune,
on n’avait pas Thomas Pesquet. Lui non plus n’est pas en vacances
en juillet, mais il ne l’est jamais–enrentrant de l’ISS,en2017, il avait
prévu de prendre deux semaines en août,pour la première fois depuis


quatorze ans.Il est l’invité d’honneur avec Claudie Haigneré,une autre
des 500 ex-spationautes dont onaretenu le nom,de la soirée«Mooon»,
en face du Palais de la découverte. Le Grand Palais, qui servait de
décor un mois plus tôtàunhommageàLagerfeld,accueille ce soir une
lune de 16 mètres sous la coupole.Avant la venue des spationautes,on
yprojette le documentaire8Days:To the Moon and Back.Près de
deux milliers de personnes assises sur des bancs regardent une recons-
titution dramatisée. Et tous applaudissent«unpetit pas pour
l’homme...», puis l’amerrissage comme si cela se passait en direct.
Des images des astronautes sur la Lune se mixentàDavid Bowie
chantantSpace Oddity.Non, le monsieur aux cheveux orange n’est
pas allé dans l’espace, faut-il préciser aux enfants.
Parlons-en, des gamins. Ils se collentàlascène quand Thomas Pes-
quetymonte.«Pourtant, j’ai ditàmafille qu’il luiafallu apprendre
àfaire pipi dans des couches avant de partir dans l’espace »,m’avait
glisséunastronome,qui lui aussiaime se payerleg endre idéal.Ceder-
nier demande d’applaudir ceux qui viennent de décollerà18h28
pour la station internationale.Àforce de parler d’Apollo 11,on les avait
oubliés. Né après 1969, le plus célèbre spationaute français n’a pas
connu l’alunissage.«Pour moi, marcher sur la Lune, c’est un truc du
futur... »Il assure qu’il ne croit pas que c’était mieux avant,qu’il n’y a
jamais eu autant de gens dans l’espace,qu’il faut avoir des projets plus
grands quesoi,«quelque chose qui nous dépasse »...Lemur de glace
deGame of Thronesexiste sur Mars, argumente-t-il encore. Oui,
l’espace, ça coûte cher,mais sur dix ans, ramené au budget annuel de
la NASA, ou comparé au chiffre d’affaires d’Amazon, ou si chaque
Européen donnait 1,20 euro... Entre ambassadeur de l’espace etmoti-
vational speaker,ilrecharge son publicàune époque où les politiques
n’on taucune raison de vouloir financer des explorations spatiales dont
leurs successeurs récolteront les fruits (saufTrump qui annonce un
retour sur la Lune en 2024, soitàlafind’un deuxième mandat).
Les astronomes seront encore sur le pont les3et4août,pour la Nuit des
étoiles,sans compter les festivals,et donc pas près de partir en vacances.
Mais le Palais de la découverte laisse ses visiteurs poser sous des parasols
plantés sur une Lune photoshoppée pour en tirer des affiches person-
nalisées.«Soyez le premieràpartir pour un week-end de rêve... »
Illustr

ation Sa

toshi Hashimot

opour MLem

agazine du Monde.
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