Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1
LE MONDE DE LA PHOTO I 41

DUO INÉDIT
La monographie,
consacrée par Le Centre
Pompidou à Shunk-Kender
est inédite. Elle voit le jour
grâce au titanesque travail
opéré par la Fondation Roy
Lichtenstein, détentrice
de l’ensemble des œuvres, ainsi que des droits d’auteur, suite à une
acquisition sous pli scellé lors d’une vente aux enchères. Pendant plus
de cinq ans, quelque deux cents cinquante mille documents ont été triés,
nettoyés, reclassés, organisés, souligne Jack Cowart, directeur exécutif
de la fondation, puis numérisés, dans le but de « réhabiliter le rôle joué
par Harry Shunk et János Kender dans l’histoire de l’art. C’est bien de ce »
duo de photographes dont il s’agit, en tout cas pour la période comprise
entre 1958 et 1973. Les œuvres datées avant ou après ont été commises
par Harry Shunk seul. Au cours de ces années, les deux compères ont
photographié quelque trois cents artistes, sur commande (émises par
des personnalités ou leurs galeries), avec une approche résolument
moderne pour l’époque : hors studio, dans la rue ou dans leur intimité, en
adoptant un regard intimiste et documentaire. Klein, Picasso et Warhol
en font partie. Cet ouvrage et l’exposition réhabilitent avec justesse
l’œuvre de ces deux photographes.

MILES
Disparu il y a neuf ans, le
photographe Jean-Pierre
Leloir laisse une œuvre
conséquente derrière
lui, dans le domaine
musical. Cofondateur
de Rock & Folk,
collaborateur à Jazz
Man, Jazz Magazine,
il a photographié les
plus grands talents du
siècle dernier, d’Edith
Piaf à David Bowie
ou Ray Charles, mais
aussi Radiohead, Amy
Winehouse ou U2... Il a
toutefois entretenu une
relation particulière avec
Miles Davis, mythique
trompettiste. Ce livre
contient de nombreuses
perles, dont celles prises
dans la salle Pleyel,
lors de son concert
avec le saxophoniste
Lester Young. Jusqu’aux
dernières notes jouées
par le maître du bebop,
au début des années 90.

CITÉ MEURTRIE
Cruelle concordance des
temps. La cathédrale
de Notre-Dame figure
en couverture de ce
livre consacré à la Ville
Lumière. Pour autant,
bien que sa parution
intervienne début
mai, l’hommage au
célèbre monument,
dévasté depuis par un
terrible incendie, est
bien involontaire : le
livre aurait du sortir
plus tôt. Cette édition
augmentée, par rapport
à la première, sortie
en 2015, est enrichie
de trente-sept clichés
inédits. Les amoureux de
Paris apprécieront cette
visite aérienne, où les
quartiers et bâtiments
les plus graphiques,
apparaissent sous les
plus belles lumières,
dont la cathédrale, chère
à Victor Hugo, pleurée
partout dans le monde...

GRAND BLANC
C’est une entreprise
de longue haleine :
combattre l’image de
terreur, renvoyée par le
grand requin blanc. La
faute, principalement, au
long-métrage Les dents
de la mer. La navigatrice
Maud Fontenoy, en
préface, exprime ses
propres peurs, suscitées
par le chef-d’œuvre de
Spielberg. Elle les a en
partie levées lors d’une
plongée nocturne aux
Bahamas, auprès d’un
requin tigre. Tout au
long de ce petit livre, le
photographe Patrice
Héraud et l’auteur
Alexandrine Civard-
Racinais s’évertuent
à informer sur les
comportements de ce
formidable prédateur,
pour atténuer ces
fausses idées... et
montrer les dégâts
causés par l’homme.

PRÉFACEMARION LELOIRTEXTESPHILIPPE MARGOTIN

MILES DAVIS
Par Jean-Pierre Leloir et Philippe
Margotin
Éditions Glénat
192 pages, 27,5 x 32,8 cm,
39,95 €

PARIS VU DU CIEL
Par Yann-Arthus Bertrand et
Philippe Trétiack
Éditions du Chêne
200 pages, 28,7 x 20 cm,
25 €

LE GRAND REQUIN BLANC
DU MYTHE À LA RÉALITÉ
Par Patrice Héraud et
Alexandrine Civard-Racinais
Éditions Glénat 144 pages,
17 x 24 cm, 19,95 €

VISION POST-MORTEM
« L’amateur peut, dans un premier
temps, consommer l’imagerie.
Elle se veut non conventionnelle
et métissée : elle mêle les
époques, les genres et les styles
avec la volonté d’étonner l’œil ;
elle ne répugne pas à l’audace de
certaines confrontations. » Tel
est le postulat de Robert Delpire,
lorsqu’il crée, à la fin des années
50, la collection « L’encyclopédie essentielle », dont
cet opus constitue l’ultime élément. Le célèbre
éditeur, désormais disparu, avait noué un fort lien
d’amitié avec l’écrivain Wadji Mouawad, alors qu’il
était âgé de 87 ans. Il lui confia la rédaction de ce livre,
suite au décès de Claude Roy, qui devait accomplir
la tâche à l’origine. « Bob » Delpire a lu le texte. Il a
validé les images, comme à son habitude. Il a aimé le
contenu. Mais il n’a pas pu apprécié la version éditée,
publiée post-mortem. C’est une œuvre très singulière,
à laquelle nous convie Wadji Mouawad. Sa plume
dépeint à la fois la « redoutable » mécanique de l’œil
et offre une description littéralement chirurgicale de
l’organe, ainsi qu’à une contextualisation historique,
depuis le cyclope, rencontré lors de l’odyssée
d’Ulysse, jusqu’au film Un chien andalou de Luis
Buñuel. Un livre conceptuel passionnant, qui met
à l’honneur nombre de photographes, dont Sarah
Moon, compagne de Delpire.

L’ Œ I L
Par Wadji Mouawad
Éditions Actes Sud
26,4 x 23 cm cm
80 pages, 29 €

© J.Paul Getty Trust. Tous droits réservés. © Adagp, Paris 2019 © Centre


Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Photothèque RMN-Grand Palais

Photo

: T

om Hoops

SHUNK-KENDER :
L’A R T S O U S L’ O B J E C T I F
(1957-1983)
Par Jack Cowart, Glenn R. Phillips,
Didier Schulmann, Florian Ebner,
Chloé Goualc’h et Stéphanie
Rivoire, Julie Jones Marcella Lista
Éditions Xavier-Barral
477 pages, 20 x 25,8 cm, 49 €

Untitled portrait of Gary.

Jacques Villeglé, Paris, 1961. Don de la Fondation Roy Lichtenstein en mémoire de
Harry Shunk et de János Kender (2014). Photographie : Shunk-Kender
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