Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1

(^108 108) II LE MONDE DE LA PHOTOLE MONDE DE LA PHOTO
La haute réputation de la Suisse en tant que patrie d’appareils photo et de
caméras à la précision horlogère, conquise au cours des « trente glorieuses »,
vient en fait d’un émigré russe installé à Genève... qui poursuivit ensuite
sa carrière de constructeur aux États-Unis.
1939 ALPA L’APPAREIL
QUI VENAIT DU FROID
Né à Kiev en
1895 Jacques
Bogopolsky
a été connu
sous plusieurs
identités. Un
temps nommé
Jacques
Boolsky, il
est décédé
à Long Island sous le nom de
Jacques Bolsey. Il a fait ses
études de médecine à Genève et
puis change de voie et se lance
en 1924 dans la construction
de caméras de cinéma 35 mm
accessibles aux amateurs qu’il
nomme « Cinégraphe Bol », puis
adopte le format 16 mm plus
maniable. Il vend sa société
Bolex à la maison Paillard, qui
construisait des machines à
écrire sous la marque Hermès,
ce qui va inaugurer la lignée des
légendaires Paillard Bolex H16 qui
seront produites en série jusque
dans les années 80... et sont
toujours proposés à l’unité par
Bolex international qui en assure
toujours l’entretien après la faillite
de la société initiale. Voici notre
inventeur désœuvré? Que nenni,
il se lance dans la construction
d’un appareil reflex 24 x 36 , le
Bolsey Reflex, qu’il va proposer à
une petite entreprise de pièces
horlogères du Jura Suisse,
Pignons SA. Le premier modèle
sera produit dès 1939 sous sa
marque à quelques unités, avant
d’être renommé « Alpa 1 » quand
la marque Alpa est déposée
en 1946. Mais l’inventeur s’est
installé à New York et son chemin
va s’écarter de la Suisse, ce qui
est une autre histoire, car il fonde
en 1947 une nouvelle société
américaine « Bolsey » qui produira
toute une gamme de modèles à
optiques fixes plus abordables
qu’un reflex durant toutes les
années 50, et sera dissoute à la
mort de son créateur en 1962.
ALPA DANS LE
QUATUOR DE TÊTE
Nous avons déjà conté dans ces
pages la naissance du reflex à
pentaprisme en 1947 et la querelle
en paternité qui oppose les
« contaxistes » au « rectaflexistes ».
Mais les reflex petit format à viseur
capuchon existaient depuis le
milieu des années 30 et quand
Bogopolsky lance son reflex, il
offre en fait deux systèmes de
visée : le capuchon de visée propre
à l’Ihagee Kine Exakta de 1 9 36 et
le viseur optique avec télémètre
qui a fait la réputation de Leica.
Ce n’est qu’en 1949 qu’Alpa
rejoint le Contax (Dresde) et le
Rectaflex en implantant un prisme
redresseur à la place du capuchon,
puis Ihagee propose à son tour
en 1950 un prisme amovible pour
l’Exakta. L’Alpa Prisma Reflex
va être proposé à un tarif assez
élevé, fabrication suisse oblige,
puisqu’on le trouve chez Photo
Hall au tout début des années 50
à 161 425 F avec un Schneider
Xenon 50 mm f/1,9 ce qui équivaut
à près de 4 000 € d’aujourd’hui...
mais le SMIC était équivalent à
l’époque à 376 € par mois. L’Alpa
va rapidement s’éloigner de la
construction d’origine du Bolsey
reflex en adoptant une coque en
alliage léger coulé au lieu de la
tôle emboutie, puis régulièrement
évoluer d’année en année en
conservant pour certains modèles
un double viseur, avant de
changer radicalement de style
en 1960 avec les 6c et 9d plus au
goût esthétique des sixties. Le
viseur à prisme inauguré en 1949
présentait en effet l’originalité
peu pratique en cadrage vertical
d’un oculaire incliné à 45 %, le
nouveau viseur est droit comme
tous ses concurrents. En 1967 un
9d était vendu 3 7 25 F avec son
50 mm f/1,8 Macro Switar, soit
près de 5 000 de nos euros, un
peu moins cher que le Contarex
IL ÉTAIT UNE FOIS
Par Jean-Marie
Sepulchre
Alpa 6 à visée oblique
et Alpa 9 à visée droite.
(Collection et photo
de l’auteur)
Le Bolsey Reflex,
produit en Suisse par
Pignons SA, ancêtre
de la lignée Alpa.
(© Leicashop)
Le Prisma Reflex
de 1949 : le Bolsey
a gagné un prisme
de visée et une
nouvelle identité.
(© Auctionfree.com)

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