Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1

de simplicité, excluant le superflu pour ne
retenir que l’essentiel ». Cette approche
est régulièrement résumée par la phrase
désormais célèbre de Mies Van der
Rohe, fameux architecte allemand de
la première moitié du XXe siècle : « Less
is more » (moins, c’est plus). Ce qu’il
faut comprendre, c’est que la quête de
simplicité produit souvent des clichés
à l’impact considérable capables de
susciter de l’émotion et d’exprimer
des concepts, sans contenu superficiel.
Si vous avez la curiosité d’effectuer
une recherche concernant le paysage
minimaliste sur Internet, vous serez
peut-être étonné de trouver toutes
sortes d’images dont certaines peuvent
sembler très éloignées les unes des
autres au premier abord. Pourtant elles
ont un point commun : la recherche de
simplicité. Il est important de souligner
que le sens de ce mot ne doit pas
être synonyme de simpliste et il serait
très réducteur de penser que ce type
de paysage est facile à élaborer. Pour
les réussir, il faut apprendre à regarder,
capter la quintessence de ce que l’on voit,
« poser » le cadre au bon endroit.


VERS PLUS DE CRÉATIVITÉ
Beaucoup ont tendance à considérer
que la fonction première d’un appareil
photo est de générer une représentation
conforme de ce qu’il se passe réellement.
En photographiant un paysage, ils
cherchent à retranscrire fidèlement ce
qu’ils ont observé. Le style minimaliste
est un bon moyen de remettre en
question sa vision de la photographie
et de tenter de produire des images plus
créatives. Il peut représenter un mode
d’expression exclusif, mais certains
photographes y verront une pratique
plus expérimentale ou une solution
pour sortir ponctuellement des canons
esthétiques usuels. La manière dont
nous percevons le monde peut être
largement bouleversée par cette idée
basique de vouloir le résumer à sa plus
simple expression. Pour exemple, lorsque
nous voyageons, nous prenons beaucoup
de clichés, car l’attrait de la découverte
fait que nous nous étonnons plus
régulièrement de ce que nous voyons.
On rencontre facilement des paysages
dont l’exotisme en font des sujets idéals.
Il est, en revanche, beaucoup plus ardu
de tenter de réinventer constamment
notre environnement habituel à travers
la photographie. En adoptant un style
minimaliste, nul besoin de parcourir
le monde pour réaliser des photos
d’exception. Avec un peu de pratique,
vous pourrez aborder n’importe
quel paysage avec succès.

UNE MÉTHODE POUR UN PAYSAGE MINIMALISTE


Formaliser un procédé est parfois un bon moyen de trouver (ou de garder) ses
repères au moment où nous prenons les décisions pour produire une image
de qualité. Nous pouvons ainsi établir une ligne de conduite à suivre pour
l’élaboration d’un paysage minimaliste.





Trouver l’inspiration : cela peut
sembler cousu de fil blanc, mais
en réalité beaucoup de débutants
ont tendance à oublier ce principe.
Ils photographient un paysage qui se
présente à eux sans vraiment avoir
cherché à s’en imprégner. C’est pourtant
la première chose à faire : imaginer ce
qu’un panorama nous inspire et tenter
de matérialiser physiquement cette
sensation. Cette étape constitue donc
le point de départ de toute création.





Définir le sujet : ce dernier découle
directement de l’inspiration que
vous aurez eue précédemment. Définir
le sujet vous amènera à considérer
le pilier de la composition. Dans le
paysage qui se développe devant
vous, il y a sans doute beaucoup de
motifs : un arbre au premier plan, une
petite maison perdue au creux d’une
vallée, les montagnes en arrière-plan,
un ciel nuageux, etc. En se posant la
question de ce que l’on veut exprimer,
on caractérise dans le même temps
le sujet de notre photographie.





Observer la lumière et la météo :
le moment auquel nous allons
effectuer la prise de vue aura une
importance capitale et donnera, selon l’heure, une ambiance totalement différente.
Pour rappel, les luminosités de l’aurore et du crépuscule sont particulièrement
recherchées pour leur douceur. À l’inverse, la forte lumière du milieu de
journée offrira peu de transitions entre les hautes lumières et les ombres.
Pour simplifier une image, les contre-jours et les lumières rasantes peuvent être
de véritables atouts, permettant de gommer beaucoup de détails. Les conditions
météorologiques sont aussi un paramètre majeur à considérer. Dans sa quête
de l’essentiel, un photographe affectionnera particulièrement la brume, la pluie
ou même les chutes de neige. Ces atmosphères nous offrent l’occasion d’obtenir
un voile naturel qui simplifiera avantageusement un cliché.





Varier les conditions de prise de vue : on a parfois tendance à penser qu’il
est délicat de faire des photos différentes d’un même paysage. Pourtant,
les possibilités sont innombrables. Vous pouvez choisir de photographier un large
panorama ou d’en isoler un détail. Vous pouvez opter pour un angle de vue plus
original, tenter d’obtenir un autre point de vue en vous déplaçant un peu, opter
pour une lumière sensiblement distincte, etc.





Rendre la photo minimaliste : les photographes les plus aguerris n’ont pas
besoin de passer par l’étape précédente. Face à un paysage, ils savent
exactement comment obtenir ce qu’ils veulent et ont la capacité de produire
directement ce qu’ils souhaitent. En revanche, pour les débutants, il faudra
certainement un peu plus de pratique avant d’acquérir des automatismes.
Pour cette étape, il s’agira de tenter de simplifier votre image au maximum tout
en restant fidèle à votre idée primaire. Vous pouvez exclure des éléments en
posant le cadre de manière adéquate, en ajoutant un premier plan pour masquer
des objets, en laissant une part plus importante au ciel, etc.

Nikon D750 – Nikkor 300 mm AFS f/4 D
IF ED – 1/640s – f/8 – 320 Iso
En cadrant différemment la scène, on obtient
une image épurée et graphique où les motifs
sont strictement réduits à l’essentiel.
Photo : Denis Dubesset

LE MONDE DE LA PHOTO I 67
Free download pdf