Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1
LE MONDE DE LA PHOTOLE MONDE DE LA PHOTO II 109109

évoqué dans notre dernier numéro,
mais plus cher qu’un Leicaflex.
Et pour le même prix on pouvait
acquérir deux Nikkormat avec les
Nikkor H 50 mm f/2...


UN SYSTÈME ORIGINAL
Pignons se limite d’abord
modestement à construire des
boîtiers « Bolsey » vendus sous
cette marque aux États-Unis au
tout début de la production, avant
de faire évoluer le concept au point
qu’il échappe à son créateur, mais
les données de base vont rester les
mêmes tout au long de la vie de
l’appareil. D’abord, le faible tirage
mécanique entre l’objectif et la
surface sensible (37,8 mm) restera
inchangé malgré la difficulté qu’il
entraîne pour loger un grand miroir
de visée. Cette distance est la plus
courte de tous les reflex 24 x 36 dont
la moyenne est autour de 45 mm,
ce qui va permettre, bien avant la
vogue des sans miroir, à l’Alpa de
pouvoir utiliser une grande partie
des objectifs du marché
reflex, en principe tous, si
on renonce au diaphragme
automatique et que l’on
dispose d’une bague
d’adaptation. Alpa ne
construit pas d’objectifs,
mais en sélectionne
pour les vendre sous sa
marque avec sa monture
à baïonnette spécifique,
le catalogue de 1979
en recense 25 de 15 à
600 mm de focale, sur
demande elle se fait fort
de fournir des objectifs
jusqu’à la focale de
5 000 mm. Une partie
provient du Japon comme
les Asahi Takumar et les
Auto Alpa construits chez
Chinon « for Alpa Swiss »,
d’autres d’Allemagne
comme Schneider et
Zoomar, la France est à
la fête avec Berthiot et
Kinoptik, la Suisse sauve
l’honneur avec Kern et son
50 mm standard Macro-
Switar vanté alors pour
son piqué. Lequel est encore très
bon au centre et superlatif à f/2,8
sur un numérique 24 Mpxl, mais il
faudra fermer à f/11 pour que les
bords et angles soient excellents!
Dans les années 60, la marque a
aussi compté Angénieux, Enna, Kilfitt,
Schacht... dans ses fournisseurs
et a commercialisé directement


des bagues d’adaptation
permettant d’utiliser des optiques
Topcon, Exakta, Nikon, Mamiya,
Leicaflex et 42 à vis des Pentax,
Pentacon, etc., soit des possibilités
exceptionnellement larges. De très
nombreux accessoires dédiés à la
photographie médicale, scientifique,
et à la macrophotographie sont
disponibles.
Là où le bât blesse, c’est pour
l’évolution du boîtier dans
les seventies Alpa avait suivi :
assez facilement la tendance
de présélection automatique
du diaphragme et de la mesure
interne de la lumière et son
modèle 9d de 1964 intègre trois
cellules CdS, deux orientées vers
le verre de visée et la troisième
vers l’oculaire pour soustraire de la
mesure la lumière parasite, le tout
parfaitement compétitif par rapport
à la technologie japonaise. Mais
quand la motorisation des systèmes
professionnels devient à la mode, les
ingénieurs suisses doivent bricoler un

moteur externe situé au-dessus de
l’appareil et actionnant par un doigt
mécanique le levier d’armement à la
place du photographe, un dispositif
assurément baroque faute de
pouvoir refaire de fond en comble
le mécanisme de l’obturateur. 
Alpa ne pourra pas suivre la course
à l’automatisme d’exposition avec

mesure à pleine ouverture, ni la mode des
boîtiers compacts de la fin des seventies
et le dernier modèle original est présenté
en 1976, c’est le 11si qui fait appel à une
cellule au silicium plus rapide pour la
mesure de la lumière, sa production en
petite série durera cependant jusqu’aux
années 90, mais c’est le champ du cygne
du Swiss Made. Au total, Pignons SA aura
produit environ 50 000 boîtiers entre
1939 et 1990, une moyenne d’environ 1 000
par an, avant de tenter dans les années 80
une courte expérience de survie en
vendant à prix plus démocratique
des boîtiers Chinon CE4 à monture K
rebadgés... mais Chinon ne survivra pas
non plus à l’irruption de l’autofocus.

SOUVENIRS DE L’AUTEUR
ALPA NON, BOLEX OUI!
J’ai évoqué dans le dernier numéro le magasin Grenier de la rue
du Cherche-Midi... c’est là que j’ai acquis en 1968 mon premier
reflex « utilisé par des pros ». Une vitrine entière présentait des Alpa
d’occasion... mais c’étaient ces fameux modèles à viseur incliné, et mon
budget « travail de l’été » ne me permettait d’acquérir à neuf qu’un tiers
de 9d plus moderne. Je choisis alors un Pentax SV. Cependant en 1972
j’eus une tentation cinéma amateur, sans doute trop ambitieuse, car le
coût des films 16 mm était inquiétant, donc je possédai un temps une
Paillard Bolex H16 reflex équipée d’un magnifique zoom Kern Vario-
Switar... mais le budget était si élevé pour passer ensuite au « cinéma
parlant » que j’en restai à la simple photo et ne replongeai un peu dans
l’image animée qu’au temps du caméscope.

Paillard-Bolex H16, l’autre héritage de Jacques Bogopolsky. (© Ivoire-Toulouse)

LA RENAISSANCE D’ALPA
Après la fin de la production
des Alpa historiques et la
faillite de Pignons SA en
1990, la marque a été vendue
en 1996 par le liquidateur à
des passionnés, Mme Capul
et M. Weber qui ont relancé
à Zurich la production
d’appareils photographiques,
reprenant la chronologie à 12...
puisque la série 11 avait été
la dernière produite en Suisse.
Toutefois, il ne s’agit plus
de reflex, mais de petites chambres photographiques modulaires
d’abord argentiques, aujourd’hui numériques, déclinées en plusieurs
variantes... de finition et de tarif très haut de gamme. Les objectifs
dédiés sont produits pour Alpa par Rodenstock et Schneider, et des
dos Hasselblad et Phase One sont proposés... sans oublier des dos
argentiques Alpa 6 x 7 et 6 x 9 et même une caméra de cinéma 65 mm
prévue pour la vidéo 8K sur grand capteur numérique.

Alpa 12 TC avec dos numérique
Phase One 100 Mpxl (© Alpa)

Cette image
extraite du
catalogue du
9d montre le
moteur optionnel
actionnant...
le levier
d’armement
manuel, solution
peu rationnelle
n’autorisant
qu’une vue par
seconde. (© Alpa)

Malgré sa finition
plaquée or, le
11 Si spécial
collectionneur
sera le chant du
cygne. (c) Alpa
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