Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1

(^146) I LE MONDE DE LA PHOTO
CLIN D’ŒIL
LES TRIBULATIONS D’UNE
DIRECTRICE ARTISTIQUE
Quand on se retrouve
dans une salle
d’exposition devant
quelques-unes de
ses photos exposées,
et que l’on voit les
visiteurs défiler de
façon rapide et peu
attentive, on est
parfois découragé... On repense alors à
toutes les étapes qui, de la prise de vue au
tirage final, ont représenté des dizaines,
voire des centaines d’heures de travail...
Tout ça pour ça? Eh oui, c’est la règle du
jeu. Depuis trois ans, je découvre que le
même sentiment existe pour ceux qui
organisent des festivals photo. Quand
je suis devenue directrice artistique du
Festival du Regard, j’ignorais à quel point
monter un événement qui rassemble des
auteurs autour d’un thème pouvait être
aussi prenant! On parle rarement des
coulisses d’un festival, je profite donc de
cette tribune pour vous en raconter la
chronologie. La réflexion commence très
en amont (l’édition 2019 ouvre le 24 mai
et je suis déjà en train de penser à 2020 !)
sur le thème que nous allons aborder
(cette année c’est « Habiter »). Ce thème,
j’aime bien qu’il ait un rapport avec le
lieu où l’on expose (Cergy-Pontoise, une
ville nouvelle). Il se trouve que nous
avons chaque année un lieu différent
et la surface, la hauteur sous plafond,
la situation géographique, la lumière
existante conditionnent beaucoup de
choses... Quand on fait des expositions en
extérieur, c’est un peu plus simple. En gros,
vous allez récupérer des fichiers que vous
allez pouvoir imprimer sur PVC, Dibond
ou bâche, selon le budget dont vous
disposez et la taille d’agrandissement que
vous aurez choisi. En intérieur et pour les
amoureux de la matière photographique
dont je fais partie, c’est une autre histoire.
On va montrer des tirages faits, ou non,
par l’auteur, qui ne sont pas forcément
encadrés. Par exemple, nous avons
déniché douze tirages couleur de Robert
Doisneau réalisés sur Cergy-Pontoise
en 1984 (jamais exposés), mais aussi
des images de Sabine Weiss, de Lucien
Hervé, d’Eugène Atget... Chaque série
a des tailles différentes, est en couleur
ou en noir et blanc, d’où les questions
qui s’enchainent : passe-partout ou
pas? Le passe-partout doit-il mordre
sur l’image ou faut-il laisser trois à
cinq millimètres autour pour que la
photographie « respire »? Quelle couleur?
Blanc pur, blanc crème léger, blanc
crème plus prononcé? Où placer l’image
dans le cadre, au centre? Légèrement
décalée? Et la baguette du cadre? Fine?
Épaisse? Bois naturel? Cérusé? Alu
brossé? Alu plaqué bois? Rien que pour
l’encadrement d’une des expositions du
festival, nous aurons passé des heures
de discussion avec l’encadreur pour
trouver la présentation qui semble la
meilleure et la plus cohérente avec les
photographies et le lieu où elles seront
présentées. Je pourrai aussi vous parler
de l’éclairage, de la scénographie, du
dossier de presse, de l’accueil des auteurs,
des textes d’exposition, de la réalisation
du catalogue, de la communication sur
les réseaux sociaux... Tout cela mériterait
un dossier complet dans MDLP. Mais
là aussi, croyez-moi, comme pour les
photographes qui exposent, l’événement
passe vite, trop vite, et on est parfois
frustré. Pourtant, l’année suivante on
remet ça, parce qu’en réalité c’est une
passion et un plaisir rare que de pouvoir
donner à voir le travail de photographes
et, surtout, de le partager avec le public.
Rendez-vous, donc, à Cergy-Pontoise
à partir du 24 mai. 
Par
Sylvie Hugues

C’est une passion et
un plaisir rare que de
donner à voir le travail
de photographes et,
surtout, de le partager
avec le public

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